Mon père avait toujours été un revenant. Jamais là, mais toujours capable de réapparaître.

La ballade d’Ali Baba de Catherine Mavrikakis pose une question : comment oublier ce père fort « de ses mensonges, de son bagout et de son désir désespéré de vivre » ? Erina, la fille aînée se souvient de ce voyage vers Key West. Le père divorcé tenait absolument à montrer la mer à ses filles, la narratrice et les jumelles. Deux jours de route aller puis retour, juste pour montrer la mer et visiter la boutique d’El Pedro, véritable caverne d’Ali Baba pour les jeunes enfants. Ou de ses escapades dans les casinos de Las Vegas.

La ballade d'ali baba
La ballade d’Ali Baba

Vassili Papadopoulos est né en Grèce. Il a quitté Rhodes en 1937 pour rejoindre l’Algérie avec sa mère, ses frères et sœurs. Aîné de la famille, il doit travailler très tôt pour remplacer son père retenu à la guerre. En 1957, il part aux USA puis rejoint son père à Montréal. Il se dit citoyen du monde, brasse du vent, construit des châteaux en Espagne.

« Tout le monde succombait à son charme. »

Quand la narratrice, en 2013, rencontre son père à Montréal neuf mois après sa mort, rien ne l’étonne de cet homme fantasque. Tel le père de Hamlet qui revient sur terre pour hanter son fils, Vassili a une dernière requête à faire à sa fille.

« Tu seras éternel. Tu seras dans tous les récits. Tu seras lové au cœur de tous les possibles. »

catherine mavrikakis
Catherine Mavrikakis

Erina reconstitue sans logique temporelle la vie de ce père, en éclatant les souvenirs en accord avec la vie tumultueuse de cet émigré grec et sa façon de vivre. Toutes les périodes de la vie, tous les pays traversés mènent à ce point de rencontre entre une fille et son père.

Avec humour et tendresse, Catherine Mavrikakis signe un bel hommage au père.

Key West
31 décembre 1968
Dans la lumière incandescente de l’aurore, les rayons impétueux du soleil à peine naissant tachaient la nuit d’une clarté carmin. Nous roulions à tombeau ouvert à travers tout Key Largo. Les néons des enseignes des motels vétustes bâtis à la hâte dans les années vingt et trente et les panneaux multicolores des bars de danseuses nues datant de 1950 faisaient des clins d’œil au ciel tumescent du jour à venir. Les phares des voitures roulant en sens inverse nous éblouissaient par intermittence. Ils nous lançaient des signaux de reconnaissance lubriques.
Nous entamions les Keys.
Nous dévorions les Cayos crus dans le tout petit matin. L’archipel s’offrait languissant à nous sous les lueurs rouges de l’aube. Ces îlots minuscules, posés dans l’Atlantique, tout au bout des États-Unis, vestiges d’une mer peu profonde qui couvrait la région quinze millions d’années plus tôt, balayaient le temps et l’histoire sous nos roues. Ils nous déployaient, magnanimes, une longue route sinueuse, étroite, celle des commencements et des fins. La mythique U.S. Route 1… Elle s’arrêterait net, là-bas au loin, en se cognant violemment contre l’océan qui ouvrirait grand la gueule pour l’avaler tout rond.

Catherine Mavrikakis, La ballade d’Ali Baba, Editions Sabine Wespieser & Héliotrope, Disponible en librairie à partir du 28 août 2014 au prix de 18 €, 200 p. ISBN : 978-2-84805-165-9 également disponible en format epub et pdf au prix de 13,99 €

Catherine Mavrikakis est née à Chicago, en 1961, d’une mère française et d’un père grec qui a grandi en Algérie. Son enfance se déroule entre le Québec, les États-Unis et la France.

Elle est l’auteure de Les Derniers Jours de Smokey Nelson (Héliotrope, 2011, et Sabine Wespieser éditeur, 2012) salué par la critique et par la presse. Son dernier roman, La Ballade d’Ali Baba (Héliotrope et Sabine Wespieser éditeur), paraît simultanément en France et au Canada en août 2014.

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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