Israël menace : renvoyer l’ambassadeur français, fermer le consulat général de France à Jérusalem et s’approprier les biens français. Depuis l’été 2025, le ministre israélien Gideon Saar a recommandé à Benyamin Netanyahou la fermeture de la représentation française en représailles à la reconnaissance de l’État de Palestine par Paris. En réponse à ce chantage, la diplomatie française envisage des ripostes fermes en affirmant que l’intégrité de ses domaines historiques à Jérusalem ne saurait être négociée. Derrière cette escalade verbale, c’est un enjeu plus profond qui se dessine : la souveraineté sur Jérusalem et, au-delà, la reconnaissance ou le déni du droit palestinien.
Un incident révélateur d’un conflit plus profond
Le 12 novembre 2024, l’ambassadeur d’Israël à Paris était convoqué au Quai d’Orsay. Motif : cinq jours plus tôt, des forces de sécurité israéliennes étaient entrées sans autorisation, et armes visibles, dans le domaine national français de l’Éléona à Jérusalem-Est, lors d’une visite du ministre français des Affaires étrangères. Deux agents diplomatiques du consulat de France avaient ensuite été arrêtés, avant d’être libérés sous pression.
Cet épisode, qualifié d’« inacceptable » par Paris, pourrait passer pour un incident ponctuel. Il est en réalité l’illustration d’un bras de fer plus profond entre la France et Israël, dont le véritable enjeu est la souveraineté sur Jérusalem et, en arrière-plan, le sort de la Palestine.
Les domaines français : une présence historique et un symbole diplomatique
La France est l’un des rares pays à posséder des domaines nationaux en Terre sainte, acquis au XIXᵉ siècle sous le Second Empire. Parmi eux :
- Sainte-Anne (basilique et couvent, dans la Vieille Ville),
- L’Éléona (église et terrain sur le Mont des Oliviers),
- L’abbaye bénédictine d’Abu Gosh,
- La basilique du Pater Noster,
- Le tombeau des Rois, à Jérusalem-Est.
- et quelques autres possessions de moindre importance
Ces lieux, administrés par la France, bénéficient d’un statut spécial reconnu par le droit international et par des accords passés avant la création d’Israël. Ils incarnent une présence française continue, catholique et diplomatique, dans une ville dont le statut reste au cœur du conflit israélo-palestinien.
Or, Jérusalem-Est est considéré par l’ONU comme territoire palestinien occupé depuis 1967. Chaque tentative israélienne de contester la souveraineté française sur ces biens équivaut, de facto, à une remise en cause du droit international.
Israël, une volonté de captation
L’épisode de l’Eléona et la menace de fermeture du consulat général de France s’inscrivent dans une logique israélienne constante :
- Imposer sa loi sécuritaire sur l’ensemble de Jérusalem, y compris les enclaves diplomatiques ou religieuses étrangères ;
- Tester la réaction française afin de grignoter la marge d’autonomie dont bénéficient ces domaines ;
- Diminuer le poids symbolique de la France, acteur central dans la défense de la solution à deux États et soutien à la reconnaissance d’un État palestinien.
Ainsi, derrière un contrôle policier, une arrestation ou une menace diplomatique, se joue une tentative de normalisation : faire accepter, de facto, que Jérusalem tout entière est sous souveraineté israélienne, malgré son annexion non reconnue par la communauté internationale.
La position française : patrimoine, droit et diplomatie
En réponse, Paris défend une position claire, sur trois plans :
- Patrimonial : les domaines nationaux sont des biens historiques français, acquis légalement, dont l’entretien et la sécurité relèvent de la seule France.
- Diplomatique : en protégeant ses domaines et son consulat, la France protège sa capacité d’agir en Méditerranée et au Proche-Orient, en affirmant sa voix singulière.
- Politique : rappeler que Jérusalem-Est ne saurait être annexée unilatéralement par Israël, et que toute paix durable passe par la reconnaissance d’un État palestinien.
Dans ce sens, convoquer l’ambassadeur israélien n’était pas seulement une mesure de protestation. C’était un acte de souveraineté et un rappel au droit international.
Une chronologie des tensions : un conflit récurrent
- 1996 : Jacques Chirac, en visite dans la Vieille Ville, se heurte à l’intrusion brutale de la sécurité israélienne.
- 2008 : Nicolas Sarkozy rappelle fermement que la France ne reconnaît pas l’annexion de Jérusalem-Est.
- 2015-2016 : tensions autour des fouilles archéologiques menées par Israël près de domaines chrétiens soutenus par la France.
- 2020 : Emmanuel Macron, devant l’église Sainte-Anne, repousse physiquement des gardes israéliens.
- 2024-2025 : arrestation de diplomates français à l’Eléona, convocation de l’ambassadeur israélien, puis menaces de fermeture du consulat général français à Jérusalem (i24News, Le Figaro, Europe 1, IsraelValley).
Chaque fois, la même ligne de fracture réapparaît : Israël cherche à imposer sa souveraineté exclusive, la France défend ses biens, ses représentations diplomatiques et, au-delà, le droit international.
Un conflit au sujet de Jérusalem, miroir d’un désaccord global
En réalité, ces incidents expriment deux visions irréconciliables : Israël veut faire de Jérusalem sa capitale personnelle et indivisible en la restructurant pour effacer les traces, le plan urbain et le cadastre hérités du passé, donc flouter et effacer la présence étrangère et palestinienne afin d’entériner sa négation des droits palestiniens. La France considère Jérusalem comme une ville au statut spécial, dont la partie orientale doit revenir au futur État palestinien.
Défendre les biens français, défendre le droit
À travers ses domaines et son consulat général, la France ne défend pas seulement des pierres ou des bâtiments. Elle défend une idée morale et largement soutenue : celle qu’en dépit des violences et des occupations, la Palestine et Jérusalem peuvent et doivent encore être partagées et reconnues dans leur pluralité.
