Le 4ème week-end d’août à Bréal-Sous-Montfort, le festival du Roi Arthur a fêté son 10ème anniversaire à l’occasion de son édition 2019. Son succès s’est confirmé cette année et s’explique par sa programmation toujours aussi hétéroclite qui réunit des artistes confirmés et d’autres émergents. Retour sur deux des plus beaux moments de la journée de vendredi : les prestations de Born Idiot et de Danakil.

Depuis sa première édition en 2009, le festival du Roi Arthur n’en finit pas de séduire. Affichant complet deux semaines avant sa tenue, l’évènement a attiré pas moins de 45 000 spectateurs qui ont foulé le sol du Mafeu du vendredi 23 au dimanche 25 août. Un succès qu’il doit évidemment à sa programmation qui conserve, au fil des ans, son caractère hétéroclite. Cette année, elle mit à l’honneur des têtes d’affiche très attendues, à l’instar du Suprême NTM et de la désormais incontournable Angèle. Dans ce premier article que nous consacrons à l’évènement, nous retournons sur deux prestations de la première journée, parmi celles qui nous ont le plus marqué.

BORN IDIOT

born idiot, roi arthur
Born Idiot au Festival du Roi Arthur
Photo: Laura Parize

Le vendredi à 18h sur la scène Excalibur, les Rennais de Born Idiot ont ouvert l’édition 2019 du festival. Le groupe s’est formé en 2015 suite à la rencontre du guitariste et chanteur Lucas Benmahammed et de Tiago Ribeiro à la fac de musicologie de Rennes 2. Peu après, vinrent les rejoindre le claviériste Louis Kuipers, le bassiste Clément Le Goff et le batteur Guilherm Frenod. 2 ans plus tard, paraît leur premier album « Afterschool » auquel vient de succéder l’EP « Cocotrip », sorti cette année. Les chansons de ces deux opus révèlent un univers décalé, dévoilé à l’occasion de leur passage au festival du Roi Arthur. Dès leur arrivée, ils commencèrent leur concert par « Sunday In The Street », chanson issue de l’EP « Coco Trip ».

Pendant la première partie de leur spectacle, ils ont d’abord interprété des titres aux rythmiques plutôt énergiques. Insufflées par le batteur Guilherm Frenod, certaines d’entre elles semblent inspirées de la pop anglaise des années 60. On le perçoit en outre dans le morceau « True Romance », issu de leur premier album « Afterschool ». Mais par moments, ce jeu de batterie côtoie également des parties plus aériennes et enveloppantes aux guitares électriques et au clavier, dont l’aspect plus vaporeux contraste parfois avec ce dynamisme. Certaines de ces chansons mettent en évidence des arpèges délicats de guitare, ressortant par exemple dans le morceau « Buried Child ». S’y ajoutent également des parcours harmoniques structurés, pour la plupart, autour d’accords de 7e aux couleurs jazzy, faisant peut-être écho aux quelques influences du groupe dans la bossa nova. En effet, Tiago Ribeiro cite parfois les noms de Joao Gilberto et de Gilberto Gil parmi les artistes l’ayant le plus marqué.

Cet aspect rêveur de la musique du groupe rennais est même prédominant sur les chansons « Teen Box » et « Underwater ». Leur dimension contemplative semble renforcée par leur tempo très lent et les procédés d’écho qui subliment les parties de guitares et les mélodies vocales de Lucas Benmahammed . Par moments, les inflexions vocales et les tournures mélodiques employées par le chanteur et guitariste se rapprochent de celle de John Lennon. Cependant, ses accents plus ironiques et mordants peuvent davantage être comparés à ceux de chanteurs plus contemporains comme Pete Doherty. On notera aussi dans « Teen Box » une évolution rythmique dont la tournure évoque plutôt le rock progressif : alors qu’on se laisse porter par sa lente rythmique placide, celle-ci s’emballe et adopte un tempo plus vigoureux, avant de revenir brusquement à son rythme initial.

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Lucas Benmahammed de Born Idiot au Festival du Roi Arthur 2019.
Photo: Elodie Le Gall

En cette première journée de festival, la prestation de Born Idiot fut ainsi une belle entrée en matière pour les spectateurs conquis et qui semblaient concentrés à l’écoute des chansons du groupe. Une belle manière de rentrer tout en douceur, mais non sans émotion, dans l’atmosphère du festival.

