Haruki Murakami, personnalité culturelle de l’année 2025 du Sheikh Zayed Book Award

sheikh zayed book award 2025

Le Sheikh Zayed Book Award, l’un des plus prestigieux prix littéraires du monde arabe, a dévoilé le 11 avril les noms des lauréats de sa 19e édition. Parmi eux, un nom aussi inattendu que retentissant : Haruki Murakami, sacré Personnalité culturelle de l’année. Une distinction qui confirme l’aura mondiale de l’écrivain japonais et son influence profonde sur l’imaginaire littéraire contemporain, bien au-delà des frontières linguistiques et culturelles.

Une figure mondiale du récit onirique et existentiel

Depuis la publication de La Course au mouton sauvage (1982) jusqu’à La Cité aux murs incertains (2023), Murakami n’a cessé de construire une œuvre à la fois hypnotique et universelle, mêlant réalisme urbain, étrangeté métaphysique, références musicales et solitude existentielle. Traduit dans plus de 50 langues, il a conquis une audience mondiale qui voit en lui un conteur de l’indicible, une passerelle entre l’Orient et l’Occident, et une figure rare de la littérature accessible sans céder à la simplification.

Le prix décerné par l’Abu Dhabi Arabic Language Centre salue précisément cette capacité à tisser des liens culturels durables à travers la fiction. Dans son communiqué, le jury salue « le rôle éminent de Murakami dans la promotion des valeurs humaines, de la tolérance et de la compréhension mutuelle entre les peuples », des valeurs au cœur de la philosophie du prix.

Une reconnaissance stratégique et symbolique

Alors que les relations culturelles entre le monde arabe et les grandes traditions littéraires asiatiques restent encore peu explorées dans les circuits dominants de l’édition, la distinction accordée à Murakami revêt une dimension géopolitique et éditoriale importante. Elle traduit aussi le rayonnement croissant du Sheikh Zayed Book Award sur la scène internationale, après avoir récompensé dans les années récentes des figures comme l’historien américain Marina Warner (2022) ou le philosophe allemand Jürgen Habermas (2021, distinction refusée par l’auteur).

À travers Murakami, c’est aussi une certaine idée de la littérature globale qui est honorée : celle d’un espace fluide où la mélancolie d’un Tokyo nocturne peut résonner avec l’intériorité d’un lecteur de Beyrouth, du Caire ou d’Abu Dhabi. Le choix du romancier japonais ouvre aussi des perspectives de traduction accrue en arabe — encore marginale dans le cas de Murakami — et de circulation élargie de son œuvre dans les pays du Golfe.

Hoda Barakat et la pluralité du palmarès 2025

Outre Murakami, cette édition distingue également la romancière et journaliste franco-libanaise Hoda Barakat, lauréate de la catégorie « Littérature » pour un ouvrage qui n’a pas encore été précisé dans les annonces officielles. L’autrice, déjà récompensée du prix international de fiction arabe en 2019, est une figure majeure de la littérature arabophone contemporaine, explorant les traumatismes de l’exil, les violences de l’histoire et la quête d’une identité narrative fragmentée.

Le Sheikh Zayed Book Award, doté de 750 000 dirhams émiratis (environ 190 000 euros) pour la personnalité culturelle de l’année, récompense par ailleurs des œuvres dans huit catégories, allant de la traduction à l’édition jeunesse, en passant par les études critiques et l’édition arabophone.

Un signal fort pour les acteurs du livre

Cette distinction accordée à Haruki Murakami constitue une opportunité pour les professionnels du livre – éditeurs, traducteurs, libraires – de réinterroger la place du Japonais dans le paysage éditorial arabe et francophone. En France, ses livres sont publiés chez Belfond, dans des traductions de Corinne Atlan ou de Patrick De Vos, et bénéficient d’un lectorat fidèle.

Mais dans le monde arabophone, sa réception reste à développer. Le Sheikh Zayed Book Award pourrait jouer ici un rôle de catalyseur, incitant à une politique de traduction ambitieuse et à un travail de médiation culturelle renforcé. Pour les curieux comme pour les professionnels, c’est aussi l’occasion de relire Murakami à la lumière de cette reconnaissance : non plus seulement comme un écrivain culte, mais comme un passeur d’universalité.

Rocky Brokenbrain
Notoire pilier des comptoirs parisiens et new-yorkais, gaulliste d'extrême-gauche christo-païen tendance interplanétaire, Rocky Brokenbrain pratique avec assiduité une danse alambiquée et surnaturelle depuis son expulsion du ventre maternel sur une plage de Californie lors d'une free party. Zazou impénitent, il aime le rock'n roll dodécaphoniste, la guimauve à la vodka, les grands fauves amoureux et, entre deux transes, écrire à l'encre violette sur les romans, films, musiques et danses qu'il aime... ou pas.