Hervé Bordier : un nom qui résonne pour les Rennais et les amateurs de rock. Sur le point de lancer la 21e édition du festival Rio Loco à Toulouse, le natif de Rennes fait le point sur son parcours et sur sa programmation dédiée aux mondes celtes.

Hervé BordierUnidivers : Racontez-nous ce que vous avez fait depuis votre départ de Rennes.

Hervé Bordier : J’ai quitté la ville fin 95, à la fin des 17e Transmusicales… en me mariant ! Au retour de mon voyage de noces, je reçois une proposition pour prendre la direction de l’Aéronef à Lille. J’y suis resté jusqu’en 2001 pour partir à Paris, travailler à la coordination de la Fête de la Musique. En 2010, Toulouse m’a confié la direction des musiques actuelles. Un poste excitant pour son double aspect : la direction du festival et la création d’une nouvelle salle de concert, le Métronum en étroite relation avec l’architecte Laurent Gouwy. Quatre villes ont donc marqué mon parcours. J’adore Toulouse !

U. : Et Rennes vous manque ?

Hervé Bordier : Rennes, non. Mais la Bretagne, oui. Surtout la mer, les embruns…

U. : Et le beurre salé ?

Hervé Bordier
Hervé Bordier, photo : J. Hocine

Hervé Bordier : Oui, aussi ! Je m’en fais une cure quand je me ressource chaque été à Cancale… Mais vous faites sans doute allusion à mon célèbre homonyme, Jean-Yves Bordier (fromager-affineur à Saint-Malo) ? Je crois que je bénéficie de cette similitude (à mon corps défendant !) pour avoir une table plus facilement dans les restaurants du pays malouin…

U. : Donc si l’autre Bordier vient à Toulouse, le crémier pourrait profiter de votre notoriété en retour ?

Hervé Bordier : Et je l’accompagnerais avec plaisir ! C’est vrai que j’ai établi une relation épatante avec les grands chefs du coin. Je n’ai pas renoncé à les faire passer du cassoulet au kig-ha-farz, (NDLR : plat complet et typique du Finistère, le kig ha farz signifie « viande et farce »). En attendant, à l’occasion du Grand Carnaval, on a célébré le mariage de la galette bretonne avec la saucisse de Toulouse, en présence des « autorités » compétentes : la SGSB (association de sauvegarde de la galette saucisse bretonne)

U. : Respect ! Et le couple tient ?

rio loco
A l’occasion du Carnaval, on goûte le cidre breton

Hervé Bordier : Figurez-vous qu’ils seront présents sur les Prairies, haut lieu de notre festival. Un lieu sublime en bordure de la Garonne.

U. : D’où le nom initial de ce rendez-vous : Garonne Festival ?

Hervé Bordier : Il a été changé surtout pour marquer une nouvelle ligne. C’était un festival pluridisciplinaire, un peu mondain, qui a pris une tournure plus musicale en 2002, en mettant à l’honneur la musique d’un pays. Au départ, c’était franchement latino ou sud. Cette année, on prend le cap des pays celtes.

U. : Un changement d’univers pour vous ?

Hervé Bordier. : Pas tant que ça, car figurez-vous qu’avant les Trans, j’ai collaboré avec Chérif Khaznadar sur son festival des Arts traditionnels. Il cherchait un anglophone pour accompagner des groupes du Ghana ou du Nigéria. Ces découvertes m’ont marqué. Dans la foulée, je lui ai « piqué » la salle Jarry pour en faire l’UBU !

U. : D’autres personnalités vous ont marqué en Bretagne ?

Hervé Bordier : Bien sûr. Jean-Pierre Pichard par exemple (NDLR : directeur du Festival Interceltique de Lorient de 1972 à 2007). J’ai essayé d’ouvrir une brèche rock dans le F.I.L. mais ça n’a pas abouti.

U. : Et maintenant, vous marchez sur leurs plates-bandes ?

Hervé Bordier : Certains le disent ! Quand on a décidé de la thématique celte il y a deux ans, j’ai approché le directeur actuel Lisardo Lombardia, mais j’ai senti très nettement que j’entrais sur une «chasse gardée ».

U. : On voit effectivement des têtes d’affiche abonnées au F.I.L : The Chieftains, Carlos Nunez, Érik Marchand…

Hervé Bordier : J’adore la fibre exploratoire d’Érik, fondateur et directeur de la Kreiz Breizh Akademi. Il jouera avec Bojan Z, l’extraordinaire pianiste de jazz franco-serbe (NDLR : Prix Django-Reinhardt en 2002).

U. : Le Festival s’ouvrira avec Patrick Molard le mercredi 15 juin.

Hervé Bordier : Pour moi, son seul nom résume un genre musical tout entier. Ce sonneur de cornemuse est mondialement reconnu dans l’univers du « ceol mor » ou « pibroc’h »(NDLR :  Ceol Mor (prononcer Kiol Mor) ou Piobaireachd (prononcer Pibroc’h) est un genre musical des hautes terres d’Écosse à l’origine exclusivement destiné à la grande cornemuse). Je suis fier de présenter sa création Light & Shade avant l’Interceltique (rires).

algues au rythme
Miossec lors du festival Algues au rythme, Arradon

U. : D’autres célébrités feront entendre le son de la Bretagne, comme Miossec, Baron et Anneix, Yann-Fañch Kemener et le merveilleux, l’enchanteur Denez Prigent.

Hervé Bordier : J’ai une vieille histoire avec lui : je l’ai fait venir aux Trans et ai produit son premier album. Un personnage hors-norme, entier et toujours novateur. C’est un immense plaisir de recevoir des figures pas vues depuis 20 ans qui sont en pleine maîtrise de leur art.

U. : Vous faites une place aux petits jeunots quand même ?

Hervé Bordier : Bien sûr ! On aura Sam Lee, un drôle d’oiseau londonien, les Super Fury Animals du Pays de Galles (autour de Gruff Rhys, doux dingue obsédé de Syd Barrett) et les Young Fathers, trois ex-ados du Bongo Club d’Édimbourg. Leur hip-hop tribal déménage.

U. : D’une manière générale, ça bouillonne en Écosse. C’est d’ailleurs de là que viennent aussi Hector Bizerk (hip hop alternatif) et Magnetic North (pop folk hypnotique, NDLR, voir notre article sur leur album Prospect of Skelmersdale).

Hervé Bordier : Ce sera leur premier grand concert en France – après une discrète prestation à Paris. C’est vrai que les Écossais ont le chic pour faire du rentre-dedans tout en gardant leurs racines. La preuve encore avec Cosmic Nuggets qui signe notre visuel. Opérateur caméra quand il n’est pas designer sonore, il relooke un joueur de cornemuse façon Maori ou Basquiat. Très cosmique. Un peu comme nous !

Festival Rio Loco, Les Mondes Celtes, Toulouse, du 15 au 19 juin 2016

Un programme très riche pour le festival d’Hervé Bordier : on notera les Chieftains, le punk celtique des Dropkick Murphys, The Magnetic North avec leur sublime album, Prospect Of SkelmersdaleMiossec et tant d’autres, à découvrir ici.

https://www.youtube.com/watch?v=BpN6nAL1e2E

https://www.youtube.com/watch?v=G3anbqV9l1k&feature=youtu.be

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hervé bordier

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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