On en parlait depuis 2009. Elle est aujourd’hui devenue réalité. Une nouvelle mosquée a ouvert ses portes à Vezin-le-Coquet. Importante différence avec ses homologues rennaises : la mairie n’est aucunement partie prenante et ne possède aucun droit de regard. C’est la fin d’un modèle institué par Edmond Hervé et régi par Marie-Anne Chapdelaine qui aura vécu 30 ans.

« O fils d’Adam, dépense et Je te compenserai. »
« Quiconque construit une mosquée en quête de la Face de Dieu, Dieu lui construira une maison au Paradis »

Pourquoi une nouvelle mosquée dans le bassin rennais ? Est-ce le résultat d’un manque de place qu’accuseraient celles sises rues Paul Henry, de Fougères, du boulevard du Portugal ou du square Fernand (sans compter les salles de prières officieuses) ? Au-delà du versant démographique, ce sont des paramètres ethnique et administratif qui en sont à l’origine.

Contrairement aux apparences et à la vulgate médiatico-politique, l’Islam connait des divergences entre ses multiples sensibilités (au même titre que la plupart des religions). Ce ne sont point tant des divergences doctrinales qu’ethniques qui se manifestent à Rennes. Les musulmans d’origine maghrébine ne souhaitent pas être avec les Turcs, et réciproquement. En outre, parmi les Maghrébins, les tensions peuvent être vives, notamment entre Marocains et Algériens.

Dès lors, il suffit que la gestion d’une mosquée existante soit une pomme de discorde pour qu’une partie de la communauté s’en aille voir ailleurs. C’est ce qui a eu lieu à Avicenne avec les fidèles marocains. Cette mosquée de Rennes – en fait dénommé centre culturel selon l’expression popularisée par la municipalité afin de contourner l’interdiction républicaine faite aux collectivités de financer les associations cultuelles – fait l’objet de vives tensions depuis de nombreux mois (voir notre article). L’un de ses anciens membres les résume ainsi :

« La communauté marocaine n’est pas la bienvenue à Avicenne. Le lieu n’est pas adapté et nous sommes beaucoup à ne pas être d’accord avec une gestion autoritaire et des débordements que la mairie laisse faire. Alors on a décidé d’acheter un lieu qui nous appartient à nous. C’était difficile, car on a renoncé à beaucoup d’argent. En vérité, quand on accepte la présence de la mairie et sa gestion, ça rapporte des centaines de milliers d’euros. Mais voilà, on en pouvait plus des problèmes. On vivait dans le faux alors qu’on veut seulement pouvoir gérer les choses à notre manière, proprement. En fait, tout est parti sur un coup de tête. »

Et le coup de tête a conduit une bonne centaine de fidèles, issus pour la plupart de la communauté marocaine, sur… la route de Vezin. Sous l’égide de l’association culturelle des musulmans de Villejean ‘Unité et progrès’, ils y ont acquis un garage désaffecté. Constitué du garage proprement dit, d’un atelier et d’une petite maison désormais rasée, l’ensemble va être complètement restructuré. Pour le moment, les prières ont lieu dans le garage dans des conditions précaires. De nombreux mois seront nécessaires pour mener à bien la construction de cette nouvelle mosquée.

D’autant plus que l’association a fait le choix de ne plus profiter des généreux subsides accordés par la mairie de Rennes. Pour information, cette tradition de soutien à la communauté musulmane du bassin rennais a été instituée par Edmond Hervé au début des années 80. Elle a débuté avec la construction de la mosquée du Blosne, financée aux deux tiers par la municipalité et un tiers par l’État.

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Initialement conçue afin d’encourager des électeurs réputés favorables à la gauche à aller voter, cette stratégie de contrôle des fidèles musulmans par la mairie socialiste s’est prolongée depuis à travers de nouveaux lieux. Elle a atteint son objectif grâce à des subventions totalisant plusieurs millions d’euros en échange d’une présence dans les conseils d’administration et un droit de regard sur les comptes. Durant plusieurs années, la municipalité a ainsi tenu dans son giron et dans des lieux encadrés les différentes sensibilités musulmanes. Mais la réalité a rattrapé ce dispositif de contrôle qui avait pour mérite de promouvoir un islam ouvert et républicain.

Selon nombre de musulmans rennais, à force de vouloir tout gérer à sa manière, la mairie a en fait réussi à diviser la communauté. Résultat : loin de se réjouir de prier ensemble, les musulmans rennais se réunissent désormais en fonction de leur pays d’origine. L’installation des musulmans marocains à Vezin en fournit un nouvel exemple.

Elle signe un tournant dans la gestion rennaise des cultes. En ce qui concerne les musulmans, elle aura duré durant 30 ans avec des résultats d’autant plus en demi-teinte qu’elle aura suscité un sentiment d’injustice chez les fidèles des églises chrétiennes. (Nous y reviendrons la semaine prochaine dans un article intitulé La mairie de Rennes poursuit-elle volontairement une politique antichrétienne ?)

De fait, la possibilité d’une collaboration – idéalement tout en douceur et dans le respect les uns des autres (ce qui réclame une connaissance non seulement administrative mais intime du fait religieux) – semble désormais compromise. Aussi cette rupture du lien ne va-t-elle pas sans conséquence fâcheuse, dont l’impossibilité de connaître le financement de cette nouvelle mosquée de Vezin.

Selon nos informations, son financement a donné lieu à de nombreux voyages en France et dans plusieurs pays, notamment au Maroc dont est originaire l’imam. Cette réunion de fonds ne comprendrait aucun abondement d’origine salafiste. De fait, les musulmans marocains sont connus pour la conception modérée de leur foi et de leur pratique.

Nicolas Roberti

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Islam à Rennes, 30 ans de contrôle municipal qui prennent fin à Vezin

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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