Entre l’artiste de Bohème et celui de Wall Street, il existe des degrés divers et variés. Et la ville de Rennes dans cette histoire ? Qui sont ses artistes plasticiens ? Quelle est leur situation ? Comment la Mairie les aide-t-elle ? Plusieurs aides sont possibles : à une échelle nationale, régionale ou départementale. En ce qui concerne la ville de Rennes, on recense trois dispositifs : les ateliers d’artistes, les bourses d’aide à la création et le fonds communal. Pour faire le point, nous avons rencontré Benoît Careil, adjoint à la Culture, et Pedro Pereira, Chargé du secteur arts plastiques.

Ateliers bourses fonds communal
Benoît Careil, adjoint à la Culture

Parmi les événements de la rentrée des arts visuels en 2016, le Rennais curieux avait le plaisir de pouvoir découvrir les ateliers des artistes de sa commune. Du 6 au 9 octobre, leurs portes étaient grandes ouvertes. Auparavant, comme chaque été, l’Orangerie du Thabor accueillait l’exposition des acquisitions du fonds communal d’art contemporain. Benoît Careil écrivait dans son éditorial : « La ville de Rennes soutient les jeunes artistes plasticiens locaux par la mise à disposition d’ateliers à des tarifs modérés. Elle accorde aussi des bourses pour la recherche artistique. Enfin, elle procède à l’acquisition d’œuvres pour le fond communal d’art contemporain, exposé dans des lieux ouverts à tous ».

Ateliers bourses fonds communal
Joris Favennec, SupernovaSN2011P,

L’adjoint à la Culture parle dans ces phrases des trois dispositifs que sont les ateliers d’artistes, la bourse d’aide à la création et le fonds communal. Ces aides n’ont pas vu le jour sous l’équipe de Nathalie Appéré : on sait, par exemple, que le fonds communal d’art contemporain existe depuis 1978. Scoop : les plus de 500 œuvres qu’il contient feront, à l’occasion des 40 ans, l’objet d’une exposition anniversaire en 2017-2018. Néanmoins, sous l’impulsion de Benoît Careil (ou du moins, selon ses propres mots), le nouvel objectif réside dans le fait de « donner une visibilité à ces artistes plasticiens rennais ». L’argent à lui seul ne suffit pas ; d’ailleurs, inutile de préciser que, sur les 30 millions alloués par Rennes à la Culture, le secteur des arts plastiques ne roule pas sur l’or. Ainsi les fameuses bourses d’aide à la création disposent en tout et pour tout de 12 000 € par an. Donnez de la visibilité, certes, mais comment ?

Ateliers bourses fonds communalPedro Pereira et Benoît Careil entendent accompagner les jeunes artistes plasticiens « de la formation à la reconnaissance professionnelle ». Ce qui passe bien entendu par des aides financières, mais aussi le prêt et la mutualisation de locaux, la rencontre entre les pairs et le croisement des disciplines. Benoît Careil insiste sur la visibilité de ces pratiques : les Rennais, donc des contribuables, ont le besoin (et parfois l’envie) de connaître ce que font leurs artistes. « Quel est le regard des Rennais sur le monde ? » est une question qui l’intéresse.

Plusieurs décisions ont été prises pour cette visibilité : l’annualisation de l’ouverture des ateliers d’artistes au public, la création d’un catalogue qui se pose en véritable « annuaire de l’art à Rennes ». L’année prochaine, l’exposition du Fonds Communal à l’Orangerie du Thabor devrait déborder jusqu’à mi-septembre. On prévoit aussi l’ouverture du théâtre du Vieux Saint-Étienne, les mois froids, pour les artistes. Il faut également noter que le problème de l’accessibilité demeure au centre des préoccupations : « démocratiser le fonds » constitue une priorité. Ainsi, le Pôle Art.Santé utilise certaines œuvres du Fonds Communal pour son exposition Perspectives Étendues au Centre Médical et Pédagogique de Rennes Beaulieu.

Selon Pedro Pereira et Benoît Careil, l’important est de « changer l’image de ces artistes plasticiens ». C’est-à-dire les voir dans leur travail quotidien, les exposer. Pour ces derniers, la ville de Rennes a souvent privilégié le spectacle vivant au détriment des arts visuels. L’affirmation peut sembler paradoxale quand on constate le bon nombre de galeries et d’expositions à Rennes. Peut-être que les artistes rennais sont là, mais sans doute nous ne les voyons pas. Se cachent-ils eux aussi pour mourir ? Nous ne le souhaitons pas ! Avant d’aborder en profondeur les trois dispositifs proposés par le secteur arts plastiques, nous avons tenu à clarifier avec Pedro Pereira et Benoît Careil les conditions et critères d’obtention de ces aides.

