Pourquoi la Fête des Mères n’a pas lieu partout au même moment ?

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Fête des Mères

Il y a des célébrations qui ont le don de réchauffer les cœurs, de faire couler une larme sur le coin d’une joue ridée ou de réveiller un souvenir de grenadine collée aux doigts dans une cuisine fleurie. La Fête des Mères en fait partie. Et pourtant, elle est loin d’être une date universelle : d’un continent à l’autre, d’un hémisphère à l’autre, c’est un peu comme si l’on ouvrait les bras à sa mère… à des jours différents. Alors pourquoi cet éparpillement temporel ? Quelle géographie de l’amour maternel dessinent les calendriers du monde ? Tour du monde d’un hommage pluriel aux femmes qui enfantent le monde.

Une carte du tendre éclatée mais cohérente

Contrairement à Noël ou au Nouvel An, la Fête des Mères n’est pas née d’une volonté religieuse unifiée ou d’un événement historique mondial. Elle surgit çà et là, au fil des traditions, des saisons, et parfois, des intérêts politiques. Comme les mamans elles-mêmes, elle résiste aux catégorisations. Elle se faufile dans les interstices du calendrier pour mieux s’ancrer dans les cultures locales.

Aux États-Unis, Anna Jarvis invente cette fête en 1908 pour honorer sa propre mère, militante pacifiste. En 1914, le président Wilson l’instaure officiellement le deuxième dimanche de mai. Depuis, le virus affectif s’est propagé : Canada, Allemagne, Japon, Brésil, Italie, Belgique (en partie), Australie, et tant d’autres ont adopté cette date. On se demande si ce n’est pas le seul cadeau américain que le monde ait accepté sans se plaindre de l’emballage.

En France, des fleurs au calendrier… et un peu de Vichy

Chez nous, l’affaire est plus complexe. Des initiatives locales dès la fin du XIXe siècle (souvent teintées de natalisme républicain) ont tenté de créer une « journée des mères de familles nombreuses ». Mais c’est le régime de Vichy, avec ses relents de mère-patrie féconde, qui donne un véritable élan à cette fête. En 1950, elle devient officielle grâce à la IVe République : ce sera le dernier dimanche de mai, sauf s’il tombe en même temps que la Pentecôte, auquel cas elle recule d’une semaine. Même les mamans ne peuvent pas concurrencer le Saint-Esprit.

Le saviez-vous ?

Quand Anna Jarvis détesta sa propre invention

Anna Jarvis, l’Américaine qui inventa la Fête des Mères en 1908, rêvait d’un moment de recueillement personnel, presque sacré. Mais en voyant la fête dévorée par les fleuristes, chocolatiers et publicitaires, elle entra en croisade contre… son propre succès. Elle fut même arrêtée pour avoir manifesté contre une vente de fleurs. Tragique paradoxe : elle mourut ruinée et oubliée, dans un hôpital psychiatrique, poursuivie par des pubs pour des colliers de perles.

Le grand kaléidoscope mondial (exemples)

DatePays concernés
21 marsArabie saoudite, Égypte, Syrie, Jordanie, etc.
25 marsSlovénie
7 avrilArménie
2e dimanche de maiÉtats-Unis, Canada, Allemagne, Italie, Japon, etc.
Dernier dimanche de maiFrance, République dominicaine
10 maiMexique
8 marsRussie, Serbie
12 aoûtThaïlande
15 octobreArgentine
22 décembreIndonésie

Anecdote de terrain

Thaïlande : la fête de l’amour maternel… et des bouchons

Chaque 12 août, les Thaïlandais célèbrent leur reine-mère, Sirikit, et toutes les mamans du pays. On offre du jasmin, on récite des poèmes, on retourne voir sa mère pour lui baiser les pieds en signe de respect. Problème : tout le monde fait pareil au même moment. Résultat ? L’un des pires embouteillages de l’année à Bangkok. Le cœur a ses raisons que le trafic ignore.

Trop de vérité tue la chanson

Une chanson anti-maman censurée

En 2001, un jeune chanteur canadien sort « Mother », ballade douce-amère dans laquelle il chante que sa mère « a toujours préféré le chien à lui ». Jugée démoralisante pour la période, la chanson est bannie des radios nord-américaines… pendant toute la semaine de la Fête des Mères. L’artiste se consolera en devenant culte sur Internet, chez les enfants en mal d’amour canin.

Petites perles d’école

Les mots d’enfants : poésie brute

« Ma maman elle crie fort mais c’est pour montrer qu’elle m’aime. »
« Elle a les plus belles frites du monde. »
« Elle est gentille sauf quand elle téléphone à mamie. »
« J’aime ma maman car elle sent bon le poulet. »
« Elle me donne la tablette même quand papa dit non. »
« Elle est très belle quand elle a mis du maquillage, mais sinon on dirait un ogre gentil. »

La vérité sort de la bouche des enfants. Et elle pique parfois un peu…

Fête socialiste, esprit facétieux

Yougoslavie : attachée, mais libérée par amour

Dans la Yougoslavie d’avant 1990, une tradition peu banale existait pour célébrer les mères : les enfants les attachaient au lit au réveil (avec des foulards ou des ceintures), et elles ne retrouvaient leur liberté qu’après la remise de cadeaux ou de bonbons. Une manière de rappeler que toute relation d’amour, même maternel, contient un peu de négociation.

Une fête universelle, mais pas standardisée

Ce qui unit toutes ces célébrations, malgré leurs différences de date, c’est leur intention. Dire à celle qui nous a portés (ou adoptés, ou élevés, ou aimés) : merci. Que l’on offre un collier de nouilles, une lettre, un bouquet ou un simple coup de fil, la Fête des Mères traverse les cultures comme un fil invisible tissé entre générations.

Et c’est peut-être tant mieux que le monde ne soit pas d’accord sur une seule date : cela nous rappelle que l’amour, lui, ne se normalise pas. Il fleurit selon le climat, les usages… et parfois, en retard. Mais il fleurit.

En bref :

  • Une tradition ancienne, mais codifiée récemment dans la plupart des pays
  • Une date très variable, entre mars et décembre
  • Un hommage universel, avec des formes locales très diverses
  • Une occasion de réfléchir à la place des femmes dans la société, au-delà de la seule maternité

Alors, que ce soit en mai, en mars ou en octobre : bonne fête, maman(s) !