Pour Gwen Garnier-Duguy Danse sur le territoire, premier recueil qu’il publia en 2011, fut comme le porche en poésie. Passage initiatique à une phase plus accomplie d’une écriture déliée et reliée, à la fois plus personnelle et plus universelle.

 

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Roberto Mangù

Gwen Garnier-Duguy publie ses premiers poèmes en 1995 dans la revue issue du surréalisme, Supérieur Inconnu, à laquelle il collabore jusqu’en 2005. En 2003, il participe au colloque consacré au poète Patrice de La Tour du Pin au collège de France, parlant de la poétique de l’absence au cœur de La Quête de Joie. Fasciné par la peinture de Roberto Mangú, il signe un roman sur son œuvre, Nox, aux éditions le Grand Souffle. Son poème Sainteté je marche vers toi a été publié dans L’année poétique 2009, aux éditions Seghers. Participation à l’anthologie consacrée aux droits de l’homme : In Protest, 150 poems for human rights,Institute of english studies/school of Advances Study, University of London.

Depuis lors le poète a retrouvé l’orbe dorée de sa Bretagne bien aimée et, surtout, il a empoigné le monde bien décidé à faire, à temps et contretemps, avec aisance et beauté renouvelées, recours au poème.

recours poème gwen garnier-duguy dans territoireEn effet, avec son compère Matthieu Baumier, Gwen Garnier-Duguy, est l’initiateur en mai 2012 de l’inattendue revue numérique bimensuelle Recours au Poème. Mais, fort de ce succès et loin de s’en contenter, les deux amoureux des mondes poétiques ont mis en orbite en octobre 2014 une maison d’édition, Recours au Poème éditeurs, à la fois poétique et numérique ! Comme si les deux n’étaient pas faits pour s’entendre et plus… s’aimer. Anthologies, rééditions de premiers poèmes, livres de poètes contemporains en mémoire à des poètes qui le sont éternellement… Le programme est vaste comme le monde démultiplié par les vers, libres, antiques, chantants d’autres horizons toujours neufs, toujours indéfinis…

Comment diable cette fine entreprise n’aurait-elle pas eu à cœur de proposer à travers ses publications numériques choyées, enluminées avec soin, la réédition du premier recueil de leur paternel aède ?

Chose due, chose faite. Peu de temps après la parution en format papier de Le Corps du monde (éditions de Corlevour 2014), Danse sur le territoire est à nouveau accessible et aimablement lisible dans la collection Premiers poèmes. Les poèmes courts et sans titres, aux fortes saveurs d’aphorismes, de Danse sur le territoire, se suivent au gréé des pages et finissent par composer la chaîne d’un texte plain, le souffle d’un appel, une ronde dont le rythme de lecture est la cadence caressante.

Le monde est au bord du monde
Il choisira de respirer les sarments de la joie
de s’élever dans la grandeur des orangeraies
de danser dans l’empreinte des oliviers
son projet pour nous porte l’étendard
de toute beauté (p. 14)

La présence du poète, invoquant une aspiration amoureuse universelle, n’écrase jamais la voix de l’autre qu’est la poésie. A avancer, portés par des vers soyeux, illuminés de l’intérieur, on effleure le mystère de cette aspiration transformante, transhumanante aurait dit Dante. Appartenir à un monde enfin véritable, enfin habitable, en paix par le dit du poème. Un monde arraché aux craintes de l’annihilation cordiale par la sédentarisation exclusive aussi bien qu’aux fantasmes liquéfiant de la déterritorialisation…

Tu as le paradis
sur le bout de la langue
l’écorce des jardins délicieux
pour paume de la main
et la nuit qui sarcle ton cœur
y fait planer d’un souffle doux
les eaux ferventes
où tout est oint (p.18)

L’union amoureuse, autant érotique que spirituelle, qui se suggère à travers les vers de Gwen Garnier-Duguy est une de ces histoires particulières qui, par une invocation subtile et non contraignante (nous ne sommes jamais « sommés » de par ses mots) décile l’œil du cœur, lave les regards rageurs, apaise le flux des humeurs apoplectiques, agrandi l’accueil aux dimensions du cosmos, ensemence en cadence un jardin toujours déjà-là mais que masque la sarabande des mots emprisonnés dans leur ensorcellement mensonger.

Après avoir veillé
comme un damné
béat devant la portée de tes rêves
tu as enseveli tes mains
dans la terre
tu as appartenu au monde
et tes pensées ont refleuri (p.23)

Exercice d’exorcisme serein donc que cette lecture chaloupée. Comme le dit si bien Michel Host au terme de sa très pertinente préface :

danse territoire poème gwen garnier-duguy« Je lirai, nous lirons dans cette poésie sereinement enthousiaste, l’aspiration première de l’humain à la vie droite et heureuse, laquelle, est à conquérir chaque nuit, chaque matin, chaque heure et minute. Visons plus haut, plus profond, plus ample. Telle Mélite répondant à Hypérion, allons aux plénitudes : “Puissé-je te la rendre, cette célébration silencieuse, cette sainte paix intérieure dans laquelle même le léger des appels venus des profondeurs de l’esprit, même les plus infimes sollicitations du dehors, du ciel, des branches, des fleurs, nous redeviennent perceptibles – je ne puis exprimer ce que j’ai souvent ressenti devant la divine nature, quand le terrestre en moi faisait silence – et l’Invisible alors si proche de nous… » (p.10)

Gwen Garnier-Duguy, Danse sur le territoire, Recours au Poème éditeurs, 6 €

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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