Le Triangle Cité de la danse de Rennes convie le public à découvrir Näss [les gens, en langue arabe] de la compagnie Massala. Un melting pot chorégraphique énergique et envoûtant de danses contemporaines et traditionnelles africaines est attendu vendredi 6 et samedi 7 décembre 2019. Entretien avec Fouad Boussouf, à la tête de la compagnie Massala depuis 2010.

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Fouad Boussouf, chorégraphe et directeur artistique de la compagnie Massala depuis 2010.

Unidivers – Après Transe en 2013, Näss est le deuxième volet d’une trilogie sur le monde arabe. De quelle manière avez-vous commencé à questionner l’identité et les racines à travers le médium danse ?

Fouad Boussouf – J’avais du mal à verbaliser et mettre au plateau mes sources d’inspiration au début de ma carrière de chorégraphe. Je suis longtemps resté dans les codes académiques de danse hip hop et contemporaine. Cependant, mon corps m’a peu à peu rappelé à mon autre culture ainsi qu’à des références musicales et rythmiques autres. Mes parents habitent en France, mais la majorité de ma famille vit encore au Maroc. Ces souvenirs d’enfance m’ont guidé naturellement vers une mixité chorégraphique entre danses traditionnelles africaines et danses contemporaines.

Cette trilogie trouve son origine dans ces souvenirs et un peu dans la nostalgie, aussi. En 2013, Transe abordait cet état de transe et de corps que j’affectionne particulièrement, Näss se concentre sur les mouvements d’Afrique du Nord et sub-saharienne, et Oüm – la première aura lieu en février 2020 – emmènera le public sur le continent égyptien, en référence à la diva Oum Kalsoum.

Unidivers – Les danses sont multiples dans Näss : danses populaires, danses nord-africaines, transes gnaoua, hop hop, danses urbaines, danses contemporaines, jazz, cirque actuel, etc. Comment reliez-vous danses traditionnelles et danses contemporaines ?

Fouad Boussouf – Deux voyages ont accompagné cette création. D’abord, nous avons organisé des masterclass avec des professeurs de danses traditionnelles et folkloriques pour une immersion dans les danses traditionnelles en France. Ensuite, l’équipe — composée de sept danseurs hip hop aux spécialités précises comme la house dance, le top-rock, le break, etc. — s’est envolée pour le Maroc afin d’être totalement immergée dans la culture gnaoua où se mêlent danse, chant, musique et rythmes particuliers.

Les connexions se sont faites naturellement car elles sont universelles et remontent à des temps immémoriaux. Aucun effort n’a été nécessaire afin de justifier les liens. Ils étaient évidents.

UnidiversNäss est une véritable transe hypnotique, un mise à jour de l’acte ancestral. Elle semble également questionner le faire et l’être ensemble.

Fouad Boussouf – Être ensemble est une évidence notamment à une époque où un individualisme croissant sévit dans la société occidentale. À chaque fois que je voyage en Afrique et au Moyen-Orient, je me rend compte de la solidité des clans familiaux de ces pays. Ces cellules renforcent l’individu face au reste du monde et à l’inconnu. Ce constat me rappelle mon enfance au Maroc où l’on habitait tous ensemble, avec mes oncles et mes tantes.

Retrouvez l’essence même de la danse tribale nous ramène naturellement à une époque primaire, au sens noble du terme. Un période ancienne où les hommes étaient des êtres sociaux qui évoluaient ensemble.

En tant que chorégraphe, j’avais besoin de retrouver ce sentiment de collectivité, également cher à la culture hip hop.

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© Charlotte Audureau

Unidivers – De quelle manière le groupe marocain des années 70 Nass el Ghiwane a t-il inspiré la conception de Näss ?

Fouad Boussouf – Les références textuelles m’accompagnent dans chacune de mes créations et le titre de Näss — les gens, en arabe — est une référence directe au groupe. À l’image des poèmes de Mahmoud Darwich dans la conception de Transe, la poésie de Nass el Ghiwane m’a beaucoup inspiré car cette musique évoque l’enfance de mes parents et la mienne. Je ne comprenais pas les paroles quand j’étais jeune car elles sont écrites en arabe classique et dans un dialecte particulier. Une fois traduites, elles m’ont rappelé les textes du rap américain à la même période. Une forme de textes engagés, quelques fois enragés, mais toujours poétiques et forts.

Nass el Ghiwane a inspiré un bon nombre de chanteurs et a permis à la musique du monde gnaoua d’être connue aujourd’hui en France et Occident.

