Comme attendu, vendredi 31 janvier a vu la première de Fortunio à Rennes. Agréable opéra d’André Messager que l’on connaît également comme auteur de Véronique (1898), La basoche (1890), la Fauvette du Temple (1885), les petites Michu (1897), etc. Cette partition s’inscrit sans conteste dans ce qu’il convient d’appeler de la « musique légère ». N’en tirons pour autant aucune rapide conclusion…

Il est juste, comme le fait Alain Surrans dans son préambule, de rappeler les mots de Messager à propos de ce genre de composition : « Lorsqu’un compositeur se décide à tenter la chance d’une œuvre de musique légère, ça ne peut être sans en avoir pesé tous les risques et mesuré toutes les difficultés.C’est en tout cas une preuve qu’il considère qu’il n’y a pas d’art mineur, que les œuvres dites sérieuses ne sont pas toujours les mieux pensées, les mieux écrites et les plus dignes d’admiration et que le talent ne se mesure pas au poids ».

Fortunio est une œuvre à deux niveaux de lecture. Au premier degré, cet opéra invite à découvrir les scènes d’une ville de province, avec tous les stéréotypes habituels, comme la présence des notables un peu ridicules et raillés, les algarades qui émaillent les parties de pétanques, les femmes confinées dans une routine domestique, mais qui rêvent… Mais il n’empêche pas un second degré : une véritable profondeur dans la psychologie des personnages et la complexité de leurs relations, toujours dictées par la pression sociale et la peur du regard de l’autre.

Le fond et la forme se répondent exactement, car si Fortunio est effectivement une œuvre « légère », elle n’en est pas moins servie par une musique élégante et raffinée. On y entend quelquefois des réminiscences de musiciens de l’époque comme Camille Saint-Saens ou Claude Debussy.

Le terme de printanier est sans doute ce qui illustre le mieux l’ambiance du premier acte où la mise en scène très colorée de Emmanuelle Cordoliani crée un écrin en adéquation avec l’esprit de l’œuvre. Si l’on osait un reproche, ce serait celui de l’excès de personnages circulant à tout moment dans l’espace scénique. De quoi gêner quelque peu la concentration du public. Mais l’impression générale reste positive : la présence d’enfants jouant sur scène, les costumes aux couleurs acidulées, le décor agréable et sans outrance sont autant de bons points qui invitent à passer une soirée plaisante.

La bonne qualité de l’exécution musicale concourt également au succès de cette soirée. La sagesse et la rigueur de l’OSB, dirigé par la main experte de Claude Schnitzler, sont à nouveau au rendez-vous. Il semble même que les musiciens prennent un plaisir certain à jouer cette œuvre.

Bien entendu, tout cela n’aurait guère de sens sans la performance des différents chanteurs qui interviennent sur scène. À cet égard, la distribution a permis une certaine homogénéité. On ne peut pas prétendre qu’un interprète ou un autre ait « écrasé » de son talent ses confrères. Un bémol pourtant : les rôles-titres de Fortunio et de Jacqueline auraient dû emporter les suffrages, mais les prestations de Benedicte Tauran comme de Christophe Berry, par ailleurs satisfaisantes, restent un peu en retrait par rapport à d’autres. La voix la plus convaincante de la soirée est sans doute celle de Marc Scoffoni dans le rôle du Capitaine Clavaroche ; il campe un matamore de premier ordre et soutient ses propos d’un organe sans faille… Franck Leguérinel, en chanteur expérimenté, tire adroitement son épingle du jeu et son interprétation du notaire « Maitre André » est vocalement irréprochable. Son jeu de scène le place dans une ambiance de Vaudeville qui correspond bien à l’esprit de l’œuvre. Notre petit coup de cœur ira au baryton Christophe Gay, dont l’intervention dès le début de l’œuvre est un véritable moment de plaisir – le personnage de Landry, cynique et virevoltant est joué avec exactitude et humour.

Pour ceux qui ne sont pas habitués à l’opéra, on ne saurait trop recommander d’aller écouter cette œuvre agréable. Elle renferme tous les éléments qui permettent d’aborder ce genre sans difficulté. Les paroles sont en Français, le livret est parfaitement compréhensible, l’intrigue plutôt divertissante et l’ensemble, porté par une musique remarquable, ne manque pas de profondeur.

Voilà peut-être l’occasion d’aller faire connaissance avec l’Opéra de Rennes. C’est encore possible, les représentations de Fortunio se prolongent jusqu’au jeudi 6 février 2014.

 

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OSB à l’Opéra de Rennes : Fortunio comme un souffle de printemps

 

 

 

 

 

 

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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