Fiverr ou la fièvre du capitalisme. L’entreprise américaine vous propose sur sa plateforme en ligne de réaliser des petits boulots à un tarif commençant à 5€ (d’où son nom – five – fiver – fiverr). Les utilisateurs de Fiverr travaillent ainsi en freelance pour le site qui met en ligne chaque semaine des milliers de demandes de travaux et services à effectuer. Rien de nouveau outre-Atlantique. Sauf qu’en mars 2017, l’entreprise a lancé une campagne publicitaire. Provocatrice, voire agressive, la conception radicalement pragmatique qu’elle promeut suscite l’opposition…


Ces publicités font l’éloge de l’action en opposition à la passivité dont fait partie la réflexion, l’invention, la création… Les affiches en noir et blanc formulent ainsi des slogans d’une violente ironie à l’encontre de ceux que Fiverr appelle les « rêveurs ». 
Une limite éthique semble franchie avec l’une des affiches de cette campagne provocatrice. Une jeune femme, un tantinet émaciée, sombre et impassible, est portraiturée. Le sous-titre explique : « Tu manges un café au déjeuner. Tu passes d’une chose à l’autre. La privation de sommeil est ta drogue de prédilection. Tu es peut-être une personne d’action ». Entre autres critiques, il est reproché à cette affiche de glorifier le travail au dépens de la santé. Au demeurant, elle met le doigt sur la puissance normative du capitalisme libéral : l’incorporation de sa règle collective dans le fonctionnement psychique de l’individu.
Et que dire de ce slogan ? « Do first. Ask forgiveness later » (agis, demande pardon après). Voilà bien résumé l’immoralisme d’une certaine conception soi-disant pragmatique des hommes et de l’économie. Quant au spot publicitaire, il condense à lui seul tous les problèmes qui traversent la « gig economy », c’est-à-dire « l’économie des petits boulots ».

