Cette brillante enquête du journaliste confirmé Maurin Picard prend sa source aux dernières heures du Congo belge. On est alors en pleine décolonisation, les Empires se délitent et les deux blocs s’affrontent par pays interposés dans une guerre qui n’avait de froide que le nom.

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D’immenses enjeux financiers sont en jeux en particulier dans ce Congo dit belge, véritable « scandale géologique » regorgeant de tout ce qui peut avoir de précieux en matière de minerai ou de gemmes. Cette décolonisation ne se passe pas bien : Patrice Lumumba premier ministre « insolent » a été assassiné sauvagement en janvier 1961, livré à son pire ennemi Moïse Tshombé. Ce dernier avait décrété en 1960 l’indépendance du Katanga, l’une des plus riches régions du Congo avec le soutien des compagnies minières, de l’Afrique du Sud et des deux Rhodésies (actuelles Zimbabwe et Zambie).

L’ONU fraîchement créé depuis la Seconde Guerre mondiale se débat sur tous les fronts. Son secrétaire général Dag Hammarskjöld (1905-1961), s’est illustré brillamment pour trouver une solution à la crise de Suez en 1956 ce que ne pardonneront ni les Français, ni les Britanniques… Face à la sécession Katangaise, l’ONU a envoyé des troupes venant des divers continents (Inde, Irlande, etc.) insuffisamment armées et qui ne font pas le poids face aux mercenaires blancs que le Katanga a recruté à prix d’or.

https://youtu.be/eOWq0movnjg

Il s’agit pour la plupart d’hommes aguerris, issus de la Seconde Guerre mondiale et des combats de la décolonisation et qui sont malgré tout les représentants plus ou moins autorisés de leur pays d’origine : Bob Denard commencera sa carrière dans ce pays.

Dag Hammarskjöld est une personnalité solaire, il recherche le compromis, mais ne plie pas, c’est aussi un intellectuel, ami de Saint-John Perse et traducteur de Martin Buber. Il veut absolument rencontrer Moïse Tshombé pour négocier un cessez-le-feu pour aboutir à une solution politique au Congo et projette de rencontrer celui-ci en terrain « neutre » à Ndola, en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie) sous l’égide de l’ambassadeur britannique.

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Dag Hammarskjöld (1905-1961)

Son avion s’écrasera peu avant l’atterrissage. Autour de ce crash surgiront diverses hypothèses incriminant l’équipage. Clairement il avait beaucoup d’ennemis dont un certain Charles de Gaulle, mais aussi les Britanniques, les Belges, peut-être certaines fractions de la CIA. Maurin Picard démêle patiemment avec beaucoup de sérieux l’écheveau de ce « bourbier », fouille les archives, rencontre les derniers témoins sans se lasser pour aboutir à un faisceau de présomptions fortes.

On ne peut que regretter la disparition d’un homme de la trempe de Dag Hammarskjöld, qui fut « le » Grand Secrétaire général de l’ONU : s’il y avait un Panthéon pour les diplomates, il y serait le premier. Son prix Nobel pour la Paix posthume l’illustre. L’ONU finira par mettre un terme à la sécession Katangaise, Moïse Tshombé fuira son pays et mourra mystérieusement en Algérie. Aujourd’hui la RDC, est un pays à peine pacifié, en proie à des troubles avec des élections douteuses, moins de coups d’État, mais reste toujours une proie des multinationales et d’un petit voisin ambitieux, le Rwanda, compte tenu de ses richesses minières en particulier au Nord Kivu…

Élu Secrétaire général de l’ONU au plus fort de la guerre froide, Dag Hammarskjöld dédie sa vie à la poursuite de la paix. Il renforce l’influence des Nations Unies en intervenant sur de nombreux conflits comme celui au Congo. C’est en allant sur place qu’il meurt, en 1961, quand son avion s’écrase. Le prix Nobel lui sera attribué à titre posthume la même année. Il fut qualifié de « plus grand homme d’État du XXème siècle » par le président américain John Fitzgerald Kennedy.

Ils ont tué Monsieur H. Congo, 1961. Le complot des mercenaires français contre l’ONU de Maurin Picard, Seuil, 480 pages, 23 euros. Parution le 16/04/2019.

ILS ONT TUE MONSIEUR H
Maurin Picard est journaliste. Il est l’auteur de livres sur l’histoire des États-Unis et la Seconde Guerre mondiale. Correspondant à New York, il a couvert deux élections présidentielles américaines et suit l’actualité des opérations de maintien de la paix des Nations unies.

Marc Gentili
Marc Gentili vit à Rennes où il exerce sa mission de médecin anesthésiste. Il est passionné par les sciences humaines et le cinéma.

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