Vers la steppe – une steppe réelle et imaginaire, métaphore de l’existence elle-même — poursuit le cheminement physique, intellectuel et spirituel de Joël Vernet, dont on avait pu lire et admirer les carnets parus aux éditions de La Part commune, sous le titre éloquent du Regard du coeur ouvert.

C’est précisément ce regard du coeur ouvert que cherche à maintenir Joël Vernet : attention extrême au monde, à la Nature, dans son immensité, mais aussi dans ses détails, comme cette image qu’on croirait détachée d’une peinture miniaturiste :

« La tache du soleil sur le mur est un signe, tout comme l’oiseau minuscule dans l’arbre, le cou zébré de rouge, me regardant, impassible, franchir le seuil. »

La terre forme un tout, auquel l’auteur rend grâce : grand voyageur, avide de territoires inexplorés et de visages nouveaux, il évoque autant les grands espaces traversés que sa terre natale. Ce modeste et bien-aimé village français dont les souvenirs l’habitent encore pleinement, non sous la forme d’une nostalgie passéiste, mais plutôt comme des réminiscences qui l’emplissent de joie.

« Je restais des heures ainsi, me pressentant au coeur du monde alors que nous vivions dans l’impasse d’une campagne perdue où ne venait jamais personne. »

À rebours du monde de bruit et de fureur qui est le nôtre, Joël Vernet fait entendre un autre rythme. Lucide, il sait que la sensation d’éternité que peut procurer la contemplation du monde est illusoire :

 « Toute vie n’est jamais qu’une petite vie, fût-elle exemplaire. Nous n’aurons jamais rien d’autre que chacun de nos jours […] ».

 Dans une langue qui mêle poésie en prose et tentations de l’aphorisme, cet homme aux semelles de vent nous entraîne vers son ailleurs : solitude choisie et parfois douloureuse, souci obsédant d’être au monde, dans « la vie nue », ouverture à l’Autre et conscience éveillée :

 « J’aime ces aubes silencieuses, quand le monde paraît à l’arrêt, en sommeil, son voeu étant peut-être que nous le contemplions durant un bref instant. Le voir, en effet, sans le piller, est-ce cela notre humble tâche ? Il nous attend chaque jour, mais personne ne vient à lui, ne le contemple plus, alors il s’efface, emportant ses haillons, son absolue splendeur ».

Delphine Descaves

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 Vers la steppe, Joël Vernet, Éditions lettres vives, Collection entre 4 yeux, oct. 2011, 96 p. 14€

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