Une île. Une tempête. Un carnet de bord.La tempête s’acharne sur l’île depuis des jours. Un homme, seul dans sa maison, écrit le journal de bord du déluge. Dans le même temps, une marée noire encercle l’île inexorablement. Dialoguant avec sa collection d’oiseaux empaillés, le narrateur peu à peu se réfugie dans son grenier.Insularis. Le mot, à l’origine, avait trois sens : une carte d’îles, un prisonnier exilé sur une île déserte, ou bien le gardien solitaire d’un temple la nuit. Monologue en deux actes, Insularis est un mystère moderne.

Henry Le Bal a procédé à une réduction alchimique de son roman Naamah (voir notre article). Il en tire un texte court, fracassant, percutant qui nous met face au déluge, face à la réaction humaine devant la catastrophe qui est aussi révélation. Dans son arche solitaire qui est une maison sur une île, le personnage, écrivain par procuration, affronte, lui, deux phénomènes, une marée noire et un déluge. Lequel est naturel, lequel surnaturel ? Dans son arche, nouveau Noé, il n’a que des oiseaux, des oiseaux morts mais qui lui parlent. Dans son arche, nouveau Jacob, il grimpe une échelle et se réfugie dans son grenier d’où il n’entendra plus la langue des oiseaux mais plus fort l’interminable tempête. Si la maison tient bon c’est son esprit qui tangue et qui largue les amarres…

Commencer à se méfier des Cui Cui… Ne surtout perdre de vue les mots… (p.49)

Mais que sont les mots s’ils ne sont plus messagers, ne sont plus porteurs de sens. S’il ne sont plus adressés à un autre, à un tout Autre… Perdus dans le flot de l’encre, de l’encre noire qui entoure l’île et des flots qui la délave, la détrempe ? Y-a-t-il au-delà des tumultes un langue inaudible, une langue des anges pour des réalités encore innommées ?

Des mots qu’existent déjà mais qu’on peut pas entendre ? Des mots pour après. Pour parler de tout ça, après. Et des mots quand tout ça sera fini, et que ça ne sera plus pareil. (p.84)

Splendide prouesse que ce texte. Epique pièce d’une seule pièce. Ce texte multiple. Dense, riche, virevoltant sous les dehors d’une rigueur de moyens, sous le style d’un apparent ‘ »langage d’enfance », mais d’une enfance en réalité tout adamique… Le style de Le Bal parle sa langue, son écriture parle sa langue. Joviale et profonde, singulièrement prose, phénomènalement poétique. « Prosétique » et prophétique (quand bien même le mot est dévoyé comme tant d’autres aujourd’hui), tout saveur, en mystérieux questionnements retournés et en réponses plus interrogatives encore. Le qu’est-ce qu’écrire, le qu’est-ce que dire… Si nous visons la beauté qu’est-ce que cette violence intrinsèque qui nous coupe, nous dissèque et trouve à se faire dire, encore, encore… avec et dans la nature son si cinglant reflet…

Un seul regret pour nous. Quand donc se trouvera-t-il un lieu ou un organisateur pour programmer à Rennes ce théâtre si spirituel d’un écrivain si breton ?

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Cette pièce en deux actes de Henry Le Bal, interprétée par Marco Di Napoli, adaptée et mise en scène par l’auteur et la dramaturge Anne Bihan, est une création 2012. Liz Hascoët signe la création des décors et costumes et Stéfan Laurens la création lumière et bruitage.

Henry Le Bal, poète, romancier et dramaturge, écrit sur les non-dits et les personnages des interstices de la Bible. Dans ses romans, il confronte la parole des hommes au Verbe de Dieu. Et par leur version théâtrale il met en scène ce dialogue ultime. La pièce Insularis aura été créée et jouée à sa publication.

La pièce est éditée aux Editions L’Age d’Homme, Insularis, collection Théâtre Vivant, 9€

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Samedi 9 février 2013

Salle Ivahoa à 20h30

Mairie de Pont-Aven

10 et 15 euros

Samedi 16 février 2013 à 20h30

Dimanche 17 février 2013 à 15h30

au Ty-Théâtre à Quimper

12 et 10 Euros

 

 

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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