Ce mardi, François Hollande s’est prêté à un exercice singulier : débattre à Sciences Po Paris autour du film Les Tuche 3, comédie populaire dans laquelle Jeff Tuche, patriarche fantasque d’une famille franchouillarde, accède à la présidence de la République. Une intervention à la fois décalée et profondément politique, dans laquelle l’ancien chef de l’État a confronté le burlesque de la fiction à la complexité de la fonction présidentielle.
Une invitation sérieuse sur un ton léger
« C’est Sciences Po qui faisait une projection des Tuche et qui m’a demandé de donner une autre vision de la présidence de la République que dans le film », a expliqué François Hollande lundi soir sur le plateau de Quotidien. Le ton est léger, l’humour présent — comme souvent chez l’ancien président — mais la démarche n’est pas anodine. En participant à cette rencontre, Hollande entend montrer aux étudiants que même la caricature peut nourrir une réflexion démocratique.
« Il y a toujours des éléments de réalité dans la fiction », a-t-il rappelé. Et c’est bien ce va-et-vient entre représentation populaire et incarnation politique que cette intervention inédite a permis d’explorer.
Jeff Tuche, miroir grotesque de l’imaginaire républicain
Sorti en 2018, Les Tuche 3 propulse son personnage principal à la tête de l’État après une promesse électorale absurde : rétablir une ligne de TGV dans son village. L’intrigue repose sur l’incompétence assumée du personnage, sa gouaille et sa bonhomie — qualités qui, dans l’univers du film, finissent par séduire les Français.
Mais derrière l’humour, le film pose une question lancinante : que reste-t-il de l’autorité présidentielle dans une démocratie de plus en plus horizontale, saturée de communication et d’émotions ? Jeff Tuche incarne le rejet des élites, la revanche du « bon sens populaire » sur la technocratie. Un thème bien réel dans la vie politique contemporaine.
Hollande, une réponse par la complexité
En réponse cette caricature, François Hollande a choisi de répondre avec pédagogie. Il ne s’est pas contenté de dénoncer une vision fantaisiste de la fonction ; il en a profité pour rappeler les exigences, les contraintes, mais aussi les doutes qui accompagnent l’exercice du pouvoir.
Ancien président souvent moqué pour son style jugé « normal », sans doute le plus tuche compatible de tous les présidents qui se sont succédé, Hollande se retrouve bien placé pour discuter de la frontière entre l’image et la réalité. En dialoguant avec Jeff Tuche, il s’adresse aussi à une époque où le spectacle concurrence le politique, où le rire devient un langage civique, et où les figures d’autorité doivent composer avec la culture populaire.
Une leçon d’éducation politique
L’initiative de Sciences Po n’a rien d’anecdotique. Elle illustre une tendance croissante dans l’enseignement supérieur : utiliser les objets culturels populaires comme leviers pédagogiques. Derrière l’humour potache du film, les étudiants ont pu interroger le rapport des Français à leurs institutions, la crise de légitimité des élites, ou encore la place de l’émotion dans les scrutins.
En confrontant Les Tuche 3 à la réalité institutionnelle de la Ve République, François Hollande a rappelé que la politique, même quand elle semble dévoyée par la fiction, peut et doit faire l’objet d’un débat raisonné.
Quand la démocratie passe aussi par la comédie
Le succès de cette rencontre, à la fois drôle et sérieuse, dit peut-être quelque chose d’essentiel : pour parler de politique aujourd’hui, il faut accepter de sortir des cadres, de rencontrer l’imaginaire collectif là où il se trouve — y compris au cinéma, dans la caricature, ou dans les maladresses d’un Jeff Tuche. Car c’est là, aussi, que se forment les opinions, les attentes, et les désillusions.
Et si le rire n’est pas une solution, il peut être, comme l’a montré François Hollande à Sciences Po, un point de départ pour mieux comprendre la gravité du réel.