À l’heure où la France va vendre « en catimini » des armes aux rebelles syriens aux abois, où la présence au Mali semble se prolonger, et où les affaires de rétrocommissions font la une… le secteur de la Défense et de l’armement se retrouve en question dans notre pays.

Distinguons deux sujets liés dans ce dossier : d’un côté, la France est le 3e pays producteur d’armement, mais tend à laisser sa place à d’autres pays émergents, tout comme ses voisins européens. Les destinataires de ces armes sont Chine, Arabie Saoudite, Inde, Émirats Arabes unis, Pakistan, Israël, mais les chiffres ne sont pas très fiables du fait même de l’opacité de ce marché. De l’autre coté, la France, membre du G8 et de l’OTAN, est aussi la 14e armée mondiale en effectif (derrière Corée du Nord et du Sud, Vietnam, Iran, Pakistan, Turquie, Birmanie, notamment et juste devant le Brésil).

Une armée très active

L’activité militaire française est pourtant assez comparable à celle des États-Unis, une fois rapportée à la population active française. 352 000 actifs et 70 000 réservistes, soit 5 % de la population en 2010, mais ces chiffres ont été revus drastiquement à la baisse depuis, tombant à environ 300 000 actuellement. La France conserve pourtant de loin son leadership en Europe de l’Ouest. 18 000 hommes sont répartis à travers le monde, dont 5200 sous mandat international. C’est principalement l’Afrique occidentale qui accueille nos forces militaires, héritage d’un passé colonial. Mais côté dépenses militaires, la France est 5e puissance mondiale, selon les chiffres 2011, après avoir été longtemps 3e, dépassée depuis peu par le Royaume-Uni et la Russie. Le budget militaire français n’a pourtant pas subi de baisses dans la période 2008-2011, restant globalement stable à 64 milliards de dollars.

Une industrie très influente

airbusA400MAvec cette activité militaire et ce budget en tendance stable ou baissière, l’industrie de l’armement doit se tourner vers d’autres marchés. L’aviation, les chars, les missiles sont un domaine de compétence traditionnelle de la France et notre marché était orienté vers nos partenaires africains. Mais des pays comme le Brésil ou la Chine ont commencé à investir massivement dans ces domaines, ajoutant à la concurrence intraeuropéenne (en dehors des conglomérats type EADS/Airbus) et des poids lourds que sont Russie et États-Unis. Les liens avec les milieux politiques ont été dévoilés à travers les affaires des frégates taiwanaises, de la Libye ou de l’affaire Karachi. Des industriels de l’armement ont d’ailleurs des postes à l’assemblée nationale et les décisions géopolitiques françaises ne peuvent être dissociées des intérêts économiques de cette filière, à l’image des autres grandes puissances, d’ailleurs.

Un théâtre des opérations différent

Pourtant se pose la question de l’adéquation de nos forces à un monde militaire transformé. Entre une guerre froide révolue et une présence en « françafrique » remise en cause, nos forces ne sont plus en phase avec un théâtre des opérations de plus en plus lointain. L’Asie devient un enjeu de manœuvres militaires en plus d’un enjeu économique (voir nos articles sur la Birmanie, les iles Paracels…). sur lequel nous n’avons guère de prise. Mais l’Afrique devient aussi un terrain économique où la présence militaire a un rôle, que ce soit pour protéger des intérêts économiques (les exploitations d’Areva, par exemple) ou des alliances géopolitiques. Nos moyens développés du temps de la guerre froide ne se retrouvent plus en phase avec ce nouveau marché. On pense évidemment au Rafale, symbole de l’avion invendable, mais nos chars lourds de type Leclerc ne sont pas non plus les plus adaptés à des conflits de type guérilla dans des milieux difficiles. Entre des industriels voulant rentabiliser ces produits et une armée française cherchant d’autres moyens, il y a inadéquation. L’état doit composer avec ces demandes antinomiques sans disposer de ressources de recherche et développement idoines pour s’adapter.

L’armée, seul outil géopolitique ?

À regarder les pays les plus influents politiquement dans le monde, la question du budget militaire et de l’effectif nécessaire est au cœur des décisions. Une garnison dans une ville, c’est une garantie de quelques emplois, d’une économie, mais aussi….de votes car les militaires sont traditionnellement des votants fidèles. Il est donc difficile de supprimer et de re-répartir ces effectifs sans créer de remous, surtout dans un pays en proie aux problèmes d’emploi. Pourtant d’autres pays savent peser géopolitiquement par d’autres biais que leur armée. Les pays nordiques ont une grande tradition de médiation qui tend à supplanter celui de la France dans les conflits les plus critiques. L’Allemagne pèse plus économiquement que militairement (pour des raisons historiques), mais, comme le Japon, souhaite accompagner son retour dans la géopolitique mondiale, d’une augmentation de son influence militaire (13 000 hommes de la Bundeswehr sont déployés dans le monde).

À la lecture de ces informations, il est incontestable que le secteur de la Défense doit se transformer et s’adapter. L’industrie doit sortir de sa dépendance de ses anciens marchés liés aussi à des dictatures. Notre armée doit aussi trouver d’autres moyens développés en cohérence avec besoins et possibilités industrielles. Mais l’opinion publique est-elle prête à accepter de telles dépenses et mutations alors que d’autres sujets semblent plus urgents ? Les liens sont pourtant évidents entre éducation, emploi et défense, comme pour les autres secteurs de l’industrie. C’est aussi en prenant en compte ces liens que la défense doit résoudre ces équations, à l’avenir.

Didier Ackermann

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Didier Acker
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