La violence dans notre société est omniprésente. Non seulement dans les actes, mais aussi dans le règne omniprésent de l’image. Voilà qu’elle fait débat lorsqu’un clip vidéo essaye de la dénoncer (âmes sensibles s’abstenir). Paradoxe…

 

Un clip en question
Passons sur la qualité musicale du dernier titre d’Indochine… pour en venir au scandale provoqué par le clip réalisé par Xavier Dolan. Le vidéoclip pour la pièce College Boy aborde, notamment, l’intimidation, à travers des scènes ouvertement violentes. Fortement critiqué, le réalisateur canadien défend sa dénonciation de la violence dans une lettre ouverte à Françoise Laborde du CSA. Si la chanson n’est pas aussi claire que le clip, Dolan a comme fil conducteur de sa carrière celui de défendre le droit à la différence et l’indifférence face aux violences. La violence n’est pas seulement physique, mais aussi verbale avec les lynchages qui s’opèrent sur les réseaux sociaux. Le Canada a d’ailleurs été traumatisé récemment par le suicide d’une adolescente ; la France n’est pas exempte du phénomène.

Différentes lectures

bambi
La Violence arrive après

Quel paradoxe de voir la violence d’un clip qui veut la dénoncer attaquée par le comité de censure tandis que la violence est omniprésente dans l’actualité, les journaux télévisés, ou encore dans des films ou des dessins animés qui la déguisent parfois en mettant en scène des animaux plutôt que des humains. Cette violence physique que nous regardons avec un regard d’adulte est perçue différemment par un enfant.

Récemment, je fus choqué de voir un jeune enfant traumatisé par une scène où le héros frappait un animal virtuel pour rigoler. Les adultes riaient tandis que l’enfant pleurait. D’un autre côté, des jeunes se passionnent pour le catch américain alors que cette violence est totalement scénarisée et singée. Ce spectacle n’est possible qu’avec des heures d’entraînement sans que cela apparaisse à l’écran. Enfin, le film pour enfant Bamby a traumatisé des enfants par la violence de la mort de la maman de Bamby. C’est l’un des films cultes qui contient le plus grand nombre de scènes violentes parmi les films pour enfant.

La violence élevée au rang d’art ?

Esthétisation de la Violence ?
Esthétisation de la Violence ?

Cette violence omniprésente est aussi confortée dans notre société lorsqu’elle prend la forme d’une tradition comme la Corrida. Des pères de famille y emmènent leurs enfants et des écoles forment même des enfants à ce que certains nomment un art. Les chrétiens dévorés par les lions dans les arènes romaines s’apparentaient-ils à une oeuvre d’art?

Au demeurant, la violence élevée au rang d’art par le biais du sang est de plus en plus présente dans notre société alors même que les mises en garde sont censées se multiplier. On encense le cinéma hongkongais ou de Tarantino pour sa mise en scène de la violence, sa dextérité dans les scènes sanguinolentes, en oubliant ce qui fait l’essence de ces films (des personnages travaillés, un bon scénario…). Certes, les réalisateurs raffinent la provocation.

La violence est l’expression d’une domination d’un rapport de force entre dominant et dominé. Elle ne dérange que lorsque le dominé se retrouve être proche de nous. Lorsqu’il est animal, virtuel, voire d’une autre race ou religion, il s’opère un détachement inconscient de sa condition de victime d’une violence. Ainsi, des « artistes » dressent une allégorie de la violence en la recréant sur des animaux (voir notre article) et non sur des représentations humaines.

Deux vitesses

Comme le dit si bien Xavier Dolan, il ne faut pas perdre de vue le fond du problème. Il ne faut pas oublier le message qui se dégage de la violence. Est-elle gratuite et dans le sens d’une domination, comme dans la corrida ou dans des scènes esthétisées de films sans scénarios ? Est-elle un exutoire salutaire pour éviter qu’elle s’exprime autrement comme lorsqu’on frappe un innocent sac de sable ou lorsque l’on joue à un « First Person Shooter » ? Est-elle une manière de dénoncer des dérives de notre société ? Est-elle verbale et insultante pour son prochain ? Chacun d’entre nous, dans notre faiblesse humaine, peut se laisser aller à un acte violent, à l’expression de la rage, face à une injustice. Mais comment sera-t-elle perçue de l’autre côté, par l’autre ? Dès lors qu’il est possible d’imprimer en 3D une arme fonctionnelle chez soi, il y a de quoi réfléchir à ce sujet. La violence est-elle à ce point inaliénablement humaine que notre société serait condamnée à dépasser le point de non-retour ?

 

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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