Joli coup que cette coproduction entre SNG Opéra in balet Ljubljana (Slovénie) et l’Opéra de Rennes. Cette Katia Kabanova de Leoš Janáček aura tenu en haleine, pendant près de deux heures, un public tétanisé par les mésaventures pathétiques de cette femme en plein désespoir.

Katia Kabanova c’est l’histoire presque banale d’une femme étouffée entre un mari brave type-pauvre type et une belle mère digne de Cendrillon qui ne manque jamais d’exprimer son aigreur, dans l’espoir mauvais de nuire à sa belle fille.

KÁTIA KABANOVÁ JANÀČEK

Cette œuvre de Janacek trouve son inspiration dans une pièce du dramaturge russe Alexandre Ostrovski intitulée l’Orage. Le livret en trois actes a été écrit, en tchèque, par Vincente Cervinka. Créée le 23 novembre 1921 au théâtre de Brno, l’œuvre a tout de suite connu un véritable succès. Il faudra toutefois attendre l’année 1968 pour que l’opéra comique la fasse connaître au public français. Katia vit en 1860 dans la ville de Kalinov au bord de la Volga. Son mari, Tikhon, qui lui voue de tendres sentiments n’en est pas moins un personnage falot et un peu lâche, absolument incapable de résister au caractère dominateur de sa mère, la virulente Marfa Kabanova. Lors d’un déplacement de son mari, plus esseulée que jamais, Katia cédera au charme de Boris, mais cette âme loyale, torturée par le remords, finira par choisir la mort en se jetant dans la Volga.

KÁTIA KABANOVÁ JANÀČEK opéra rennes

La première remarque qui s’impose est la remarquable cohérence de cette coproduction. Les décors sombres et minimalistes conviennent parfaitement à l’ambiance de tension permanente et à la noirceur de la partition. Les personnages, habillés par Belinda Radulovic, en costume noir et parapluie, se détachent comme des silhouettes anonymes sur un fond lumineux aux couleurs changeantes. Comme des promeneurs au bord de la Volga, ils semblent ignorer le drame qui se joue à quelques pas d’eux. Ce dépouillement de bon aloi est enrichi par un savant jeu de lumières qui suggère avec adresse les changements d’ambiance et de sentiments. La mise en scène de Frank van Laecke ne laisse pas place aux temps morts : avec intelligence, elle contribue à maintenir une tension qui ne cessera qu’avec la mort de l’infortunée Katia.

KÁTIA KABANOVÁ opéra

L’orchestre symphonique de Bretagne, placé pour quelques jours sous la baguette très exigeante du chef Jaroslav Kyzlink ne perd pas une note de la beauté quasi sépulcrale de cette musique et délivre une prestation de haut niveau. Côté chant, même satisfaction et même cohérence. Comme d’habitude nous aurons un petit coup de cœur. Cette fois il ira à l’excellente Vlatka Orsanic, laquelle, en marâtre effrayante solidement campée au centre de la scène, offre l’image d’un être au cœur particulièrement sec. Bonne impression également délivrée par Sasa Cano, dont la voix grave et les mensurations impressionnantes plantent un personnage pantagruélique en accord avec l’idée que l’on se fait d’un Russe amateur de Vodka et d’autres plaisirs encore.

C’est dans le couple formé par Rusmir Redzic et Martina Zadro, respectivement Tikhon et Katia que l’on retrouve cette impression de cohérence, tant ils vont bien l’un avec l’autre. Martina Zadro sait rendre avec talent les déchirements de l’âme qui agitent son personnage, Ruzmir Redzic ne démontre pas moins d’adresse à mettre en avant la lâcheté de Tikhon, mais aussi les souffrances qui en découlent. Il est juste de saluer le bon travail de Aljaz Farasin dans le rôle de l’amant Boris. Il incarne avec habileté les égarements des amours de jeunesse.

KÁTIA KABANOVÁ JANÀČEK

On retrouve légèreté et insouciance dans les personnages de Varvara, campé avec une belle autorité par Irena Parlov et son amant d’instituteur, Vanya, interprété par Majel Vovk. Leur amour est innocent, mais par l’exemple qu’ils donnent à Katia, ils deviennent, sans le vouloir, les artisans de sa perte.

Nous sommes, vous le constaterez, assez loin de la légèreté d’un opéra italien où les mêmes événements auraient pris d’amusantes nuances de marivaudages et de comique. Avec Janacek, rien de tout cela, mais une véritable intensité dramatique et une profondeur psychologique qui accrochent l’auditeur d’un bout à l’autre.

KÁTIA KABANOVÁ rennes

Le public, pour cette première représentation de 2018, a largement répondu à l’appel de l’opéra de Rennes, beaucoup de jeunes personnes étaient présentes. Candice, une jeune maman rencontrée dans l’assistance a ainsi accompagné Louis, 11 ans, et son frère cadet, 10 ans, afin d’assister à leur second opéra puisqu’ils avaient assisté en 2017 au petit ramoneur de Benjamin Britten. Ouf : la relève est assurée !

 

Katia Kabanova de Leoš Janáček, Opéra en trois actes sur un livret de Vincence Červinka, d’après la pièce d’Alexandre Ostrovski, L’Orage. Opéra de Rennes LUNDI 5, 20h – MERCREDI 7, 20h – VENDREDI 9, 20h – DIMANCHE 11 FÉVRIER, 16h (représentation proposée en audiodescription).

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Mise en scène Frank Van Laecke
Scénographie Philippe Miesch
Costumes Belinda Raduloviċ
Lumières Frank van Laecke et Jasmin Šehiċ
Chorégraphie Frank van Laecke et Gregor Luštek
Orchestre Symphonique de Bretagne
Direction musicale Jaroslav Kyzlink
Chœur de l’Opéra de Rennes (Direction Gildas Pungier et Eleonore Le Lamer)
Coproduction Opéra de Rennes,
SNG Opera in balet Ljubljana (Slovénie)
Dikoj Saša Čano
Boris Aljaž Farasin
Kabanicha Vlatka Oršanić
Tichon Rusmir Redžić
Katia Martina Zadro
Kudrjaš Matej Vovk
Varvara Irena Parlov
Kuligin Ivan Andres Arnšek
Glaša Barbara Sorč
Fekluša Mathilde Pajot
Katia (rôle dansé) Urša Vidmar

Photos : Laurent Guizard

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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