L’exercice du pouvoir de guérison chez les chamanes hmong

Quatre vidéos pour ce versant du reportage sur les Hmong de Rennes : Magie et chamanisme (1/3), (2/3),  (3/3) & (4/4)

Chez les Hmong, pour le corps interviennent les herbes médicinales et le magicien, pour le psychologue et le spirituel, le chaman. Ce dernier intervient lors de nombreux rituels, dont ceux dont la fonction est de (r)appeler les âmes, soit des nouveau-nés, soit des bien-portants pour célébrer la nouvelle année, soit des malades ayant “perdu” leur âme et dont la réintégration de cette âme permettrait la guérison. Un Hmong consulte un chaman d’une à vingt fois par an.
 Le pouvoir de guérir par simple dissolution ou dénouement du mal est au fondement du chamanisme.

Il constitue une forme de psychothérapie fondée sur un savoir ésotérique issu de la Chine ancienne. Le fonctionnement est toujours le même : le guérisseur établit son pouvoir de guérir, identifie la maladie de son patient et finalement le guérit par l’efficacité symbolique de son intervention. Les malades traités par le chamane obtiennent la rémission de leurs maux sans même avoir un aperçu de ce qui s’est passé au cours d’une action magique dont ils ne décèlent pas la logique et la cohérence interne.
La cause de la maladie est conçue comme une agression extérieure (qui renvoie à une démonologie vaste et complexe). Cela présente un avantage majeur qui est de déculpabiliser le malade. Le chamane manipule des images pour symboliser ce que ressent le patient et transformer en même temps l’expérience que celui-ci a de sa propre réalité.
Ainsi, le chamane n’est pas seulement un exorciste et ne se contente pas de chasser le mal et d’assainir l’environnement du malade. Il va au cœur du problème et procède à un examen systématique des fonctions vitales de son malade, fonctions qu’il conçoit en termes psychosomatiques.

En pratique, le chamane hmong approche la maladie par la transe. C’est la transe qui lui permet de passer dans le monde spirituel où se logent les causes de la maladie. Mais ce n’est pas un voyant. Il est guidé et informé pas à pas par ses esprits auxiliaires. Ce qu’il entend, par dessus les battements de gong et de son grelot, c’est le son de sa propre voix qui débite sur un rythme haletant un chant récitatif, toujours le même, décrivant successivement l’appel au rassemblement des esprits auxiliaires afin de procéder à l’examen du malade — c’est-à-dire des douze âmes porteuses de vie qui contrôlent son être biologique — et de son environnement immédiat où peut se trouver la source du mal, enfin la recherche des âmes disparues sur les chemins de l’au-delà, à la suite de quoi il retourne auprès de son malade avec un diagnostic.
Si l’état du malade s’améliore après la séance de diagnostic, le chamane revient accomplir la cure. Le malade guéri, quoi qu’encore convalescent, est présent dans l’action, les animaux sacrifiés sont immolés en temps réel et les âmes que leur mort libère sont immédiatement utilisées par le chamane. Si, au contraire, le diagnostic du chamane n’est suivi d’aucune amélioration, c’est qu’il s’est trompé ou que ses esprits n’ont pu dominer la situation. Il ne reste plus à la famille qu’à faire appel à un autre chamane.

Jacques, Eisenbruch Maurice, L’exercice du pouvoir de guérison chez les chamanes hmong et les maîtres-guérisseurs khmers d’Indochine. In: L’Homme, 1997, tome 37 n°144. pp. 69-103.

A noter que le statut de chaman est très complexe. Les esprits choisissent la personne qui recevra le don, homme ou femme. On ne devient pas chaman si on le souhaite. Quand le choix s’est confirmé, l’apprenti chaman doit apprend les rites et les incantations auprès d’un chaman confirmé qui doit ainsi le former pendant de nombreuses années. Très souvent le fils du chaman, en suivant son père pratiquer durant les nombreuses séances devient en quelques sorte son assistant, en l’aidant, en lui préparant les rites, en lui facilitant les actes. Pour répondre à votre question, si les esprits ont choisi le fils d’un chaman, ce dernier peut commencer l’initiation. Toutefois, on ne devient pas chaman de père en fils.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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