Jack et la mécanique du cœur, en salle depuis le 5 février 2014, est la création de Mathias Malzieu et de Stéphane Berla. Le premier est principalement connu comme chanteur du groupe français Dionysos ; quant au second qui a réalisé de nombreux clips pour ce groupe, il est familier de l’univers du chanteur. Accompagnés de Virginie Besson-Silla, en tant que productrice, et de son mari, Luc Besson, tous ont collaboré afin de mettre en forme ce film d’animation. Coup de projecteur sur les origines d’un projet et sa réalisation.

 

Tout débute avec Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi.

Dans ce livre paru en 2005, Mathias Malzieu conte l’histoire d’un géant (4m50 et 130 ans) nommé Jack qui accompagne les gens dans leur… deuil. C’est deux ans plus tard que naîtra le livre La mécanique du cœur ainsi que l’album éponyme par Dionysos. L’intrigue de cette nouvelle histoire se déroule avant celle du précédent ouvrage : la période de la naissance de Jack et durant les premières années de sa vie. De là est né le projet du film Jack et la mécanique du cœur avec pour bande originale les titres de l’album créé pour le livre ; Mathias Malzieu a ainsi concrétisé son ambition d’adaptation. Rêve présent dès l’écriture du livre et de la création de l’album et qui grâce à l’animation a pu s’épanouir pleinement. Résultat : ce premier long-métrage s’avère une véritable perle.

Un conte…

jack, mécanique du coeur, filmMathias Malzieu « avait envie d’écrire un conte sur la passion amoureuse et sur le rapport à la différence ». Le créateur nous entraîne dans la ville d’Édimbourg, en 1874, durant « le jour le plus froid du monde ». Alors que le gel et la neige s’emparent des bâtiments aux formes improbables de cette ville nait Jack, un enfant au cœur gelé. Le Docteur Madeleine, qui deviendra par la suite sa mère adoptive, lui donne naissance et remplace son cœur par une horloge mécanique. Mais pour vivre, cet enfant doit respecter trois règles : ne pas toucher à ses aiguilles, maîtriser sa colère et, surtout, ne jamais tomber amoureux. Conditions qu’il respecte jusqu’à l’anniversaire de ses 10 ans.

À cette occasion, il sort découvrir la ville. Il y rencontre une jeune chanteuse des rues qui refuse de mettre ses lunettes, Miss Acacia, et dont il tombe éperdument amoureux. Heureusement, sa mère répare son cœur d’horloge après ce coup de foudre ; elle le met de nouveau en garde sur les effets de l’amour. Les années passent, Jack continue sa vie sans oublier la jeune fille ; un jour où il doit quitter la ville, il en profite pour partir à la recherche de sa bien-aimée. Il rencontre sur son chemin un inventeur dénommé Méliès qui l’accompagne dans cette aventure.

musical

Les spectateurs sont dès lors invités à suivre cette histoire fantastique à la manière d’une comédie musicale. Rythmée par les chansons de l’album La mécanique du cœur, les chants envoûtants de Miss Acacia sont interprétés par Olivia Ruiz qui danse telle la ballerine en porcelaine d’une boîte à musique. Un accompagnement mélodique qui émaille d’émotions l’univers de ce conte.

De fait, cette histoire est un conte féérique, car la magie est partout. Georges Méliès la symbolise : ce pionnier à l’origine de l’éveil du cinéma fantastique et adepte des trucages est interprété par Jean Rochefort qui accompagne le héros dans sa quête de l’amour. Le maître le pousse à ne pas avoir peur et à faire de sa différence une force. D’autres personnages sont présents tels que Jack L’Éventreur qui fait une brève apparition musicale. Un personnage de passage qui résonne comme un hommage, une pensée pour le chanteur Alain Bashung qui lui a prêté sa voix pour l’album de 2007.

Le spectateur suit ainsi la vie de cet enfant différent, un monstre qui n’a rien d’effrayant. En grandissant, il souffre du rejet de sa différence et se fera un ennemi de taille. Joe, un homme froid et dur qui est lui aussi amoureux de la petite chanteuse. Tandis que Jack chante son amour et ses aventures, Joe déclame ses sombres pensées par des slams imprégnés de mélancolie signés Grand Corps Malade.

