Google Cardboard est la deuxième version du masque de réalité virtuelle que le Googleplex de Mountain View a lancé en septembre 2015. Google Cardboard va-t-il révolutionner le tourisme par le virtuel ? Depuis votre canapé, flânez sur le parvis de Notre-Dame de Paris, abîmez-vous dans la contemplation de La Chambre à coucher de Van Gogh ou regarder vos vidéos de vacances en 3D. Unidivers a testé le masque pour vous !

Forcément, le tourisme s’adapte. La terra incognita, du moins physique, disparaît, les circumnavigations se généralisent, quitter son continent pour un autre devient chose courante. Ce sont moins les destinations que les modes de voyage qui apportent désormais l’innovation. Écotourisme, couchsurfing, hébergement chez l’habitant, séjour festif : la gamme se décline presque à l’infini, comme le sous-entendait ironiquement Philippe Muray dans son poème « Tombeau pour une touriste innocente » :
On lui avait parlé d’un week-end découverte
Sur l’emplacement même de l’antique Atlantide
On avait évoqué une semaine à Bizerte
Un pique-nique à Beyrouth ou encore en FlorideOn l’avait alléchée avec d’autres projets
Une saison en enfer un été meurtrier
Un voyage en Hollande ou au bout de la nuit
Un séjour de trois heures en pleine Amazonie
Comme le suggère le sociologue Hartmut Rosa, l’accélération technique (des transports ou des communications, par exemple) va de pair avec l’accélération du changement social et du rythme de vie. Face à la vitesse, à chacun sa réaction : retraite intérieure, cosmopolitisme obsessionnel, orientalisme d’un nouveau genre, trip à la mode de Caen ou voyages locaux low-cost. Le stade ultime : le tourisme virtuel ? Lequel réalise le paradoxe d’un voyage sans le déplacement. Ce transport non commun remplacerait-il le visa par la licence poétique, et le mouvement par l’arrêt sur image ? Google, présent sur tous les fronts, s’y intéresse depuis quelques années.
Le géant de Mountain View a lancé en 2014 la première version de Google Cardboard.
La deuxième version a été présentée en mai 2015 à la conférence annuelle Google I/O de San Francisco. Mais l’intérêt de Google pour le tourisme virtuel remonte à loin. Le Google Cultural Institute existe depuis 2011. Le site web compte le Google Art Project : la plateforme regroupe plus d’une centaine de musées à découvrir virtuellement grâce à la technologie de Google Street View, et environ 6 millions de documents disponibles ; des expositions d’archives en partenariat avec des musées ; le World Wonders Project, des sites du patrimoine mondial numérisées. En gros, assistez en solitaire à un enterrement à Ornans, à Orsay, gravissez le mont Mitoku ou visitez le Taj Mahal. Toujours en 2011, Google Flights, un site de réservation de vols en ligne, a fait son apparition. Photo-Sphères est un autre outil décisif pour le tourisme : grâce à un appareil photo sphérique, ou un mode spécifique de votre smartphone, vous pouvez prendre des vues à 360° et les poster directement sur Google Street View. En 2012, la rumeur commence à circuler autour du Project Glass. Le système de réalité augmentée était apparu bien avant, mais l’engouement fut énorme. Les Google Glass avaient donc pour ambition de superposer à notre perception naturelle un modèle en 2D ou 3D. En janvier 2015, le projet est suspendu : Facebook avec Oculus Rift et Microsoft avec les Hololens restent cependant dans la course.

Mais pourquoi le résultat est-il décevant ? Outre le fait que tout le monde ne possède pas un smartphone ou une version suffisamment récente, on peut dire que les appareils sont quasiment incompatibles en termes de qualité de l’image. De même, le casque ne permet pas une immersion totale : il faut le tenir, la lumière filtre, il n’est pas modulable. Gardons à l’esprit que certaines innovations sont des passerelles, comme la disquette, et d’autres des flops : pensons à la cravate portefeuille ou encore au Bi-Bop, ce téléphone portable français qui, dans les années 90, fut un échec commercial (on ne pouvait appeler ou recevoir des appels qu’à proximité d’une borne). Google Cardboard restera très certainement une étape vers une réalité virtuelle plus performante.

Côté pédagogie, du neuf aussi. Expeditions Pioneer Program, de Google, se met à la disposition de l’éducation. « Imaginez-vous visiter le fond de la mer ou la surface de Mars un après-midi. Avec Expeditions, les enseignants pourront conduire leur classe dans des voyages en immersion virtuelle pour leur apporter des leçons à propos de la vie » nous apprend le site sur sa première page. La réalité virtuelle, donc, s’inviterait donc à l’école.
Attendons encore un peu les grandes découvertes ! Des kits de développement spécifique existent déjà. Les vidéastes peuvent tester Jump, un support de 16 caméras assemblées pour une vidéo RV stéréoscopique. En attendant que se finalisent et se démocratisent les casques de réalité augmentée, par lesquelles, comme Baudelaire le disait, « les parfums, les couleurs et les sons se répondent »…
