Les Lambert sont une famille américaine typique. Réussite ou échec professionnel, tensions familiales, conflits larvés, détresse personnelle : chaque membre apporte son fardeau au sein de la cellule familiale. Sur fond d’un contexte politique, financier et sociologique incertain, Jonathan Franzen lève le voile sur l’arrière-boutique sordide de la première puissance mondiale. Après une première expérience décevante de cet auteur, Hélène revient de cette seconde lecture… désappointée.

Une analyse d’une incroyable lucidité qui pâtit d’un style laborieux

On en viendrait à penser que le lectorat de Jonathan Franzen est simplet. Tout du moins est-ce la vision que l’écrivain doit en avoir, à en croire le luxe de détails et la précision chirurgicale dont il fait preuve pour décrire les sensations, émotions, ressentis de ses personnages. Impossible de laisser son imaginaire vagabonder sans être immédiatement rappelé à l’ordre par une avalanche de mots plus précis les uns que les autres.

Certes, Jonathan Franzen cultive un style hyperréaliste en étroite harmonie avec les messages dont ce roman est le puissant vecteur. Et cette alliance du fond et de la forme pourrait être une vraie réussite. Le monde qu’il dépeint est sordide, corrompu, égoïste et individualiste, à en avoir froid dans le dos. La critique est féroce et Jonathan Franzen est un fin observateur de son époque. Mieux : non seulement il examine, mais en plus il décrypte brillamment les vicissitudes de la société américaine. Alors qu’est-ce qui cloche avec Jonathan Franzen ?

Peut-être est-ce l’effet Vieille Europe versus Jeune Amérique ? Toujours est-il que la prose de Franzen fait l’effet d’un Big Mac après des années de repas gastronomiques. C’est lourd, indigeste et l’ennui s’installe rapidement face à un tel manque de subtilité. Le style gagnerait à acquérir un peu de fluidité et de mélodie (à défaut de poésie) pour faciliter la lecture.

Pour autant, certains romans marient avec brio critiques sociologiques et politiques, et une écriture remarquablement rythmée, agréable à lire, comme les livres de Russel Banks. Mais en littérature comme dans les autres arts, la beauté reste un jugement subjectif soumis à l’appréciation intime du spectateur.

A conseiller si…

… vous êtes curieux de voir dans l’envers du décor d’une Amérique qui n’est plus l’Eldorado de jadis. Jonathan Franzen est sans complaisance envers son pays et ses compatriotes; c’est certainement l’un des meilleurs analystes de la décadence qui semble s’abattre en occident ces trente dernières années.

Extraits :

Ça donne envie d’en lire plus, n’est-ce pas? C’est certes sorti du contexte mais croyez-moi sur parole : ce passage n’est pas indispensable à la compréhension globale du propos.

Un instant, Enid eut l’impression que Jim Crolius se livrait à une analyse de marché purement technique du genre auquel son courtier de Saint Jude lui avait dit de ne jamais prêter attention. En omettant les effets minimes de la traînée aux faibles vitesses, un objet en “chute libre” (un objet de valeur “plongeant” sans retenue) subissait une accélération de 9,81 mètres par seconde carrée sous l’effet de la pesanteur, et, l’accélération étant la dérivée de second ordre de la distance, l’analyste pouvait intégrer une fois par rapport à la distance parcourue par l’objet (en gros 10 mètres) pour calculer sa vitesse (12,6 mètres par seconde) au moment où il passait au centre d’une fenêtre de 2,40 mètres de haut, et en faisant l’hypothèse d’un objet de 1,80 mètre, en faisant aussi l’hypothèse simplificatrice d’une vitesse constante sur l’intervalle, dériver un chiffre approximatif de quatre dixièmes de seconde de visibilité totale ou partielle.

 

Hélène

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