Le centenaire de la naissance d’Irving Penn offre l’occasion de rendre hommage à l’un des plus grands photographes de l’histoire accueilli par le Grand Palais parisien avec une exposition remarquable. A ne pas manquer jusqu’au 29 janvier 2018.

Irving Penn
Louis Jouvet photographié par Irving Penn

Deux guerriers Miyake s’opposant dans leur tenue brillante sur un fond neutre font penser aux peintures à la brou de noix de Soulages*, composant une abstraction poétique. Louis Jouvet nous regarde, halluciné, dépassant son rôle d’acteur pour celui d’homme. Sept blocs d’aliments congelés appuient notre regard sur une compression à la César. Difficile de définir la photographie d’Irving Penn tant elle est diversifiée, variée et simultanément constante et intangible. Cette contradiction la formidable exposition du Grand Palais et son remarquable catalogue d’exposition essaient de l’expliquer.

LISA FONSSAGRIVES
Lisa Fonssagrives Penn avec son époux Irving en 1950. Photo : Alexander Liberman

En se promenant devant des tirages de qualité exceptionnelle, on déambule entre des photos sophistiquées des plus grands mannequins posant pour Vogue à la fin des années quarante, des bouchers et ramoneurs de la rue Mouffetard, des nus blanchis sous des traitements de tirage, des membres des tribus de Nouvelle Guinée ou des mégots de cigarettes photographiées en très gros plan. Tous ces travaux exclusivement réalisés en atelier, comme un artisan, portent en eux mêmes toute la singularité du photographe américain (1917-2009) : figer des êtres et des choses pour mieux les rendre vivants.

IRVING PENN
Irving Penn au travail, Pérou, 1948

Les mains serrées de Miro et de sa fille Dolorès, ou celles inoubliables d’un frère et d’une soeur, enfants à Cuzco dans un petit studio photo, témoignent à la fois d’une minutieuse mise en place et d’une spontanéité humaine réelle. Tous ces êtres célèbres, comme sa femme Lisa Fonssagrives-Penn (1911-1992), mannequin mondialement reconnu, semblent avoir fait un pas de côté, obéissant aux injonctions du photographe qui exige, ordonne avec rapidité et leur fait donner pourtant, en une fraction de seconde, le plus profond de leur âme.

IRVING PENN

Ce pas de côté possible nécessite une technique et une précision indispensables que favorise une structure minimaliste: une vieille toile unie de décor de théâtre, présentée de manière émouvante à l’exposition, une lumière naturelle venant de côté comme dans la plupart des peintres flamands, et un agencement de l’espace millimétré, suffisent pour créer ce miracle.

IRVING PENN
Nu No. 72, New York 1949-50, The Metropolitan Museum of Art, New York, don de l’artiste 2002 (2002.455.32) ©The Irving Penn Foundation

Cartier Bresson recherchait « l’instinct décisif » dans le hasard de la rue en structurant l’image, cherchant à figer dans un rectangle, les formes en place, l’espace d’un millième de seconde. Irving Penn trouve cet instant dans une préparation technique parfaite pour atteindre l’épure. Il était méticuleux, passant des heures à composer ces natures mortes ou à chercher des procédés de tirage capables de traduire sa vision personnelle de corps anonymes. Après ce travail, il ne reste alors qu’un sourire, un oeil, un grain de peau ou la structure d’un mégot. Mais il reste l’essentiel.

A travers soixante ans de carrière, le photographe, frère d’Arthur Penn, grand cinéaste, est resté cet artisan préférant l’intimité de son studio, parfois improvisé en pleine rue au Maroc, aux mondanités auxquelles le destinaient ses photos pour les magazines de mode. ll a réussi à unir dans une même oeuvre le papier glacé et la toile de théâtre usée. Un paradoxe de plus dans une oeuvre unique.

Exposition IRVING PENN au Grand Palais. Jusqu’au 29 janvier 2018. Catalogue de l’exposition; « Irving Penn : le centenaire ». Metropolitan Museum of Art et RMN Grand Palais. 372 pages. 59 €.
« Irving Penn » Hors Série de Télérama. 82 pages. 8,50€.

*Les Soulages du Centre Pompidou
7 juin 2017 > 7 janvier 2018

Exposition IRVING PENN au Grand Palais

21 Septembre 2017 – 29 Janvier 2018
Tous les jours de 10h à 20h
Nocturne le mercredi jusqu’à 22h

Fermé le mardi
Fermeture anticipée à 18h les dimanches 24 et 31 décembre
Fermé le lundi 25 décembre 2017

Dernier accès à l’exposition : 45 minutes avant la fermeture
Fermeture des salles : à partir de 15 minutes avant la fermeture.

Plein tarif : 13 €
Tarif réduit : 9 €
Tarif tribu (4 personnes dont 2 jeunes de 16-25 ans) : 35 €

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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