L’Histoire d’un amour de Catherine Locandro se déroule à Rome. Luca, marié et père, enseigne la philosophie depuis des années dans le même lycée. En face, au comptoir de l’Alfredo, alors qu’il parcourt le journal La Repubblica, en ce vendredi 10 novembre 1995, un article le bouleverse. Luca se lève et part errer dans la ville en se mêlant aux ombres de l’histoire… De fait, depuis 1967, Luca garde un secret qui aujourd’hui lui revient comme un boomerang au visage et aux yeux du monde. Cette étrange révélation le contraint à revivre les souvenirs d’une liaison.

« Leur rencontre avait eu lieu un soir de septembre 1967 au Teatro delle Vittorie. Il lui avait tendu un papier pour qu’elle le signe, elle lui avait demandé son prénom. » Luca était à l’époque figurant dans une émission de variétés diffusée sur la RAI. Attentif et d’un naturel timide, l’apparition et l’aura enveloppante de la… Diva avaient bouleversé en lui l’ordre du réel. De son côté, la mort de son amant italien, Poète, et sa propre tentative de suicide avaient valu à la cantatrice le surnom de « veuve noire » par les médias italiens et provoqué l’engouement de son public. La chanteuse porte en elle tout le drame d’une vie lyrique en attente d’une résurrection.

histoire d'un amour« Il avait baissé la tête, incapable d’affronter son regard, mais son visage de tragédienne et sa lumineuse tristesse avaient eu le temps de s’ancrer en lui. Cette image l’avait hanté des jours durant… […] Il l’avait regardé, soudain inaccessible. Dans cet éloignement pareil à un abandon, il avait ressenti pour la première fois ce que cette femme n’en finirait pas de lui inspirer, le désir et le manque, se nourrissant l’un l’autre, inextricablement liés. »

Il ressent sa profonde solitude et sa détresse, il est persuadé qu’il est le chemin qui la rendra heureuse. Elle voit en lui une figure du Poète, son amant perdu. Entre confusion et envie, la chanteuse puise en lui l’instant présent fait de souvenirs, fragilise sa relation pour mieux éprouver son désir, diffère ses angoisses jusqu’à se perdre dans un réel incertain, décousu. Jeunesse, fougue, passion se mélangent en secret. Mais les obstacles sont trop nombreux. Luca ne peut accéder à autre chose qu’au statut d’ombre planante dans le coeur de la cantatrice adulée. La rupture est consommée.

« Luca. Tu n’es ni le Poète ni moi. Toi, tu es la lumière, tu es vivant. Tu es de ceux qui restent. Je ne t’ai pas aimé comme tu l’aurais souhaité, et comme tu le méritais. Mais je t’ai voulu, de toutes mes forces, égoïstement, pour cette lumière-là. Elle a éclairé un court instant des ténèbres contre lesquelles je n’ai pas fini de me battre. Qui ne me laissent aucun répit. »

Condamné au secret, une mauvaise toile invisible se tisse entre Luca et les autres, sa propre famille. « Tu as fait de moi un étranger parmi les miens… » Mais aujourd’hui, 10 novembre 1995, le secret est éventé. Huit ans après la mort de la Chanteuse, une biographie révèle la vérité sur leur liaison. Luca est mis au pied du mur. Devant son épouse et leur enfant. Que va-t-il décider ? Il y a des amours qui se vivent, d’autres qui s’espèrent… La raison l’emporte parfois sur la passion par nécessité ou par peur, par besoin ou par compassion.

L’Histoire d’un amour, c’est avant tout l’histoire d’un amour aux exigences tragiques et sacrifiées. C’est l’histoire d’un amour clandestin à la passion dévorante, brève mais intense. C’est aussi le poids du secret, des oubliés d’une vie, la marque de l’impossible oubli véritable. S’affranchir du passé, malgré son omniprésence obsessionnelle, afin d’avancer.

Dans une écriture délicate nourrie de flash-back clair-obscur et d’un présent empesé, Catherine Locandro  – auteur de Face au Pacifique, L’enfant de Calabre et les anges déçus – nous plonge dans une fiction sensible et nostalgique. L’histoire d’une passion bouleversante où le voile du secret finit par tomber.

L’Histoire d’un amour Catherine Locandro, Editions Héloïse d’Ormesson, août 2014, 128 pages, 15 euros

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