Avec la mort d’Hugo Chavez, le leader vénézuélien, les articles oscillent entre la critique assassine d’un dictateur ou l’hommage à un libérateur du peuple adulé. Difficile de dresser un portrait nuancé de ce dirigeant dont la carrière politique aura marqué tout un continent.

Hugo Chavez suit une carrière militaire. À cette faveur, il rencontre des révolutionnaires et dirigeants sud-américains qui le conduisent à se forger une conscience politique. Mais ce n’est qu’après 25 ans de service dans l’armée qu’il se retrouve confronté à la réalité d’un pays que le président Perez mène vers un ultralibéralisme masqué qui donne la part belle aux grandes entreprises, mais oublie de développer les petites entreprises dans une économie tournée vers le pétrole. La colère gronde dans le pays et la révolte du Caracao est réprimée par l’armée dans le sang. Cela en est trop pour Chavez qui décide de mettre ses idées en actes. Le Lieutenant-Colonel Chavez tente un coup d’État en 1992 pour renverser ce « gouvernement corrompu » et mettre fin à la « désastreuse situation sociale ». Emprisonné pendant 2 ans, il est libéré par le nouveau président Caldera, élu une seconde fois et soutenu par la gauche après la destitution de Perez pour corruption et détournement de fonds.

Chavez est devenu un héros et fonde le Mouvement de la Cinquième République. Il est élu démocratiquement en 1998 à la présidence. Après avoir réformé la constitution pour donner plus de pouvoir aux minorités, il entreprend une première série de réformes : agraire en redonnant des terres aux paysans, nationalisation des industries clés, politique avec des conseils communaux. La réforme agraire a redonné des terres aux paysans et redistribué la production sur des besoins locaux, au détriment des grands propriétaires et des exportations ; ce qui aura une influence négative sur la balance commerciale du pays. De même, la nationalisation des industries et les prix négociés pour des pays « frères » a eu aussi une influence négative sur les bénéfices que pouvait engrangé le pays dans ce domaine tout en garantissant une orientation plus maîtrisée des investissements, hélas fortement grevés par l’inflation et la crise mondiale. En 14 ans de pouvoir, les mutations entreprises sont à la fois profondes et inabouties, dans le sens où elles sont réversibles.

Développer une dimension sociale et plus d’équité dans un pays qui en manquait cruellement ne peut se faire sans créer d’autres déséquilibres. C’est ce qui s’est passé en Argentine alors que ces réformes étaient nécessaires pour garantir une stabilité sociale et politique dans ces pays qui s’avéraient trop dépendants d’une gestion exonationale. Ce n’est pas un hasard si Chavez et Kirschner se sont rapprochés diplomatiquement et politiquement pour mieux peser dans la géopolitique sud-américaine. En 2002, Chavez a failli être renversé par des putschistes qui bénéficiaient du soutien de certaines ambassades occidentales (Espagne et États-Unis notamment).
Les supporters de Chavez, organisés en milices, ont fini par mettre au pas cette révolte venue de l’armée et de grands propriétaires eux aussi à l’origine de milices. Si, officiellement, il n’y a pas eu de répression organisée, ce putsch a fait des blessés de part et d’autre. Un dossier encore peu traité.
Le référendum de 2003 organisé démocratiquement ne mettra pas à bas Chavez. Avec une communication omniprésente (et des discours-fleuves) qui fera songer aux méthodes médiatiques totalitaires à l’observateur superficiel, il laisse pourtant la place à d’autres formes d’expressions. C’est le cas de la chaine anti-Chavez Globovision. Il laisse également exister d’autres partis ; ce qui fit dire à l’ancien président Jimmy Carter et aux observateurs occidentaux que ces élections sont un exemple d’expression démocratique.

chavezRévolutionnaire et réformateur, le personnage Chavez est fait d’excès. Il n’a pu aller au bout de sa vision d’un pays plus égalitaire et indépendant, sans doute un brin irréaliste. Ainsi la criminalité s’est-elle développée en raison du manque de répression des violences et la circulation d’armes issues des luttes passées. Pourtant, le Venezuela a emprunté une voie courageuse que d’autres voisins essaient de suivre, créant ainsi un contre-pouvoir inédit dans le continent américain.
Cette recherche d’un contre-pouvoir face à l’omniprésence étasunienne le conduit à s’allier avec la Chine, l’Iran, Cuba, mais aussi la Syrie ou la Libye de Khadafi – un choix radical et éparpillé que l’on peut juger peu constructif .
Désormais, son héritage promet d’être compliqué. Quelle figure fédératrice émergera alors que le pays est encore en proie à la corruption et à une inflation que la situation économique mondiale n’aide pas à contrecarrer. Avec des élections organisées très rapidement, le pays peut éviter de se retrouver à nouveau sous influence. Mais pour combien de temps encore et dans quelle perspective ?

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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