On croit trop souvent que le Soufisme est un ordre mystique exclusivement musulman. En fait, ses racines pré-islamiques sont issues du magisme iranien. On les retrouvera chez Sorawhardi, par exemple, ou dans une école initiatique hindoue telle que l’Ordre Chishti à laquelle appartenait Pir Vilayat Inatyat Khan (1916-2004) dont parle avec tendresse Olivier Majriti dans un livre de témoignage fervent. Le lien subtil et profond entre aîné spirituel et cadet trouve ici toute sa dimension simple et merveilleuse hors des propos convenus. C’est qu’en vérité le Soufisme se situe dans une zone spirituelle au-delà et au coeur de toute religiosité, face à l’universalité de l’Unique.

Les notes de Majriti prises lors de retraites ou de rencontres plus intimes viennent éclairer la pensée active de Pir Vilayat, toute tournée vers le divin. Les personnalités les plus importantes de notre temps ont reconnu en lui un haut gardien du Trésor caché : le Dalaï Lama, Karl Graf Dürckheim, André Chouraqui, Michel de Certeau, Taisen Deshimaru, Olivier Clément, Stéphane Lupasco. Celui qui ne se voulait pas un « gourou » affirmait que les formes institutionnelles appartenaient au passé et que « l’avenir de la spiritualité résidait dans l’équilibre et l’harmonie entre la connaissance et l’expérience, la vie intérieure et la vie quotidienne ». « Il faut expérimenter le spirituel. » « C’est ainsi que l’on ne peut s’éveiller dans la vie si on n’éveille pas en soi un au-delà de la vie. »

Cette quête de l’éveil par l’amour, Pir Vilayat l’a recherchée dans la musique (amour du Kyrie de la Messe en si de Bach), dans la Royal Navy ( il participe au D Day à Arromanches), dans des retraites (à Montserrat, au Sinaï, au mont Athos, des jours entiers sous l’arbre du Bouddha à Bodgaya). Trois rencontres l’ont particulièrement marqué : « Le rishi des cavernes himalayennes, l’hindou se déclarant de la religion universelle, et surtout mon père, même si sa voie ne fut pas exactement la mienne. » Pourtant, en 1957, il reprend l’Ordre soufi fondé par son père à Londres en 1917 : la lignée des Pirs soufis de l’Ordre Chishti d’Ajmer, le plus connu en Inde. Dès lors il va partager son temps entre les États-Unis et l’Europe, plus particulièrement la France (les Alpes où il organise des randonnées spirituelles, Suresnes où Majriti le rencontrera et, sept ans plus tard, l’accompagnera au seuil du grand départ).

Quelques citations de Pir Vilayat, « l’ami spirituel », ponctuent ce livre émouvant et essentiel :

Avoir la nostalgie du sublime ».
« Chercher dans le ciel : en soi ! »
« Le monde est un jeu de signes qui nous révèle une réalité merveilleuse ».
Entrons dans le silence et la solitude, entrons dans le monde transfiguré ».
« Le secret est que nous sommes immortels ».
« Nous sommes une condition de Dieu comme la vague est une condition de la mer ».
« Quitter son identité pour rejoindre son effigie céleste
 ».

 

Frédérick Tristan

 

Rencontre avec un Maître Soufi. Pir Vilayat Inayat Khan, l’Ami spirituel d’Olivier Majriti. 132 pages. 10 Euros. Éditions Lanore.

 

 

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