A la demande d’un de ses proches, Unidivers vous informe du décès de Jean Corrot survenu à Rennes le 16 juillet 2011.

Son nom ne vous dit certainement rien, mais son existence mérite d’être (re)connue.
Cet homme a vu le jour en 1916 à Dijon et a vécu tous les affres du 20e siècle à travers sa quête personnelle, philosophique. En effet, après avoir été scolarisé à Louis le Grand et avoir étudié la philosophie, sa thèse de Doctorat, sous la direction de l’illustre Gaston Bachelard, a obtenu la meilleure mention du rectorat de Paris en 1936. Mais il n’eut pas le temps de pavoiser avec cet accessit. Il fut très vite engagé dans l’armée et, sous le grade de capitaine, a vécu de très près la débâcle de 40 en participant, notamment, à la pathétique exode des soldats et des civils lors du repli vers l’Espagne…
À la libération, il rencontra sa future épouse, la pianiste Madeleine Élain. Ce nouvel élan lui permit de trouver un nouveau souffle en revenant à la philosophie et en passant l’agrégation en 1946… Il refusa alors des propositions qui lui prédisaient une belle carrière politique et s’engagea plus prosaïquement dans une vie familiale et sociale qui l’a conduit à enseigner la philosophie au Prytanée militaire de la Flèche puis au Lycée Chateaubriand de Rennes.
Lieutenant-colonel d’État-major, Grand officier de la légion d’honneur, Chevalier des palmes académiques, etc. Les différentes distinctions et reconnaissances l’avaient laissé de marbre. Il était resté un homme simple, proche des gens, du terroir. Il avait continué ainsi à rester en marge de l’élite et des honneurs en persévérant jusqu’à ses vieux jours dans des recherches philosophiques dont il ne parlait que rarement.
C’est cette singularité qui lui vaudra une reconnaissance post mortem. Personne ne le connaissant dans son lieu d’habitation, Rennes, ni ailleurs, il ressemblait à tout un chacun, aux humbles ayant peu de famille, d’amis, de connaissances. Or, sa vie, malgré cette solitude, n’a pas du tout été vide de sens. Sa personnalité, qui s’était construite autour du monde des idées, des questionnements et des concepts, représentait ce qu’il y a de plus haut dans l’élaboration d’un homme d’esprit. Et, bien qu’il se pensait agnostique – peut-être par conscience professionnelle –, son accomplissement intérieur quasi incognito avait quelque part préfiguré une réalisation spirituelle, un chemin que de nombreux anachorètes ont déjà essayé. Somme toute, il a été l’entrepreneur de sa conscience propre, le maçon de sa pensée saine, l’architecte de son être terrestre.

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