Dans un monde que Blandine Le Callet situe en 2100 environ, une enfant est séparée violemment de sa mère et kidnappée par des policiers, bras armés d’un ordre totalitaire… Bienvenue dans l’univers de La ballade de Lila K, deuxième roman de Blandine Le Callet.

L’éducation de Lila, jusqu’à l’adolescence, se fera sous la surveillance physique et vidéo d’une société toute-puissante, qui tentera de formater l’enfant selon un modèle unique de comportement, détaché de tout lien familial et affectif, parfaitement désincarné et seulement utile à une société future glacée, glaciale, militaire et despotique. L’entreprise se heurtera pourtant à la résistance pugnace de l’héroïne, qui cherchera sans cesse à retrouver sa mère et ses racines, et trouvera une inattendue complicité (intellectuelle et affective) avec son tuteur officiel, bientôt lui-même soupçonné de complaisance et éliminé par l’Organisation.

Sa soif de liberté, de savoir et de vérité (« Ex libris veritas », principe retenu de ses lectures), l’héroïne l’assouvit dans les livres, les vrais, faits de feuillets brochés et reliés, qu’elle lit dans le secret de sa chambre. Lire librement, en effet, est devenu quasiment un acte de clandestinité. Elle réussira à trouver un emploi dans la Grande Bibliothèque (étrangement proche de la TGB, appellation initiale de notre actuelle BNF), au grand dam de ses tuteurs. Mais, dans ce temple de la connaissance et de la mémoire, le support ancestral de l’écrit, le papier, est peu à peu éliminé. On ne doit plus toucher au papier qu’avec des gants, officiellement pour des raisons d’hygiène (forme dévoyée du principe de précaution) et toute la mémoire des bibliothèques, dans ce monde cauchemardesque, est analysée, inspectée, révisée.

Bâtiments de la Bnf

Rien ne doit échapper au délire inquisitorial. À terme, tout sera reporté sur support numérique, nouveau vecteur d’un savoir strictement contrôlé. La bibliothèque ne doit plus être qu’électronique et tout écrit, passé au filtre et crible de la nouvelle organisation sociale, ne sera plus lu que sur tablette tactile (les « grammabooks », ainsi que les baptise l’auteur, successeurs de nos « ipads »).

Ce roman d’anticipation, captivant de bout en bout , aux accents orwelliens, reprend et amplifie certains des grands sujets de notre époque actuelle: l’écologie, l’hygiénisme, la surveillance électronique et vidéo, le monopole grandissant de la diffusion numérique, l’éducation et la culture formatées, l’angoisse de la disparition progressive des racines et des origines, la surveillance et l’éradication de toute forme d’intimité, anéantie par une entreprise oppressive et son emprise absolue sur les esprits et les coeurs.

À lire absolument.

La ballade de Lila K, par Blandine Le Callet, LGF Le Livre de Poche (édition originale Le Seuil), 354 p., 2012, EAN 9782253161752, prix: 7.60 euros.

Blandine le Callet est maître de conférences à l’université Paris-XII et poursuit des recherches en philosophie ancienne et littérature latine sur les monstres dans la Rome antique (elle a publié un essai, Rome et ses monstres, paru en 2005 aux éditions J.Millon). Elle habite en région parisienne. Son premier roman, Une pièce montée, a remporté un grand succès auprès de la critique et du public en 2006. Il a reçu le Prix des lecteurs du Livre de poche en 2007.

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