Ambiance fantastique et baroque

jack, mécanique du coeur, filmL’univers onirique de cette œuvre repose également dans son graphisme. Dans Jack et la mécanique du cœur, diverses formes d’animation originales se conjuguent. Des personnages aux allures de poupées de porcelaine et aux regards remplis d’émotions. Un environnement à l’atmosphère baroque, des paysages en origami – art japonais du pliage de papier – ou, encore, les déserts de l’Andalousie rappelant les westerns spaghetti. Dans une scène, les personnages sont représentés par des marionnettes ;  une vraie mise en abîme : le spectateur observe des personnages aux airs de marionnettes qui assistent à un spectacle où ils sont eux-mêmes représentés par de vrais pantins… C’est ce jeu entre les registres d’animation qui installe une ambiance fantastique non dénuée d’humour. Cet humour léger vient ventiler une intrigue marquée d’entrée de jeu par une mélancolie qui plane tout au long du film.

Malgré ce cadre dramatique, la douceur de la passion amoureuse entre Miss Acacia et Jack demeure. Leur romance, tout en poésie et en innocence, enchante et émeut. Conscient que l’amour causera sa perte, il ne peut s’empêcher de penser à elle et traverse le monde pour la rejoindre. Comme Roméo et Juliette, leur amour est impossible, mais cela ne le rend que plus émouvant.

Une pointe autobiographique

Toutes les œuvres à l’origine du projet de Jack et la mécanique du cœur possèdent une part autobiographique non négligeable.
Dans son livre Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, on suit le narrateur, Mathieu, qui vient de perdre sa mère et peine à s’en remettre. Il trouve une horloge sur laquelle il lit une inscription ; il fait appel à Jack. Un géant fantastique qui aide Mathieu à faire son deuil en lui prêtant une partie de son ombre. Or, Mathias Malzieu écrit cet ouvrage précisément après le décès de sa propre mère. Avec La mécanique du cœur, Mathieu Malzieu parle d’« autobiographie émotionnelle ». Il a puisé dans ses propres sentiments, son vécu, mais également dans sa manière d’appréhender l’amour, afin de les transmettre au jeune garçon. Il s’investit en Jack.

Il ne se limite pas pour autant à cette part personnelle, au contraire. Avec Stéphane Berla, le coréalisateur, le duo puise dans leurs références respectives et les mélangent pour obtenir un univers à la croisée des genres. Le parallèle avec les œuvres de Tim Burton est inévitable eu égard au style graphique de l’œuvre, mais aussi en raison de l’ambiance mélancolique et la particularité physique du personnage principal. Ils puisent également dans le Freaks de Tod Browning pour son approche de la différence, mais aussi Jim Jarmusch et ses anti-héros. Des scènes de muet en noir et blanc font référence au travail du cinéaste Georges Méliès, notamment quand le personnage du même nom tourne avec sa caméra. Une œuvre à la croisée des genres et d’univers truffés de détails.

Une symbiose fantastique

Jack et la mécanique du cœur est une symbiose entre l’amour, l’aventure, la mélancolie et la musique. Une œuvre originale de poésie fantastique. Les partis-pris esthétiques et musicaux enthousiasmeront certains, mais pourront en surprendre d’autres. Malgré tout, il s’agit d’une histoire entraînante et remplie d’émotions avec des personnages au teint de porcelaine. Avec ce premier long-métrage, Mathieu Malzieu réalise son fantasme d’adaptation cinématographique et nous invite à vivre nous aussi « la grande aventure ».

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Réalisation : Stéphane Berla et Mathias Malzieu
Scénario : Mathias Malzieu, d’après son roman La Mécanique du cœur
Musique : Dionysos
Direction artistique :
Production : Luc Besson et Virginie Silla
Société de production : EuropaCorp
Distribution : EuropaCorp Distribution
Genre : Animation
Durée : 1h30
Pays d’origine : Drapeau de la France France
Langue originale : français
Format :
Dates de sortie2 : Drapeau de la France France : 5 février 2014
Distribution[modifier | modifier le code]

Olivia Ruiz : Miss Acacia
Grand Corps Malade : Joe
Mathias Malzieu : Jack
Marie Vincent : Docteur Madeleine
Rossy de Palma : Luna
Arthur H : Arthur
Jean Rochefort : Georges Méliès
Babet : Anna
Cali : l’Homme Trompette
Dani : Brigitte
La voix d’Alain Bashung, enregistrée pour l’album, est conservée pour le film. Emily Loizeau ne reprend pas son personnage de Madeleine.

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Sandra Dufils
Sandra Dufils est étudiante en journalisme, stagiaire à Unidivers conventionnée avec l'Université Rennes 2

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