La maison Hugo Boss vient de s’excuser publiquement des conditions de travail en vigueur durant la Seconde-Guerre mondiale dans ses ateliers destinés à fabriquer une partie des uniformes allemands, dont la parure aussi belle qu’effrayante des SS.

Dans un livre intitulé Hugo Boss 1924-1945. L’histoire d’une usine d’habillement pendant la République de Weimar et le Troisième Reich, le chercheur Roman Koester décrit comment Ferdinand Boss encadrait très durement des travailleurs de force dans sa fabrique de Metzingen. 140 personnnes (dont 40 Français), en majorité des femmes, s’usèrent sur les métiers d’octobre 1940 à avril 1941.

Le lien de Boss avec le nazisme fut idéologique et économique. Il a rejoint le Parti Socialiste des Travailleurs Allemands d’Hitler en 1931. La commande d’uniformes pour les SA (Sections d’assaut) la même année lui permit d’éviter la banqueroute…

Certains s’étonneront que ces révélations proviennent d’un ouvrage financé par l’entreprise. En fait, le passé nazi de celui que l’on surnomme ‘le tailleur d’Hitler’ était un secret de polichinelle jusqu’à sa révélation publique par le Washington Post en 1997. A la demande de la firme, la chercheuse Elisabeth Timm a réalisé une étude sur les activités de Boss à l’époque nazie. En 2000, la société Hugo Boss a accepté de verser une somme de 500 000 livres sterling au Fonds d’indemnisation des anciens travailleurs forcés.

Il s’agit donc là d’une tactique de communication de la part de l’actuelle entreprise qui espère finir de crever l’abcès en jouant la carte de la franchise et, sans doute, en tentant de cantonner les activités coupables de son fondateur au travail forcé loin de son activité de styliste de l’armée nazie. Reste que la stratégie adoptée peut se révéler périlleuse en raison des réactions de plus en plus incontrôlables des internautes, forums, vagues de rumeurs et buzz d’infos sur internet. L’association entre Boss et le nazisme pourrait a contrario en sortir renforcée.

« Nous souhaitons exprimer nos profonds regrets à ceux qui ont été maltraités ou ont enduré des sévices dans l’usine dirigée par Hugo Ferdinand Boss sous le régime nazi »

Au demeurant, il peut-être utile de rappeler que plus de 5000 entreprises allemandes ont employé entre 10 et 20 millions de travailleurs forcés et collaboré étroitement avec le Reich. Hitler avait compris que son maintien au pouvoir et sa politique économique expansionniste nécessitaient le soutien des socialistes impérialistes et des conservateurs ainsi que le financement capital des banquiers et industriels allemands :

notamment, le patron des medias Alfred Hugenberg, Hjalmar Schacht de la Deutschbank, les aciéristes Fritz Thyssen et Alfred Krupp, Emil Kirdoff, le banquier Reinhard Schroeder, les entreprises Opel, IG Faben, Luft Hansa)

et américains : Union Banking Corporation, General Motors, Ford, WA Hariman and Co – toutes deux dirigées notamment par Prescott Bush.

Le cas de Günther Quandt a fait l’objet d’une enquête indépendante de Joachim Scholtyseck parue en septembre dernier : elle montre un homme particulièrement détestable qui avait perdu tout sens de l’humanité. Qui était Günther Quandt ? Le père et grand-père des actuels propriétaire de BMW et de… Hugo Boss.

On conclura en rêvant que la France (y compris la principauté de Monaco, plaque-tournante de tous les trafics sous le Reich…) fasse montre d’un tel courage vis-à-vis de son passé. Pays où la majorité du monde de l’édition et de la presse a adopté un comportement plus qu’ambigu à l’égard de la collaboration. Cette histoire toujours taboue est symbolisée par l’assassinat non élucidé de Robert Denoël en 1945.

Comme dit l’Eclésiaste : « Rien de nouveau sous le soleil !» Mais il y a là comme l’arrière-goût d’un soleil invaincu…

Nicolas Roberti

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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