La littérature et la bande dessinée engagées sont aussi dans la tradition américaine. L’ouvrage de Joe Sacco et Chris Hedges relie les deux à travers un portrait sans concession d’une Amérique ignorée.

Le dessinateur Joe Sacco s’est fait connaître par son illustration des conflits palestiniens ou bosniaque. Son œuvre est profondément militante, s’intéressant aux migrants, victimes de guerres et d’injustices. Il semblait destiné à rencontrer Chris Hedges, correspondant de guerre, titulaire d’un prix Pulitzer et spécialiste du Moyen-Orient et qu’il croisa à Sarajevo. Mais nos deux auteurs s’intéressent à un conflit bien moins lointain, à des injustices qui les touchent encore plus directement puisque ce sont celles des États-Unis.

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Ils nous emmènent d’abord rencontrer les Indiens du Dakota, dont les terres furent pillées pour l’or, le pétrole et qui sont toujours le jouet des autorités. Entre drogue, alcoolisme et violence, ils rappellent l’histoire de ces peuples, interrogent ceux qui ont essayé de « s’intégrer » et ceux qui combattent pour leur liberté. Les interviews de Chris Hedges succèdent aux descriptions et aux dessins de Joe Sacco, offrant un tableau détaillé de la situation et empreint d’une forte charge émotionnelle. Ils nous emmènent ensuite dans ces villes désertées par l’industrie et les blancs, oubliées par les services publics dans le New Jersey. Nous vous invitons à chercher des images de Camden, New Jersey pour vous faire une idée encore plus précise de la situation décrite par ces témoignages. Puis vient la situation du gaz de schiste dans la Virginie. Pollution, exploitation de la pauvreté, massacre environnemental pour un profit immédiat : le tableau est apocalyptique. Et pour terminer, c’est en Floride que nous découvrons la situation des migrants hispaniques.

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Si l’introduction prend délibérément le parti de l’antilibéralisme, la description, les chiffres avancés font froid dans le dos. À titre d’exemple, le vote du sénat sur les Gaz de Schiste a vu le lobbying fonctionner à plein avec 42 millions de Dollars pour financer les campagnes de ceux qui ont voté oui, contre seulement 8 pour ceux qui avaient voté non. L’ouvrage reste factuel et n’oublie pas d’interroger ceux qui seraient catalogués comme « profiteurs » du système. La conclusion de Chris Hedges dans le siège d’Occupy New York interroge le devenir d’une Amérique qui semble s’autodétruire, recréant le massacre des indiens sur son propre peuple. Un ouvrage qui en devient majeur et qui gagne à être observé avec notre œil européen, pour ne pas reproduire les mêmes schémas.

Jours de Destruction, Jours de Révolte de Chris Hedges et Joe Sacco, Edition Futuropolis, 320 pages, 27 €
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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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