Garcimore est né un 16 novembre en Espagne et nous a bien faire rire

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garcimore magicien

Garcimore, pour toute une génération d’enfants nés dans les années 70, ce n’est pas seulement un nom. C’est un accent roulé, un costume rouge un peu trop vif, un rire qui part en cascade, et cette phrase qui déclenche encore des sourires : « Décontrasté… » Avant même de comprendre la différence entre un vrai tour et un trucage, on savait une chose : quand Garcimore apparaissait à la télé, la soirée devenait tout de suite plus joyeuse.

Derrière ce personnage un peu lunaire se cachait José García Moreno, né le 16 novembre 1940 à Elche de la Sierra, en Castille-La Manche. Musicien très sérieux, formé au Conservatoire de Madrid, premier prix et chef d’orchestre, il maîtrisait les cuivres bien mieux que la baguette magique. Mais c’est la magie, mêlée à l’humour, qui l’a fait entrer dans les salons français.

Arrivé en France à la fin des années 60, il traîne ses valises d’orchestre en cabaret, à Tours, à Marseille, à Palavas-les-Flots, avant de percer à Paris. Au milieu des années 70, il trouve enfin sa place sur le petit écran, notamment dans « TV Music Hall », puis surtout dans les émissions familiales de TF1. Dans un paysage télévisuel où trois chaînes règnent sans partage, être du samedi après-midi ou du mercredi, c’est être de la famille.

Ce qui fait la singularité de Garcimore, c’est ce mélange très particulier de virtuosité et de maladresse organisée. Tout est préparé, bien sûr, mais il donne l’impression de se tromper tout le temps : le lapin qui refuse de sortir du chapeau, les cartes qui s’éparpillent, le foulard qui disparaît trop tôt, les « petites souris » Tac et Tactac qui n’en font qu’à leur tête. À la fin, le tour fonctionne – ou pas – mais le public est déjà conquis, parce que l’essentiel est ailleurs : dans son regard surpris, dans son rire qui déborde et dans cette fragilité réjouissante.

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Pour les enfants des années 70 et 80, habitués à des adultes sérieux qui « savent faire », Garcimore représente une autre figure de l’adulte : celui qui a le droit de se tromper, de bafouiller, de dire « Y m’énerve ! », de laisser échapper un fou rire en plateau. On ne riait pas seulement de lui, on riait avec lui, dans un grand complot de complicité.

Son accent espagnol – largement surjoué, alors qu’il parlait parfaitement français – est une part essentielle de son personnage. Il roule les « r », avale certaines syllabes, transforme les « ch » en « chhh », allonge les voyelles. Pour beaucoup de téléspectateurs, c’était le premier contact avec un accent étranger qui n’était ni caricature méchante ni cliché exotique, mais une musique familière, rassurante.

À travers cet accent, Garcimore racontait aussi une autre histoire : celle de l’immigration, du musicien espagnol devenu vedette en France, du magicien de cabaret passé star de plateau. Sans discours, sans drapeau, il montrait qu’on peut venir d’ailleurs, trébucher sur les mots, et devenir pourtant un visage incontournable de la culture populaire.

Sa grande époque, ce sont les émissions comme « Samedi est à vous », aux côtés de Denise Fabre et Bernard Golay. Les adultes regardent d’un œil, les enfants se plantent devant l’écran : les souris, la casquette, les colombes, les formules (« Des fois ça marche, des fois ça marche pas ») entrent dans le langage des cours de récréation. On imite son rire, on s’essaie aux tours de cartes achetés au supermarché, on découpe ses photos dans les magazines télé.

Il y a aussi la publicité Quick et son fameux « Hi hi, 10 francs le hamburger… », petite phrase qui fait le tour des foyers. Mais ce qui reste vraiment, ce n’est ni la marque ni le slogan : c’est la sensation que Garcimore est partout, qu’il appartient à ces visages qui rythment les semaines autant que les rentrées scolaires.

Comme beaucoup de figures populaires de cette époque, Garcimore connaît un déclin discret à partir de la fin des années 80. La télévision change de ton, les programmes se durcissent, les formats se renouvellent. Lui continue à se produire en tournée, dans les galas, au Caveau de la République, dans des fêtes de ville et des soirées privées. Ce ne sont plus les grandes audiences nationales, mais il reste, pour ceux qui viennent le voir, le même magicien tendre et un peu décalé.

Il écrit une autobiographie, « Le Magicien assassiné », qu’il dédie à ses deux fils, Florent et Rodolphe. Comme beaucoup d’artistes populaires, il doit, dans ses dernières années, compter sur la solidarité d’associations qui viennent en aide aux anciens du spectacle. Sa dernière apparition télévisée, dans « Le Plus Grand Cabaret du monde » de Patrick Sébastien, sera diffusée après sa mort.

Le 18 avril 2000, Garcimore meurt d’un accident vasculaire cérébral dans sa maison du Gué-de-Longroi, près de Chartres, à 59 ans. Il est inhumé au cimetière de cette même commune d’Eure-et-Loir, dans une tombe simple, presque modeste, que quelques fans visitent encore. Pas de grande statue, pas de mausolée : une sépulture à son image, sans prétention, mais où l’on vient déposer des petites preuves de souvenir.

Et pourtant, vingt-cinq ans après, son nom suffit à rallumer des impressions très précises chez celles et ceux qui ont grandi avec lui : le son d’un rire, un « Tac Tac-Tac », une souris qui s’échappe, une baguette qui ne veut pas obéir, la joie de voir un adulte perdre le contrôle pour notre plus grand bonheur.

En ce dimanche 16 novembre 2025, Garcimore aurait eu 85 ans. On peut se surprendre à l’imaginer vieil illusionniste, racontant ses souvenirs dans les festivals de magie, apparaissant le temps d’une séquence hommage sur un plateau. On l’imagine toujours en mouvement, jamais vraiment « décontrasté », prêt à transformer une erreur en gag, un échec en étincelle.

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Pour la génération née dans les années 70, Garcimore n’est pas seulement un souvenir télé. Il est un morceau de l’enfance, un bruit de fond rassurant dans les salons du samedi, une façon de dire que la poésie peut se cacher dans un mauvais tour de magie, que l’on peut échouer avec panache, que le rire, parfois, vaut mieux que la réussite parfaite.

Il suffit d’entendre quelqu’un lancer un « Des fois ça marche, des fois ça marche pas », ou de voir un magicien faire semblant de rater son tour, pour comprendre que, quelque part entre un lapin récalcitrant et une souris fugueuse, Garcimore est encore là.