Les Jeux olympiques de Londres et la cérémonie d’ouverture viennent de rappeler à qui veut l’entendre à quel point l’Europe se tournait dans ces temps de crise davantage vers le passé que l’avenir. Présentation d’une cérémonie sous ses deux angles : celui des jeux et celui du pain.

Nous ne nous attacherons pas à détailler par le menu les différentes corruptions qui entachent les sélections des olympiades. D’une manière générale et pour tailler dans le vif, il peut être utile de rappeler que le pays organisateur doit obéir au diktat du Comité International Olympique (CIO) et de sa cohorte de sponsors officiels. Exemple. Les boissons servies dans les stades sont toutes fournies par le sponsor officiel et n’ont rien de local. De même pour tous les produits dérivés comme les gadgets. Pire encore, aucun petit commerçant n’a le droit d’afficher les 5 anneaux olympiques même en simple décoration. Il n’est pas plus permis de diffuser des clichés des jeux sur les réseaux sociaux sous peine d’une très lourde amende. Les olympiades apportent donc leurs propres règles juridiques, comme le colonisateur dans un pays soumis. Curieux pied de nez de l’histoire, c’est maintenant le Royaume-Uni qui en fait les frais. Et on notera que la flamme olympique a été portée par l’industriel indien Mittal, gros sponsor des jeux, dépeceur de la métallurgie européenne et piètre sportif.

La cérémonie a été confiée au réalisateur Danny Boyle, dont le film le plus connu, Slumdog Millionnaire, dépeignait d’une manière assez consensuelle, bien qu’intéressante, l’Inde moderne. Encore l’Inde, cette ancienne colonie anglaise… C’est donc sans surprise que Boyle crée une cérémonie exclusivement tournée vers le passé du pays : passé rural avec la campagne anglaise joliment recréée ; passé industriel avec la révolution industrielle du XIXe ; passé culturel avec la musique pop anglaise. C’est tout ? Oui, voilà tout ce qu’il reste du royaume.

Oh bien sûr, on notera quelques clins d’oeil intéressants. Ces industriels figurés par des danseurs qui semblent dépecer le pays et exploiter une main-d’oeuvre de gueules noires (les mineurs sortant de sous un arbre). À voir aussi le tableau des tubular bells de Mike Oldfield où viendront se mêler des personnages de contes comme Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll ou le Voldemort (un tantinet ridicule) d’Harry Potter et la Mary Poppins de …Pamela Lyndon Travers. La mise en scène passait relativement bien à la télévision, mais manquait de tableaux grandioses et graphiques pour contenter un public d’invités et de riches anglais ayant pu se payer le billet.

Le plus réussi fut sans doute celui des enfants et des lits, qui n’étaient pas sans rappeler la pochette de l’album A Momentary Lapse of Reason de Pink Floyd. Objectif : mettre en valeur le National Health Service (santé gratuite) alors que le système de santé anglais est au plus mal, cela ne manquait pas de piment ! La télévision, parlons-en, tellement les commentaires furent… à la hauteur de la  réputation de TF1 : entre la boboitude d’Harry Roselmack rivé sur le judo et les destinations les plus luxueuses des Caraïbes, la beauffitude de Gilles Bouleau dont l’inculture exaspère, il y avait heureusement l’ancienne tenniswoman Amélie Mauresmo pour relever le niveau. Le spectateur a eu droit à : « ces pays inconnus » (pour les iles) , « ces pays où il fait chaud » (pour les pays africains), « la Palestine qui est un casse-tête juridique », sans parler d’interviews d’athlètes dont les commentateurs ignoraient l’identité (Nasser Al Attiyah, par exemple, vainqueur du Dakar et concurrent en tir). Là encore, TF1 a été plutôt raccord en s’adressant à un public du passé…

Le seul produit fabriqué en Angleterre…

Il y aura heureusement de bons moments comme l’apparition du sosie officiel de la reine (ce n’est pas la vraie, au contraire de l’affirmation de Gilles Bouleau, et les véritables Corgis sont plus que deux…) et la désopilante apparition de Rowan Atkinson dans un rôle de musicien très proche de son célèbre Mr Bean. (Rappelons audit Bouleau qu’il a joué aussi le personnage de Vipère Noire, comme dans l’extrait proposé par Danny Boyle!). Et justement, après Les chariots de feu, Boyle avait préparé un long tableau sur la pop anglaise. Oui, la pop, pas le rock, ni le metal, ni le hard, ni la soul….Oups si, avec juste Amy  Winehouse ! C’est dire le niveau culturel présenté : les Beatles, un peu de Stones, un petit clin d’oeil à Ziggy Stardust / David Bowie, à Queen avec un extrait du très américain Wayne’s world sur Bohemian Rhapsody… Une vision non seulement réductrice, mais presque insultante eu égard à la richesse de l’apport de l’Angleterre.

Les pays participants sont ensuite rentrés dans un style moins martial que par le passé avec des délégations désordonnées, voire  indisciplinées, au risque de retarder leurs petits camarades et la cérémonie. La flamme a été allumée après des discours toujours aussi pesants et mielleux… Et vogue la galère pour toutes les petites mains bénévoles ou sous-payées par l’organisation. Après le grandiose Pékin 2008 (80 millions d’euros comparés aux 35 de Londres) et sa poésie, retour vers un passé qui lorgne même vers la Rome antique. Panem et circenses.

Ice & Nicolas Roberti
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