La chorégraphie Jours étranges de Dominique Bagouet sera présentée sous une forme nouvelle du 2 au 5 novembre 2016 au Triangle dans le cadre du festival Mettre en scène. À l’initiative de cette reprise, Catherine Legrand nous en présente les grandes lignes.

jours étranges

En 2013, Catherine Legrand et Anne-Karine Lescop reprennent Jours étranges (1990) de Dominique Bagouet avec un groupe de onze danseurs amateurs adolescents qui n’avaient aucune expérience de la scène. La pièce comptait parmi les grands succès du célèbre chorégraphe, notamment parce que celui-ci réussit le tour de force de proposer des gestes aussi fort que la mythique musique des Doors Strange Days qui constitue la musique du spectacle. La reprise des deux danseuses chorégraphes et de cette joyeuse bande d’ados devait, au départ, ne donner lieu qu’à quelques dates à Rennes et alentours, mais remporta un tel succès qu’elle fut donnée durant quatre saisons dans toute la France. Il semblait pourtant à Catherine Legrand, qui fut l’assistante à la chorégraphie de Dominique Bagouet lors de la création de la pièce, qu’il restait trop de pistes inexploitées pour en rester là et l’appétence du public pour cette danse fut également une confirmation de son ressenti, un encouragement supplémentaire. Elle prend donc le risque de reprendre la reprise et poursuit le travail avec six danseuses professionnelles qui ont une très belle maîtrise de leur art.

Unidivers : Pourquoi avoir choisi cette pièce de Dominique Bagouet en particulier pour le projet avec les adolescents en 2013 et pourquoi l’avoir re-remonté avec six danseuses professionnelles expérimentées ?

jours étrangesCatherine Legrand : Au départ du projet avec les adolescents, il y a notre travail avec Anne-Karine Lescop pour les ateliers Kinder et Shaker du Musée de la danse (qui proposent des cours de danse pour les enfants, mais pas pour les adolescents amateurs). Anne-Karine Lescop et moi avions vraiment envie de travailler avec des adolescents et comme la mise en place d’un atelier semblait compromise et paradoxalement, dans le contexte de l’époque, monter directement une pièce était plus envisageable. Nous avions envie de transmettre le répertoire. Le choix de Jours étranges s’est rapidement imposé. Cette pièce est abordable par des danseurs qui ne sont pas danseurs de métier. De plus, cette période-là de la vie, l’adolescence, tous ces différents états, qualités de corps, de personne, de fragilité et de force en même temps, qui traversent cette pièce, sont la source d’inspiration de Jours étranges. Le Triangle nous a vraiment accompagnées sur l’organisation du projet. Au départ, nous voulions juste éprouver la matière de cette danse aux ados pour voir si cela marchait et nous avons vu que cela marchait vraiment pour nous, mais également du côté des adolescents qui avaient suivi un stage préliminaire au travail de remontage de la pièce. Lors des premières représentations puis des tournées, j’ai constaté que le public était en adéquation avec mon sentiment sur cette pièce, elle était encore vraiment active.

strange days Mais du coup j’ai eu envie de continuer à la fouiller, à l’interpréter, mais cette fois-ci avec des danseurs professionnels, dont l’expertise, permettrait de l’éprouver encore différemment. Ce qui est drôle, c’est que c’est pièce de prime abord abordable, presque brossée à gros traits par Bagouet -et c’est pourquoi nous l’avions choisi pour les adolescents- revêt en fait une complexité auxquelles les danseuses professionnelles, qui ont un très beau parcours, doivent se confronter quasiment de la même manière, avec quasiment les mêmes difficultés. Elles ont une conscience et une maîtrise de l’espace et du temps très claires et pourtant elles butent autant que les danseurs novices, mais à différents endroits, et cela nourrit le travail que nous menons.

