Les 19, 20 et 21 juin 2015, la ville de Clisson accueillait une fois de plus le Hellfest. La grand-messe de la musique Métal, l’ultime pèlerinage pour tout amateur de musique extrême. Avec cette dixième édition, le festival s’impose désormais, ferveur festivalière oblige, comme un événement incontournable du paysage musical français. Petit tour d’horizon d’une communion pas comme les autres et d’un public hors du commun.

 

Hellfest clissonL’édition 2014 du Hellfest avait placé la barre haute. Très haute. En rassemblant dans un même festival Black Sabbath, Iron Maiden et Aerosmith, fers de lance du hard-rock et du métal, Ben Barbaud et son équipe dressaient définitivement le Hellfest en étendard français de la culture Métal et l’ancraient parmi les rendez-vous les plus attendus de l’été. En à peine dix ans, le jeune festival est indéniablement devenu une institution, un rendez-vous unique, éclectique (pour preuve en programmant cette année Wovenhand, Russian Circles ou Samsara blues experiment… NDLR) et excentrique pour les passionnés de Hard-Rock et de Métal ; un public désormais grand, mais surtout fidèle auquel le festival avait promis, pour son dixième anniversaire, un véritable Best of Hell, condensé de tout ce que la musique métal et ses dérivés étaient capable de proposer.

Hellfest 2015Sold-out en une vingtaine de jours, du jamais vu pour un festival français, l’événement a pris une ampleur spectaculaire ; un succès amplement mérité pour un festival qui, d’année en année, ne manque à aucune de ses promesses. Ces 19, 20 et 21 Juin, rien n’aura été épargné, Clisson en enfer s’est véritablement transformé, et tous, érudits comme amateurs de vibrations métalliques auront pu étancher leur soif de rock’n roll, de partage et d’ivresse que seuls les décibels peuvent communiquer. La messe a été dite, et quelle messe ! Les dieux du Heavy-Metal et les 140.000 festivaliers auront été plus que comblés. Longue sera l’attente avant le prochain été. La recette de ce succès ? La rencontre d’une foule avide de frissons et de sa passion : le Métal.

La renaissance de la « Culture Métal »

hellfest alice copper
Alice Cooper

Avec ses décors grandiloquents, ses feux d’artifice grandioses, son public exubérant et ses concerts titanesques, ce week-end le Hellfest est inéluctablement sorti du commun des rassemblements estivaux. Les vieux démons du festival semblent bien loin désormais, quand les poncifs de rassemblement sataniste et les a priori sur ses fidèles, antisociaux et dépravés, servaient les arguments de ses opposants. Seuls subsistent les plus radicaux d’entre eux, groupuscules catholiques, qui ne trouvent plus que le vandalisme comme moyen de contestation (comme en témoignent les dégradations commises sur le site en mai 2015). La culture métal s’est, grâce à son festival, trouvée une nouvelle notoriété. Elle s’est démocratisée, ouverte au grand public et a retourné les clichés (au point de voir jouer au Hellfest des chrétiens affirmés tel qu’Alice Cooper, certains musiciens de Korn, Wovenhand ou les mythiques Faith No More vêtus de blanc sur une scène fleurie…. NDLR).

korn hellfest 2015
Brian « Head » Welsh du groupe Korn

Là réside sans aucun doute le génie de Ben Barbaud et des autres petites mains du festival, avoir su exalter et matérialiser l’imaginaire Métal, dans toute sa diversité, pour le démystifier et l’articuler uniquement à ce qui fonde son essence, à savoir la musique, certes parfois violente, mais toujours authentique, dans sa composition comme dans ses thématiques. Cranes, monstres et présages de mort investissent les plaines de Clisson. L’enfer, pendant trois jours gagne à nouveau droit cité, une imagerie brute et enfiévrée, est ici parfaitement libre et décomplexée. Le Hellfest fait vivre un univers, un monde, un style de vie. Construit groupe après groupe, strate après strate, riff après riff, il s’exhibe sans fard, ni artifice, toujours provocateur, mais jamais sérieux. Libérateur en somme.

Un public excentrique, mais passionné

hellfest clissonAjoutez à cela le dévouement des aficionados de musique extrême pour leurs groupes favoris, inutile de chercher plus loin les raisons de l’engouement pour le Hellfest. Car qu’est-ce au fond qu’un fan de métal sinon un passionné de musique ? N’en déplaise aux détracteurs du festival, les amateurs de musique extrême ne sont pas tous, loin de là, des adorateurs de Satan, drogués et antisociaux. Parmi les festivaliers, on trouve des étudiants comme des cadres, des ouvriers comme des chefs d’entreprise, toutes catégories d’âge confondues, adolescents, sexagénaires et parents avec leurs enfants.

hellfest fan heavy metalCertes, l’accoutrement est singulier. Le Métal, sans être une communauté, est une culture qui a ses codes et ses attributs. Tatouages, piercing et t-shirts de groupe sont portés et assumés. À Clisson, ils sont fièrement exhibés. Certainement chez ces individus, le goût pour la bière est lui aussi plus prononcé. Mais tous n’ont rien d’autre en commun sinon l’intensité avec laquelle il vive la musique. Une étude par Spotify l’a récemment démontré. Les amateurs de métal sont parmi les plus fidèles à leur style musical. C’est un monde de connaisseurs où si les amateurs existent, rares sont les non-initiés au Hard-Rock et à sa mythologie ; un public exigeant, mais dont le Hellfest a su s’attirer une indéfectible loyauté.

hellfest clissonRassemblez tous ces ingrédients dans un festival et le cocktail est détonant. Le Hellfest plus que de rassembler autour de son affiche crée un entre soi, coupé de la réalité, un endroit où les codes sociaux et la civilité ne disparaissent pas, mais prennent un sens nouveau, où ce qui est lorgné en société est de nouveau exalté, où l’on assume sans complexe de headbanguer et de provoquer les codes sociaux classiques, sobres et mesurés. Le Hellfest c’est un grand moment de relâchement vis-à-vis d’une société aux mœurs et aux exigences souvent trop contraignantes, un moment hors du temps et hors de tout jugement, une explosion de Métal, de joie de vivre et de convivialité.

Dimanche, l’enfer a refermé ses portes et condamné ses hôtes d’un week-end au retour à la réalité. Triste coup du sort pour les festivaliers, mais ils sont déjà prêts, c’est certain, à remettre ça en juin prochain.

Photos :  Evan Forget, csaoh.com, insane motion, ozirith.com (courtoisie Hellfest Open Air)

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Thomas Moysan
Thomas Moysan est rédacteur en chef des Décloitrés, revue biannuelle de Sciences Po.

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