Flaubert s’est sans doute quelque peu agité dans sa tombe. Avec Gemma Bovery, Anne Fontaine signe une vulgarisation de son œuvre majeure. Un film qui, à hésiter entre la comédie « luchinienne » et un drame à vocation littéraire, ne parvient ni à faire rire le spectateur ni à enrichir la portée déjà immense du chef-d’œuvre de Flaubert.

 

Et pourtant, le concept du film était alléchant : adapter un roman graphique de Posy Simmonds, déjà adaptée avec succès par Stephen Frears pour Tamara Drew, tout en réunissant Fabrice Luchini, actuellement le plus  important défenseur des lettres auprès du grand public, et l’immense auteur, semblait annoncer une rencontre originale et haute en couleur, entre un génie comique d’aujourd’hui et un génie littéraire d’hier. Au final, Luchini se sera montré nettement plus éclatant sur les plateaux télévisés lors de la promotion du film…

gemma boveryChez Anne Fontaine, il se retrouve dans ce rôle de bobo parisien reconverti en boulanger normand, amateur de Flaubert, voyant débarquer dans son voisinage un couple anglais : les Bovery, Charles et Gemma. Mais prisonnier d’un scénario mou et de dialogues presque toujours plats, ce ponte du cinéma français ne peut porter la production sur ses seules épaules harnachées, et le film, progressivement, s’effondre. Là où, à la radio ou la télévision, il se révèle être un génie comique original, parvenant à mêler à son amour des lettres de piquantes anecdotes autobiographiques, sa prestation de comédien se révèle ici d’une fadeur toute bovarienne.

Alors bien sûr, le scénario a pour lui quelques bonnes idées de départ, notamment une volonté de montrer Emma Bovary comme un personnage intemporel. Mieux, de prouver que nous avons tous un peu de ce personnage en nous – selon la formule prêtée à Flaubert, « Madame Bovary, c’est moi ». Anne Fontaine semble vouloir nous dire que « Madame Bovary, c’est nous » ; seulement, cette thèse inventive s’avère plombée par les nombreux écueils rencontrés par le film : lamentable érotisation de l’« avion de chasse » Gemma Arterton, qui interprète le personnage éponyme, mise en scène et montage « clipesques » (par exemple lors du générique d’ouverture), personnages secondaires parfois seulement esquissés – on pense à l’épouse du personnage de Luchini, qui lui déballe des reproches pendant toute la durée du film –, etc.

Cette volonté louable de renouveler le classique de Flaubert pêche donc par la lourdeur du résultat, qui malgré la présence – et la prestance – de Fabrice Luchini, ne peut malheureusement éviter cet humble naufrage. Gemma Bovery aura au moins eu le mérite de donner envie de relire l’œuvre originale, Madame Bovary, sans pour autant parvenir à jeter un regard vraiment neuf sur ce monument de notre culture.

Film Gemma Bovery
10 septembre 2014 (1h39min)
Réalisé par Anne Fontaine
Avec Gemma Arterton, Fabrice Luchini, Jason Flemyng

 

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Valentin Denis
Normalien (ULM) et étudiant en philosophie, Valentin Denis est notamment passionné par le 7e art et la musique.

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