Jusqu’au 8 mai 2015 le Praticable met à l’honneur l’artiste français Francis Raynaud dans une exposition personnelle : « Clinamen ». Originale manière d’entrer dans le monde de la sculpture contemporaine…

 

Les trois salles du lieu d’exposition Le Praticable de Rennes sont envahies d’une manière tant… visuelle qu’olfactive ! Chacune donne un bon aperçu de l’oeuvre de Francis Raynaud, en particulier son travail de sculpture sans forme. Il est influencé par sa première passion : la cuisine.

Cuisinier de formation, Francis Raynaud maîtrisait de nombreuses recettes quand il a débuté la sculpture. Dès son premier workshop, il utilise des préparations culinaires. Aujourd’hui, par un mélange de bâti et de cuisine, le spectre gustatif informe sans cesse ses œuvres. De fait, l’exposition Clinamen semble le résultat de concoctions étranges et audacieuses…

éponge clinamen francis raynaud

En pratique, chaque exposition de Francis Raynaud est conçue comme une installation globale. Le visiteur ne sera pas surpris de ne trouver aucun cartel ou renseignement à porter de main. L’artiste ne donne aucun titre précis à ses œuvres ; à sa manière, il unifie l’ensemble pour qu’il ne reste qu’un tout.

Attiré par les formes factices et minérales – à l’image de l’éponge naturelle de la première salle dont la consistance interroge immédiatement le visiteur, – Francis Raynaud confie être séduit par le processus d’absorption (dans tous les sens possibles). Il aime les matériaux qui suintent et transpirent un résultat organique.

Toutefois, deux éléments sont récurrents dans son œuvre. Premièrement, le beurre. Il l’utilise sous plusieurs formes et travaille comme du plâtre ou de l’argile. Dans une précédente exposition, il donnait à voir un bassin noir préformé rempli de beurre liquide ; un mécanisme devait activer l’oeuvre et un motif apparaître. Il n’en fut rien. Un échec que Francis Raynaud assume, comme tous ceux qui se présenteront à lui par la suite.

Francis RaynaudAu Praticable, le visiteur peut découvrir un pied moulé en beurre (légèrement re-fondu pour l’occasion) qui repose sur un socle dit « socle-cubi ». Le second matériau essentiel de son œuvre apparaît dès lors subtilement : le vin. Dès l’entrée de Clinamen, une sculpture de vin et de plâtre accueille le spectateur. Mais le plus surprenant reste à venir. Dans la salle du sous-sol, une surprise olfactive en surprendra plus d’un.

Une sculpture faite sur place, pour cette exposition Clinamen au Praticable, est en train de… sécher. Une composition de plâtre et de vin est en plein processus de sèche. Une odeur forte se dégage : mélange de vin, de plâtre et d’humidité. Désarmant. Au fil de la déambulation dans l’exposition, la forme de la sculpture se modifie, la matière suinte, l’odeur s’amenuise. Voilà le procédé auquel s’attache Francis Raynaud : l’idée prime sur le résultat. Et l’odeur joue un rôle central : les bonnes odeurs se transforment en mauvaises ou s’effacent avec le temps…

« Le socle fait toujours partie de la pièce »

francis-raynaud-exposition-clinamen-praticableLe socle est une question essentielle du travail de Francis Raynaud. Il est pensé avec la sculpture ou inversement, mais sans dissociation. Chaque œuvre a son socle propre. Toutefois, le socle-cubi fait référence. En principe, le mécanisme fait que du vin en sort ; hélas, ce n’est pas ici le cas. À part quelques coulées ou traces le long de certains socles.

francis-raynaud-exposition-clinamen-praticableAlors que tout n’est que sculpture dans les trois salles, une photographie en couleur sur bâche(1), une sérigraphie en noir et blanc, et une vidéo placée au sous-sol, sortent du lot. Cette dernière semble anecdotique et montre une petite fille qui, lors du démontage d’une exposition à la Galerie 38, a commencé d’elle-même à démonter une œuvre. Francis Raynaud l’a aperçu et s’est mis à la filmer. Après avoir déclaré, lors de la conférence qui s’est tenue aux Beaux-Arts de Rennes le 31 mars 2015, entretenir une relation étrange avec ses œuvres, car il ne les conservent pas toutes, peut-être est-ce là une manière d’aborder la question de la pérennité de son travail après chaque exposition.

francis-raynaud-exposition-clinamen-praticableLa sérigraphie est, quant à elle, présente à travers une série de 12 exemplaires. Au premier abord, ce n’est qu’un amas abstrait qui questionne le visiteur. Qu’est-ce ? Le cliché d’une sculpture d’une sainte assassinée, la tête coupée. Cela étant, ce n’est qu’un fragment. Pour ce travail, Françis Raynaud a travaillé sur le logiciel Photoshop en mode aléatoire. Le résultat est à l’image de son œuvre. Instinctif. Les matériaux utilisés s’opposent et se répondent de manière invisible. Dans une œuvre, la légèreté et la souplesse d’un matelas s’associent à une tresse de cheveux synthétiques accrochée au plafond et s’opposent à la rigidité et à la lourdeur de boules de terre enrobées de talc.

Étrangement et avec prudence, le visiteur est invité à assister à une expérience visuelle et olfactive. En question : la nature des matériaux, la raison de tel ou tel emploi, la particularité de cette odeur…

Francis Raynaud Clinamen, exposition jusqu’au 8 mai 2015. Le Praticable, 2 rue des Portes Mordelaises, Rennes, du mercredi au vendredi de 14h à 18h, le samedi de 13h à 17h

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