Ateliers bourses fonds communalEn effet, plusieurs problèmes se posent. L’une des premières conditions pour obtenir lesdites aides est de résider à Rennes (sauf quelques exceptions pour le Fonds Communal). L’autre réside dans le fait d’être un artiste. Seulement, comment déterminer qui est artiste et qui ne l’est pas ? Pedro Pereira précise que cette activité ne peut être un simple loisir. Par exemple, le demandeur pourra justifier d’une affiliation à un régime spécifique aux artistes. Ce point se décide surtout par une rencontre, laquelle permet le plus souvent de constater que l’artiste en question justifie d’une pratique régulière. Une autre question demande à être soulevée : comment définir ce qu’est un artiste plasticien ? La transdisciplinarité étant croissante dans les pratiques contemporaines, les limites s’avèrent de plus en plus floues et poreuses. Le principal problème reste tout de même de savoir comment ces artistes, au dernier stade, sont sélectionnés.

Ateliers bourses fonds communal
Léa Bénétou «Typolgie #1», 2016 – dessin encadré et détails dessin à l’encre de Chine sur papier, 100X70cm

Pedro Pereira, pour chaque dispositif, réunit tous les ans une nouvelle commission de spécialistes (par exemple, un conservateur de musée, un directeur de galerie, un artiste reconnu…). La sélection se fonde forcément sur un jugement esthétique, mais aussi… sur un critère politique. Benoît Careil ne s’en cache pas : l’équipe affectionne les projets contemporains, engagés, qui répondent, même sur un spectre large, à un socle commun de valeurs. À chacun, via les expositions, de déterminer si ce jugement esthétique et politique semble juste et légitime.

Avant tout, Pedro Pereira insiste sur l’idée qu’il y a « des vies derrière ces œuvres, dans ces ateliers ». L’humain est placé au cœur du dispositif. Par ailleurs, Pedro Pereira se situe au centre des grandes lignes artistiques dessinées par le paysage rennais. Il se félicite de sa vitalité et souligne quelques motifs récurrents, notamment la tendance à la pluridisciplinarité ou le rapport à l’architecture. Découvrons maintenant en détail chacun de ses dispositifs.

Le Fonds Communal d’Art Contemporain

Ateliers bourses fonds communal
Catherine Duverger
Espaces Réciproques, 2015. Photographie couleur, 80 x 80 cm Tirage sur papier fine art

Créé en 1978, le Fonds Communal dispose désormais de 500 œuvres environ. Une dizaine de pièces sont achetées par la mairie chaque année. Actuellement, le secteur arts plastiques dispose d’une enveloppe de 22 050 euros. Les œuvres sont entreposées dans un endroit tenu secret : cependant, nombre d’entre elles restent visibles dans la ville. Et dans les couloirs et bureaux de l’Hôtel de Ville ! Chaque automne, Pedro Pereira et sa commission sélectionnent les œuvres pour la saison précédente : celles-ci seront donc exposées l’été à l’Orangerie du Thabor. Ce sont les artistes eux-mêmes qui proposent leurs œuvres : la commission reçoit une dizaine de propositions environ. Nous pouvons déjà vous annoncer, en exclusivité, le nom des artistes de la session 2016 : Catherine Duverger, Christelle Familiari, Francis Raynaud, Frank-Olivier Martin, Julie C. Fortier, Muriel Taragano, Léa Bénétou et Samir Mougas. Ils rejoindront certains artistes célèbres du Fonds, comme David Diao, Benoît-Marie Moriceau ou Nicolas Floc’h.

Les ateliers d’artistes

Ateliers bourses fonds communalRépartis sur le territoire rennais, ces ateliers permettent aux artistes de disposer d’un lieu de travail, mais aussi de se rencontrer entre eux, voire de travailler collectivement. Il en existe une quarantaine dans la ville, pour une cinquantaine d’artistes environ. On compte également 6 ateliers logements à la Poterie, occupés notamment par des couples (pensons à l’Atelier McLane). Chaque bail est désormais attribué pour 3 ans (contre 4 auparavant). Ces lieux, qui appartiennent à la ville, ne sont pas loués à titre gratuit : ils coûtent 2,80 euros le mètre carré, par mois. En janvier, un des ateliers fermera : celui des prairies Saint-Martin. En cause : les travaux en vue du Parc Naturel Urbain, lesquels, du reste, ne sont pas du tout commencé…

La bourse d’aide à la création

Ateliers bourses fonds communal
Carte des ateliers d’artistes à Rennes

12 000 euros, telle est la somme annuelle allouée à ces bourses d’aide à la création. Elle permet de financer 6 ou 7 projets relatifs à des expérimentations liées à des matériaux, médiums ou des rencontres réalisées en dehors de la région. Cette année, les lauréats sont les suivants : Alexandre Lemagne, Angélique Lecaille, Delphine Deshayes, Grégory Delauré, Lise Gaudaire, Loïc Creff, Sarah Lück et Tristan Menez.

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