Chacun des travaux de prospectives et essais de Jeremy Rifkin et de sa Fondation déclenche débats et polémiques dans le monde entier. Taxé autant d’utopiste que d’apocalypsophile, force est de reconnaître sa contribution à la constitution d’un matériau de données efficace pour penser l’économie présente et à venir.

Dans « Who should play God ? », son premier essai en date de 1977, l’écrivain prévenait des dangers des manipulations génétiques rendues possibles par la découverte de l’ADN ;

En 1993, Au-delà du bœuf est vilipendé. Il dénonçait la boulimie américaine de viande et du milliard de bœufs qui dévore plus d’un tiers des céréales mondiales. Aujourd’hui, nombre de ses anciens détracteurs lui donnent raison.

En 1995, dans La Fin du travail,il annonce que la révolution technologique va entraîner la disparition du modèle d’un emploi stable et protégé pour tous.

En 1997, Le Siècle biotech, il décode les avancées colossales des biotechnologies et les risques inédits qu’elles entrainent : pollution irréversible par les OGM, confiscation industrielle du patrimoine génétique, individus catalogués par génotype, etc.

L’Age de l’accès. La Révolution de la nouvelle économie analyse la sphère du Web pour conclure sur la question suivante : « Existe-t-il encore une différence entre communication, communion et commerce ? »

Aujourd’hui, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l’empathie explique que la sortie de l’humanité de la révolution industrielle du XXe siècle (fondée sur l’énergie nucléaire et fossile) s’inscrit dans la crise écologique actuelle et, par conséquent, par la remise en cause de ses modèles de croissance compris comme reposant sur une conception égoïste de l’individu. Mais fi du catastrophisme, Jeremy Rifkin annonce l’émergence d’une civilisation de l’empathie. De fait, pour la première fois dans l’histoire du monde, les citoyens du monde sont confrontés à une potentielle destruction de l’espèce. Or, ils y sont confrontés au sein d’une civilisation globale, gouvernée collectivement, connectée et coresponsable. En termes institutionnels, on citera les Nations unies, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, l’Union européenne, l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation météorologique mondiale, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la Cour pénale internationale, etc. Qui plus est, la mondialisation, en contrepoint des ses effets néfaste, s’accompagne d’un accès radical à la connaissance. Dans ce cadre la civilisation de l’empathie s’ancre dans une conception libérale de collaboration. Pour ce faire, il faut donner aux hommes l’occasion et les moyens afin de les conduire à collaborer avec les autres dans un objectif d’intérêt général.

«Être empathique, ce n’est pas être utopique, mais plutôt prendre conscience de la difficulté d’exister. La raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, c’est que j’ai le sentiment que notre espèce est arrivée à un tournant. En regardant les faits, les chiffres, il est réaliste d’envisager que l’humanité arrivera à son extinction dans le siècle prochain.»

« Nous sommes, j’en suis convaincu, à la veille d’un tournant historique vers un climax de l’économie mondiale – son passage à un état autostabilisant – et vers un repositionnement fondamental de la vie humaine sur la planète. L’âge de la raison s’efface, place à l’âge de l’empathie. »

« Un monde qui se mondialise est en train de créer un nouveau cosmopolitisme, dont les identités et les affiliations multiples couvrent toute la planète. Les cosmopolites sont l’avant-garde, si l’on veut, d’une conscience biosphérique naissante. »

Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l’empathie, de Jeremy Rifkin, traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise et Paul Chemla – Éditions Les liens qui libèrent, 29 euros.

Unidivers a goûté : la thèse principale : La nature humaine n’est pas essentiellement avide de pouvoir, l’empathie naturelle est susceptible de la sauver de la catastrophe qu’elle génère.

Unidivers a moins goûté : la carence de réflexions consacrées aux technologies de surveillance, à la real politik du jeu politique de financement des régimes dictatoriaux et des activités terroristes ; une mise en perspective unidimensionnelle qui fait l’impasse d’une réflexion sur l’homme ; l’absence de distinguo entre la tension altruiste et la tension narcissique dans l’empathie.

 Au final, Unidivers recommande cette lecture mais en posant la question : une acception trop générale de l’empathie ne risque-t-elle pas de réduire l’intervention de cette dernière à une fonction d’antibiotique dans une conception écolo-organiciste du monde ?

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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