Le nouveau film de Cristian Mungiu Baccalauréat envisage le sacro-saint diplôme comme un billet vers une vie plus souriante et moins grise, au cœur d’une société grise et corrompue. Explications.

 

baccalauréatQui d’entre nous ne se souvient avec un petit pincement au cœur de la période du baccalauréat, lorsque, après un petit déjeuner qui avait bien du mal à passer, il fallait se rendre jour après jour, aux différentes épreuves. Sans parler des éternelles questions sans possible réponse qui succédaient aux examens… « et ta philo, ça a marché ? ». Tout cela pendant une petite quinzaine, ou, en fonction des impressions grandissaient l’espoir ou l’angoisse. Et le fameux jour où, dans un des lycées de la ville, les résultats tant attendus étaient enfin affichés sur de longues listes où chacun avec appréhension cherchait son nom et la délivrance, après tant d’anxiété partagée. Lorsque l’on regarde en arrière, et que l’on a empoché le fameux sésame, synonyme d’ouverture vers des études universitaires, tout semble un peu futile, « en fin de compte le bac, ce n’est pas grand-chose ». Le film de Cristian Mungiu, Baccalauréat, nous fait revivre ces affres d’une manière beaucoup plus déplaisante, en resituant l’action dans une Roumanie grise et apathique qui ne donne pas vraiment envie… et pour cause.

baccalauréatLes personnages principaux, Roméo, le père, et sa fille Eliza, sont sur le point de vivre ensemble ce moment fort de la vie des adolescents, et sans vraiment d’inquiétude, puisque la jeune fille en question, flirte toujours avec des moyennes de 18 à 19 dans toutes les matières. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes quand, quelques jours avant le début des épreuves, Eliza est agressée et presque violée par un détenu évadé. Elle se trouve plongée dans un état psychologique peu favorable à la tenue d’un examen et à compter de ce moment, les choses vont aller de plus en plus mal.

baccalauréatMême si ce n’est pas le thème principal de ce film difficile, la corruption est une toile de fond omniprésente. Elle essaye d’adopter un visage sympathique, compréhensif, mais elle fait plonger Roméo, homme à principe, et qui n’a jamais dérogé, dans une spirale dont il n’est pas maître. Les euphémismes élégants sont de mise: il faut bien « s’entraider », « adressez vous à untel, il est très gentil, je lui ai rendu service, il ne demandera pas mieux qu’à vous aider, d’ailleurs je lui ai téléphoné pour lui parler de votre cas », et tout cela sur fond de misère, ou pire encore de médiocrité. C’est d’ailleurs la conscience de cette médiocrité qui pousse Roméo à la faute, car soucieux d’envoyer sa fille en Angleterre pour y suivre un cursus universitaire, il essaye d’occulter l’agression, mais également d’obtenir pour sa fille… de la bienveillance. Eliza est dans l’obligation d’avoir une moyenne vertigineuse pour obtenir la bourse qui lui permettra d’étudier à Londres.

C’est peut-être le sentiment d’un échec personnel qui pousse le père à éloigner sa fille d’un pays si dénué d’avenir. Son couple bat de l’aile et son épouse apparaît comme absente, sa maîtresse poursuit ses propres intérêts, et bien qu’il soit médecin, position habituellement respectée, il mène une vie sans perspective. Il veut pour Eliza un choix réel dans une vie où la joie n’est pas absente. C’est la relation entre le père et la fille qui est le véritable cœur du film. Un moment Chevalier Bayard sans peur et sans reproche, la faute le fait retomber dans la situation d’un héros à la statue déboulonnée.

baccalauréatPrimé à Cannes comme dans plusieurs autres festivals Européens, le film de Cristian Mungiu brille par la qualité des interprètes comme Maria Dragus, dans le rôle d’Eliza (déjà couronnée pour « Le Ruban blanc » de Michael Haneke) et également par la prestation de Adrian Titieni, Roméo, remarquable de présence et de sensibilité tout en retenue. Les rôles secondaires n’en sont pas moins tenus de façon magistrale par Lia Bugnar, dans le rôle de Magda et Malina Manovici dans celui de Sandra. « Baccalauréat » est un film de qualité qui souffre quelquefois d’être un peu scolaire et donneur de leçons. Des longueurs le rendent parfois un peu indigeste, mais la précision du scénario comme la tension qui règne dans le film, soutiennent notre attention pendant deux heures et 8 minutes. La caméra, souvent au plus près des personnages pour ne rien perdre de leur conflit intérieur est comme un œil inquisiteur qui participe également à cette tension comme à cette impression de qualité. Ce n’est donc vraiment pas un hasard si Cristian Mungiu, habitué du podium cannois, a cette année, obtenu le prix de la mise en scène.

Film Baccalauréat Cristian Mungiu, Roumanie, 2h08, avec Adrian Titieni, Maria-Victoria Dragus…

Baccalauréat :

Réalisation : Cristian Mungiu
Scénario : Cristian Mungiu
Photographie : Tudor Vladimir Panduru
Montage : Mircea Olteanu
Pays d’origine : Roumanie
Genre : drame
Date de sortie :
France : 19 mai 2016 (Festival de Cannes), 7 décembre 2016 (sortie nationale)

Adrian Titieni : Romeo
Maria-Victoria Dragus : Eliza, la fille de Romeo
Lia Bugnar : Magda, la femme de Romeo
Malina Manovici : Sandra, la maîtresse de Romeo
Vlad Ivanov : l’inspecteur en chef
Rares Andrici : Marius, le petit ami d’Eliza
Gheorghe Ifrim : Agent Sandu
Adrian Vancica : Gelu

Distribution : Le Pacte

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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