Deux des auteurs de la compagnie théâtrale et collectif rennais Lumière d’Août ont souhaité comprendre la crise des subprimes. Comment ? En passant par la tragédie. Autant dire qu’ils n’ont pas peur des défis. Six comédiens amateurs se révèlent d’une aide précieuse dans ce périple. Cela donne une création intitulée Homère Homer. La tragédie et l’improvisation s’y conjuguent dans un théâtre d’improvisation au service d’un jeu singulièrement évocateur.   

On devrait remercier la Grèce. C’est l’occident qui a une dette par rapport à la Grèce. La philosophie, la démocratie, la tragédie. […] Donc, tout le monde doit de l’argent à la Grèce aujourd’hui. Elle pourrait demander mille milliards de droits d’auteur au monde contemporain et il serait logique de les lui donner. Tout de suite. Les Grecs nous ont donné la logique. C’est Aristote qui créa le fameux “donc”. Nous leur en sommes (donc) redevables. Si, à chaque fois que nous disons “donc” nous payons 10 euros à la Grèce, la crise sera résolue dans la journée.  (Jean-Luc Godard)

homer homere En concevant Grise en 2011, où il est question de propriété et de crise économique, les deux auteurs, metteurs en scène et comédiens rennais Alexis Fichet et Nicolas Richard se sont trouvés confrontés à un problème de taille. Comment transmettre un discours sur un domaine qu’on parvient à comprendre,  mais qu’on peine à nommer et encore plus à renommer ? C’est à partir de la citation de Jean-Luc Godard que le jeu de la pièce s’est tracé : le lien entre les tragédies de la Grèce antique et celles que traversent depuis quelques années nombre de familles américaines. Dès lors a surgi la difficulté de suivre deux discours en apparence inconciliables : la situation actuelle de la Grèce et celle des États Unis à l’origine de la crise des subprimes. Le lien s’opérant par le peuple, il est donc rapidement allé de soi qu’il fallait convoquer la famille Simpson et faire appel à des comédiens amateurs. Ces derniers interrogent le fond du problème, mais aussi la forme théâtrale et, par-là, les explicitent. 

Homère, Homer, alexis fichet, lumière d'aoûtL’histoire est inéluctable : Homer (celui qui mange des donuts) doit faire face à la crise économique. Une fois sa maison confisquée et sa famille disloquée, il finira par se crever les yeux pour ne plus voir son malheur. Après une longue errance, à la recherche de sa fille Lisa, il deviendra Homère (celui qui raconte des histoires). La pièce, écrite par Alexis Fichet et Nicolas Richard, est interprétée par les deux auteurs, qui s’amusent à jouer tous les rôles. Des comédiens amateurs sont là pour les déstabiliser, leur poser des questions, écrire les versions alternatives de l’Histoire.

Homère Homer s’inscrit dans un courant qui tend à une théâtralité moins figée. Le projet a été construit sur la conviction que le jeu ne pouvait être travaillé (comme) avec des acteurs professionnels. L’enjeu du jeu : Comment éviter que les improvisations d’amateurs entremêlés avec les monologues tragiques des deux auteurs ne tombent dans l’ironie permanente ? Comment garantir la vérité de ce qui se dit en conservant la conscience de l’énormité d’enchaîner des « Ô », « Oh ! », et autres « Io ! » ?

Homere homer,  rennesAlexis Fichet recourt à son habitude à la mise en abîme dans son travail d’écriture théâtral. Avec Homère Homer, il revendique une pièce « sur l’endroit de travail près de l’impro et à côté d’un endroit outré, mais qui permet aussi de faire passer des choses presque l’air de rien. Le jeu sur la théâtralité permet une grande liberté. Si l’on ne jouait que d’une manière, aucune des deux ne tiendrait, mais là, les deux s’équilibrent. La production avec des amateurs, plus légère, a permis des expérimentations qui sont au bord de la performance.»

À l’image idéale de toute mise en scène, Homère Homer est une prise de risque. Résultat : la signification du jeu et des mécanismes économiques accompagnés par des amateurs trouve ici une réponse singulière d’autant que les comédiens non professionnels ne sont pas des débutants, mais simplement de ceux… qui aiment.

À ne pas manquer à Rennes ce vendredi 21 février, samedi 22 et dimanche 23 février 2014 à 17h au Théâtre du Cercle.

Homère Homer
Texte et jeu Alexis Fichet et Nicolas Richard
Accompagnés des comédiens amateurs AntoineBenoîtIngridSophieStéphanie et Vincent.

Regard de Giuseppe Molino
Production Lumière d’août  / Partenariat Théâtre du Cercle / Soutien Dromesko

Théâtre du Cercle, 30bis, rue de Paris, 35000 Rennes

Tarifs : 4€/7€ /10€
Résa : tdc@cpbrennes.fr / 02 99 27 53 03

 

Article précédentAvec Ida Pawel Pawlikowski filme une Pologne schizophrénique
Article suivantGustave Doré L’imaginaire au pouvoir au musée d’Orsay

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici