Cthulhu, Nyarlathotep, Dagon ont fait suer d’angoisse des générations de lecteurs, hypnotisés par le maître du fantastique que fut Howard Phillips Lovecraft (1890-1937). Depuis l’essai de Houellebecq, il y a une vingtaine d’années, le silence était retombé sur ce phénomène qui inventa un livre censé donner accès à des mondes interdits, le Necronomicon, que quelques naïfs recherchent encore sans perdre espoir.
Influencé par Poe, Nietzsche et Darwin, H.P. Lovecraft développa dans son œuvre des visions d’ampleur cosmique où des divinités infernales se livrent à une lutte titanesque pour renverser l’ordre du monde, où des sorciers psalmodient des litanies gravées sur des mégalithes oubliés, où des races primordiales n’attentent qu’un signe, qu’une mélopée pour réapparaître dans toute leur terrible splendeur. Le récent essai de D. Hendrickx, fin connaisseur de cet univers parallèle, analyse avec une étrange empathie cette œuvre qui a pour particularité d’avoir été continuée après la mort de son fondateur. Hendrickx apparaît d’ailleurs comme l’un d’eux tant il semble possédé par son modèle!
Lovecraft y apparaît comme un voyant halluciné, hanté par la décrépitude physique et mentale (ses parents moururent tous deux déments) comme par la décadence des civilisations, soumises au travail de sape de leurs éléments inférieurs. Nourri de culture classique et passionné d’astronomie, cet homme peu sociable et de santé fragile imagina des mythes et des dieux pour mieux illustrer sa conception pessimiste du monde comme son émouvante recherche d’une profondeur perdue. Sang contaminé, pullulement d’êtres difformes autant que voraces, nostalgie de l’enfance et du monde pastoral de la Nouvelle-Angleterre, sous-sols recelant une vie monstrueuse, toutes les obsessions lovecraftiennes font ici l’objet d’une analyse en forme d’apologie, dans laquelle Hendrickx nous convainc sans peine quand il définit Lovecraft comme l’un des maîtres de l’antimodernité.

Christopher Gérard

[stextbox id= »info » color= »0000ff »]Didier Hendrickx, H.P. Lovecraft, le dieu silencieux, L’Age d’Homme, collection Revizor, 174 p., 12€[/stextbox]
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