 

DANAKIL

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Photo: source site du label Baco Records

A 21h15, le mercure est soudainement monté sur la scène Lancelot lorsqu’elle accueillit le groupe Danakil, pour le seul concert français de sa tournée. Ce collectif fut fondé en 2000 par une bande d’amis musiciens qui étudiaient au lycée Louis De Broglie à Marly-Le-Roi (78). Parmi eux, le chanteur compositeur et auteur Guillaume Basile, plus connu sous le nom de Balik et qui mène également en parallèle une carrière comme artiste hip-hop. Depuis 10 ans, la formation compte également dans ses rangs le chanteur Natty Jean, rencontré lors d’un de leur voyage au Mali et qui, depuis, ne les quitte plus. 13 ans après la sortie de leur premier album « Micro-Climat », ils sont désormais l’un des groupes de reggae les plus notables de l’hexagone, aux côtés de groupes comme Dub INC.

Sans tarder, ils débutèrent leur prestation par « Echo système », chanson de circonstance qui aborde la catastrophe climatique dont on subit aujourd’hui les conséquences. Dès les premières notes, ils déploient un reggae roots marqué par des polyphonies de cuivres jouissives et les lignes de basses sinueuses de Boris Arnoux dit Massif-Boris. Sa force de séduction réside également dans ses skanks (contretemps marqué par un accord plaqué) caractéristiques du style jamaïcain, décochés ici aux claviers de Martin Bisson et Valentin Andry, alias Smart et Tino, ainsi qu’à à la guitare électrique de Fabien Giroud dit Fab’. Il n’en fallait pas plus pour que le magnétisme de leur musique opère et transporte immédiatement les spectateurs. Ce fut notamment le cas pendant la chanson « Back Again » qui figure sur leur dernier album « La rue raisonne », sorti en 2016 sur Baco Records. Les vocalités de Balik et de Natty Jean y laissent ainsi entendre quelques scansions et accents rythmiques qui semblent parfois tirés du dancehall et du ragga. Des éléments également présents dans le hip-hop, style qui occupe une place importante chez les deux chanteurs. La passion redoubla davantage pendant leur interprétation de « Marley », morceau dans lequel Danakil retrace le parcours de l’icône internationale du reggae dont le nom n’est aujourd’hui plus à révéler. Les festivaliers participèrent d’ailleurs avec une certaine ferveur à cet hommage en accompagnant de leurs voix les chanteurs sur les versets.

La portée revendicative des paroles écrites par Balik tirent en partie leur force expressive du rap français que l’artiste écoute depuis de nombreuses années. Porteuses d’un engagement réel qui transparaît de façon flagrante dans « Echo système », elles dépeignent également de tristes réalités sociales qui rendent ses textes toujours aussi pertinents au fil des années. C’est ce qu’on ressent notamment à l’écoute de la chanson « Les vieillards » sortie en 2008 sur l’album « Dialogue de sourds ». Ses paroles, adaptées par Balik d’un texte de son père Michel Basile, évoquent de façon sensible du la misère et l’isolement malheureusement toujours d’actualité.

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Natty Jean et Big Keuj du groupe Danakil au Festival du Roi Arthur 2019.
Photo: Stéphane Perraux

Ces thématiques, dans le même temps, se situent dans la continuité de la chanson française que Balik cite parmi ses inspirations. Influence que lui et son groupe ont mis en évidence au moment de leur reprise de « Non, je ne regrette rien », la célèbre chanson d’Edith Piaf. Intégrée à leur répertoire depuis une dizaine d’années, sa transposition dans le style reggae roots s’avère étonnante d’efficacité. D’autant plus que Balik y a dévoilé une dimension plus lyrique de sa vocalité très mélodieuse, de laquelle ressort entre autres une certaine souplesse, ainsi qu’un léger vibrato sobre et savoureux. La tendresse fut également de la partie à travers « Comme je… », chanson d’amour pendant laquelle ils ont offert de bonnes vibrations aux festivaliers.

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Danakil au Festival du Roi Arthur 2019.
Photo: Stéphane Perraux

Leur passage au festival se conclut en beauté sur la chanson « Ne touche pas », à l’instrumentation de tempo plus rapide et se rapprochant du ska. Son texte, quant à lui, dénonce les hypocrisies de la société actuelle et les dommages des discriminations raciales qui sévissent encore en France. Mais elle ne manque pas également de transmettre un véritable message de fraternité et une injonction à la confiance en soi. Son refrain stimulant fut ainsi repris à l’unisson et avec force par tous les festivaliers, visiblement ravis de cette performance. Alternant énergie et apaisement, celle-ci permit également de préparer le terrain pour le concert suivant sur la scène Excalibur, assuré dans la foulée par JoeyStarr et Kool Shen du Suprême NTM.

 

Association du Festival du Roi Arthur – Association loi 1901

14 rue des Erables / 35310 Bréal-sous-Montfort 

Site web du festival

Page Facebook

 

Dans notre prochain article, il sera question de la prestation le samedi 24 août dernier d’Emir Kusturica et le No Smoking Orchestra…

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

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