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© Charlotte Audureau

Unidivers – De quelle manière les musicalités de ce groupe ont servi à la bande sonore de Näss ?

Fouad Boussouf – Réaliser une bande son à propos et efficace au plateau faisait parti du challenge. Roman Bestion a réalisé un super travail de recherches sur les rythmes berbères, un de ses domaines de prédilections. Deux chansons de Nass el Ghiwane sont présentes dans le spectacle, mais la plupart des nappes sonores ont été enregistrées lors de mes différents voyages. Roman a intégré à ses recherches ces ambiances récupérées de-ci de-là dans le bassin méditerranéen : Maroc, Égypte, Turquie et Tunisie. Nous avons travaillé en étroite collaboration pendant des mois en testant plusieurs compositions avec les danseurs.

Outre une immersion totale dans la thématique, l’ambiance sonore questionne la place de la musique dans un spectacle de danse. Comment laisser la danse s’exprimer sans être étouffé par la musique ?!

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© Charlotte Audureau

Unidivers – Le spectacle est marqué par une scénographie discrète, quasi invisible, pourquoi avoir fait ce choix ?

Fouad Boussouf – Cette scénographie place le danseur et l’humain au premier plan. Le travail de la scénographe Camille Vallat (également en charge des costumes) laisse la place nécessaire aux danseurs. Le groupe prend possession du plateau et embarque le public dans son univers. La scénographie complète le tableau afin de renforcer cette communion sur scène. L’un ne va pas sans l’autre. Si elle n’existait pas ou était trop présente, le spectacle serait différent. Ce choix est un savant équilibre trouvé avec la scénographe et les danseurs.

La grande toile peinte en fond de scène habille le plateau et est en même temps inexistante. Ce choix questionne le rôle de la scénographie et renforce le propos.

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© Charlotte Audureau

Unidivers – La chorégraphie, la musique et la scénographie travaillent ensemble et semble véhiculer le même message que les danseurs au final.

Fouad Boussouf – Selon moi, le chorégraphe, celui qui écrit le mouvement, est également un chef d’orchestre qui fédère autour d’une ligne directrice artistique afin d’atteindre un équilibre et une cohérence dans l’histoire à raconter.

La conception d’un spectacle ne donne aucune garantie, mais chaque étape du processus créatif de Näss s’est emboîtée avec fluidité et logique. Ce travail collectif donne vie à une pièce qui touche un large public car l’énergie des interprètes est palpable. C’est une pièce entraînante et envoûtante où les danseurs communient sur scène et avec le public.

Unidivers – Je vous remercie Fouad Boussouf.

Näss de la compagnie Massala – Le Triangle, Cité de la danse
Vendredi 6 décembre – 20 h / Samedi 7 décembre – 18 h (durée : 55 min.)

Interprètes : Elias Ardoin, Sami Blond, Mathieu Bord, Loïc Elice, Justin Gouin, Nicolas Grosclaude, Teddy Verardo / chorégraphie Fouad Boussouf / assistant chorégraphie : Bruno Domingues Torres / lumière : Fabrice Sarcy / costumes et scénographie : Camille Vallat / son et arrangements : Roman Bestion / photos : Charlotte Audureau / vidéo Floriane Pinard / régie : Romain Perrillat-Collomb / chargée de développement et de diffusion : Petya Hristova / tour manager : Mathieu Morelle

Production : Compagnie Massala
Coproductions : Théâtre Jean Vilar – Vitrysur- Seine / Le Prisme – Élancourt / Institut du Monde Arabe – Tourcoing / Fontenay-en-Scènes – Fontenay-sous-bois / Théâtre des Bergeries – Noisy-le-Sec / La Briqueterie – CDC du Val-de-Marne / Le FLOW – Pôle Culture Ville de Lille / ADAMI / Institut Français de Marrakech/ Résidences : La Briqueterie – CDC du Val-de- Marne / POC – Alfortville / Centre National de la Danse – Pantin / Le FLOW – Pôle Culture Ville de Lille / Studios Diptyk – St-Etienne / Cirque Shems’y – Salé, Maroc
Soutien financier : Conseil départemental du Val-de-Marne / Région Ile-de-France / ARCADI

TARIFS
19€ plein
15€ réduit
11€ – 12 ans
4€ SORTIR !
11€ ADMIT VIP

PASS Triangle :
15€ Plein
11€ Réduit – 12 ans

— –
sam 07 déc 18:00
Baby sitting
sur réservation à l’accueil
gratuit

AUTOUR DE
MER. 4 DÉC.
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