U. : Il y a aussi un côté politique dans votre choix ?

jours étrangesCatherine Legrand : Oui, effectivement, il y a un côté revendicatif dans la direction que j’ai prise pour ce projet : depuis des années, l’accent a été mis sur la transmission de la danse contemporaine aux danseurs amateurs et beaucoup de projets ont été monté et ont donné lieu à des productions très intéressantes. C’est vraiment une très bonne et belle chose. Mais le versant malheureux de cette situation est que les budgets dédiés à la création ont considérablement diminué et les danseurs professionnels ont beaucoup de mal à travailler en dehors de ces transmissions. Cette question un peu politique, revendicative a rejoint mon besoin de pousser la pièce avec des danseurs professionnels. C’est leur métier de pousser et d’interpréter les pièces de création ou de répertoire. Et puis, elles sont des danseuses que j’admire beaucoup et qui, à mon sens, sont sous-employées.

U. : Qu’est-ce qui vous a amené à choisir ces six danseuses ?

jours étrangesCatherine Legrand : Je suis proche de Magali Caillet, Élise Ladoué, Pénéloppe Parrau et d’Annabelle Pulcini avec qui j’ai régulièrement travaillé. Je n’avais en revanche jamais travaillé avec Katja Fleig. Elle a dansé auparavant pour Catherine Diverrès, François Verret et François Tanguy. Comme moi, elle vit à Rennes et je vois régulièrement ses spectacles. Elle travaille beaucoup avec les danseurs amateurs, et il m’est apparu que son talent de danseuse n’était pas mis en valeur ; je vois bien que je ne la vois pas. Et puis Katja vient d’univers de la danse très éloignés de celui de Bagouet. Mais c’est précisément ce qui m’intéressait : comment cette danse de Bagouet peut être bouleversée par un autre type de corps et de musicalité dans le mouvement. La dernière danseuse à qui j’ai fait appel est Lucie Collardeau, elle a 26 ans. Elle est la plus jeune de la distribution. Elle a suivi la formation du CNDC d’Angers et a fait partie de la dernière promotion sous la direction d’Emmanuelle Huynh. C’est Alain Michard et Loïc Touzé, avec qui elle a suivi des stages, qui m’ont parlé de cette danseuse étonnante.

jours étrangesDans la pièce Katja puis Lucie font toutes deux un solo qui fut créé par Hélène Catala à l’origine. Il y a une génération d’écart entre Katja et Lucie, elles ne sont pas au même endroit dans leur métier et les propositions qu’elles font sont des versions très écartées de celle d’Hélène. Les différences sont telles que j’ai décidé de garder les deux versions du solo. Elles sont à l’opposée l’une de l’autre par leur corporalité, et c’est très impressionnant comme le même mouvement devient totalement différent.

U. : Pourquoi ne dansez-vous pas également dans cette reprise ?

Catherine Legrand : Je ne me suis posé la question que très brièvement. Je connais beaucoup cette pièce, j’en ai vu plein de versions. J’ai eu la très grande chance de danser plusieurs pièces de Dominique Bagouet, de beaucoup travailler directement avec lui. J’ai eu énormément de chance ! Alors pour ces reprises, mon idée était aussi de proposer ce travail à des interprètes qui n’ont pas dansé des pièces de Bagouet. Annabelle Pulcini qui a également travaillé sur deux créations avec Dominique n’a malheureusement pas eu la chance de travailler très longtemps avec lui, puisqu’il est décédé peu de temps après qu’elle ait intégré la compagnie. Les pièces de Bagouet sont géniales à danser. Mon souhait est vraiment d’en faire cadeau à ces danseuses et au public.

Jours étranges chorégraphie de Dominique Bagouet, du mercredi 2 au samedi 5 novembre au Triangle, 1, boulevard de Yougoslavie, Rennes, durée 0h50

  • mercredi 02 novembre 2016 à 19:00
  • jeudi 03 novembre 2016 à 21:00
  • vendredi 04 novembre 2016 à 19:00
  • samedi 05 novembre 2016 à 21:00
  • Photos de la générale de Jours étranges le 1er novembre 2016, crédit : Caroline Ablain

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