À l’issue du concert de François-René Duchâble en date du jeudi 16 octobre, présenté par l’OSB dans les locaux du Théâtre National de Bretagne, Marc Feldman, administrateur général de ladite formation, remarquait que le public rennais connaissait un début de saison musicale particulièrement riche. De fait, on se demande s’il n’existe pas entre lui et Alain Surans, directeur de l’opéra, une saine émulation dont les amateurs de grande musique sont les premiers bénéficiaires…

 

Il suffit de regarder le passé immédiat : entre Anne Gastinel, Myrtò Papatanasiu, la Création de Haydn, et dans quelques jours la venue de Patricia Petibon, les Rennais auraient mauvaise grâce de se plaindre.

C’est par une œuvre de Philippe Hersant, compositeur contemporain né en 1948 à Rome, que commence le concert devant une salle comble.

Huit fantaisies sur le nom de Sacher. Autrement dit, des compositions fondées sur 6 notes correspondant aux lettres du nom de Sacher dans la notation Germanique : S (si bémol)-A (la)-C (do) –H (si) – E (mi) – R (ré). Le principe n’est pas complètement nouveau et la plupart des organistes connaissent cet exercice qui consiste à improviser en utilisant le même principe. Jean- Sébastien Bach fut probablement de tous le plus virtuose dans cet exercice.

Il s’agit d’une œuvre pour ensemble à corde composée de 8 pièces distinctes dont la sonorité ne relève plus tout à fait de la musique dite « classique », mais aborde aux rivages de celle que l’on qualifie de contemporaine. Pour se faire une idée exacte, il n’est pas interdit d’évoquer des ambiances proches de celles de Dimitri Chostakovitch ou d’Igor Stravinski.

C’est un exercice facile pour l’OSB qui, par chance, est doté d’un ensemble à cordes de très bonne qualité. Pascal Cocheril donne avec autorité le ton au pupitre des violons, Cyrile Robert, de son alto entame avec l’orchestre un conciliabule narquois et un brin sarcastique.C’est dans la septième fantaisie que Olivier Lacour démontre que le violoncelle n’est pas un instrument voué aux notes graves qui servent de fond, mais au contraire que sa belle sonorité ronde et pleine en fait un protagoniste de premier plan.

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C’est un événement majeur que la venue de François-René Duchable à Rennes. Dans ce qu’il qualifie lui-même de son « ancienne carrière », il n’y était venu qu’une fois et le public ayant répondu au rendez-vous de Marc Feldman ne va pas être déçu.

C’est par une œuvre de Frédéric Chopin, le concerto pour piano et orchestre n°1 opus 11 qu’il entame les hostilités. La main est sûre, l’expérience parle d’elle-même. C’est sur un beau piano Steinway and son qu’il exécute les premier et troisième mouvements de l’œuvre citée, intercalant un mouvement du second concerto, mettant en évidence la similarité « d’ambiance » entre les deux œuvres. Il faut bien le reconnaître, c’est une opinion tout à fait exacte, et la petite audace duchablienne passe comme une lettre à la poste plutôt que pour un crime de lèse-majesté.

L’orchestre de Bretagne apporte au pianiste un soutien sans faille et Darell Hang, que nous retrouvons avec un plaisir non dissimulé, mène son ensemble avec autorité.
Tous s’accordent à le dire, l’OSB joue de mieux en mieux.

C’est avec le concerto pour piano et orchestre en La mineur OP. 54 de Robert Schumann que la soirée va prendre une dimension authentiquement romantique. Il y a dans cette œuvre une puissante et haletante respiration, une sorte de frénésie qui nous fait vaciller. Il n’est pas possible d’en sortir indemne et l’esprit emporté par cette musique passionnée s’égare dans de douloureuses rêveries. Comment s’en étonner si l’on considère les problèmes « psychologiques » dont souffrait Schumann ? Les passages violents auxquels succèdent des périodes d’une délicatesse inégalée mettent en évidence le trouble de son esprit. Le doute qui le déchire en permanence crée ce flux et ce reflux qui entraîne, bouscule et émerveille.

Le tonnerre d’applaudissements qui signe un nouveau succès pour l’OSB et son invité l’oblige bien entendu à un bis qu’il exécutera avec grâce, avec la pièce intitulée Warum  (pourquoi ) tirée des fantasiestucks de Brahms.

Où passerez-vous votre soirée de vendredi 17 octobre 2014 ? Au TNB ! Pour profiter d’une nouvelle prestation d’un des pianistes des plus atypiques du paysage musical français. François René Duchable mérite vraiment l’attention du public.

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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