Vendredi noir pour France Soir…Le magnat russe Alexandre Poutgatchev décide de passer son journal sur le net. Signe des temps sans doute…versons tous une petite larme de regret et de nostalgie pour sa disparition.

 

Quotidien d’un autre siècle, France Soir a bercé l’enfance des Français et des Françaises. Il noircissait nos mains et égayait le café du matin. Barré d’un grand titre en noir, il traitait bien souvent le côté le plus sombre de notre société. Parfois, il était un brin racoleur. Mais quel talent dans ses plumes ! C’était l’époque où les journalistes devenaient écrivains, et la tournure d’esprit et de phrases était toujours juste.

Les articles étaient évidemment longs, très longs et cassaient les pieds des secrétaires de rédaction qui devaient les mettre en page. Mais c’était le temps où l’on aimait écrire et lire. C’était l’histoire d’une presse où Joseph Kessel, Boudard et Labro côtoyaient Jean-Paul Sartre et le talentueux Simenon. A France Soir, on ne se refusait rien, surtout pas le talent.

Au contraire de nos quotidiens d’aujourd’hui formatés et inféodés à des intérêts particuliers, dans leurs « papiers » et dans leur esprit, l’aventure était au coin des pages. Car au siège de ce canard, on était dans le monde du réel et non dans les allées des cénacles politiques et des entreprises du Cac 40 où les chefs sont trop lisses et les dérapages sanctionnés à coups de règle. A France soir, on n’oubliait jamais de se marrer, de boire un coup, de s’engueuler et de réfléchir un tant soit-peu.

Loin du monde de la presse d’aujourd’hui, le journaliste à la papa était celui de Pierrot Lazareff, un patron de presse formé à la dure. Le petit cancre avait en effet fait ses classes dans la rue et non sur les bancs de sciences-po. « Dès la communale, au pied de la butte Montmartre, ses copains étaient Ray Ventura, Jean Gabin ou encore Marcel Bleustein-Blanchet, » se souvient Yves Courrière dans une biographie consacrée au grand patron de France soir.

En salopette de service, Pierre Lazareff arpentait le Tout-Paris pour dénicher des infos et écrire des papiers de dix lignes à peine. Mais dans son regard, le vagabond de l’actualité respectait déjà les  principes du journalisme : voir, savoir, savoir-faire et faire-savoir. Pierre Lazareff était un travailleur infatigable, un petit homme d’énergie et de savoir. « Jeunes hommes, n’oubliez jamais que les gens sérieux ne sont jamais graves et les gens graves jamais sérieux, » aimait-il dire à ses jeunes journalistes. Il leur répétait également : « le premier devoir d’un journaliste est d’être lu. » A la tête de son journal, ses successeurs ont oublié le mot d’ordre…formatés sans doute par les règles de la rentabilité, de la vassalité et de la peur de dire les choses.

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