Le festival Oodaaq, images nomades et poétiques, tire son nom bizarre d’une île. L’inauguration a pris corps le 18 mai 2016 au théâtre du Vieux Saint-Etienne à Rennes, pour se poursuivre jusqu’au 5 juin dans plusieurs lieux artistiques et culturels de la capitale bretonne, de Nantes et de Saint-Malo. Au programme, des images sous toutes les formes, pour un programme difficile à cerner. À noter cependant, une superbe exposition intitulée Au lieu du geste, à l’endroit du temps. Oodaaq, où l’art comme insularité ?

Festival Oodaaq RennesOodaaq, c’est un festival qui se tient à Rennes, Nantes et Saint-Malo du 18 mai au 5 juin. C’est aussi une association rennaise, L’œil d’Oodaaq. À l’origine, Oodaaq est une île « découverte en 1978 au nord-est du Groenland ». L’association la décrit ainsi : « Pendant longtemps considéré comme la terre émergée la plus au nord du monde, cet amas de gravier et de vase est en réalité à la dérive, et donc impossible à localiser de nos jours ». Le festival se bâtit donc sur un jeu de métaphore qui convoque tout à la fois réalité, imaginaire, utopie, invisibilité, fantasme.

Festival Oodaaq RennesL’île est aussi difficile à appréhender que la visée de cet événement. On apprend ainsi que L’Œil d’Oodaaq « mène une réflexion sur l’art vidéo ainsi que sur les autres formes d’apparition des images dans l’art contemporain ». Le festival est en conséquence sous-titré de manière presque énigmatique « images nomades et poétiques ». L’inauguration avait lieu le 18 mai dans un lieu à son image, sombre, mystérieux et solennel : le théâtre du Vieux Saint-Étienne, s’établissant dans le gisant de l’une des plus vieilles églises de Rennes, en contrebas de la place Sainte-Anne.

Festival Oodaaq RennesPour célébrer le début de l’événement, en plus d’une exposition et d’un concert de Vincent Malassis, Camille Bondon s’est risquée à une définition artistique du festival. Le protocole ne manquait pas d’une certaine originalité : l’artiste tâchait d’expliquer les termes choisis du  festival : images, nomades et poétiques via leur saisie sur Google. La mosaïque des images donnait alors lieu à un discours en forme de performance à mi-chemin entre l’écriture automatique et l’improvisation. Si le résultat pouvait faire sourire, la naïveté feinte du ton rendait aussi le texte légèrement boursouflé et inauthentique. Du reste, cette présentation du festival brillait plus par l’exposition de ces images de toutes sortes que par le texte qui l’accompagnait. Le discours inaugural, notamment celui du directeur général du festival, Simon Guiochet, partait certes d’un bon sentiment : en voulant s’inscrire dans l’actualité, en souhaitant ouvrir « un dialogue direct avec le public », il était apparemment de bon ton de souligner son désaccord avec les institutions publiques, donc leurs partenaires, en les remerciant en dernier. Voilà peut-être un exemple de la manière dont les subventions créent de la subversion. Sans doute est-ce aussi la dualité d’une île que de s’ouvrir au monde tout en demeurant radicalement coupé de lui.

Festival Oodaaq RennesLa programmation du festival réserve toutefois de belles surprises. Foisonnant, Oodaaq l’est aussi parce qu’il se déroule sur près de trois semaines, dans trois villes différentes. Projections, concerts, installations, web télé… et même un tournoi de pétanque ! Au total, 78 artistes sont présentés, d’une quinzaine de nationalités environ. Côté exposition, aucune déception. Au lieu du geste, à l’endroit du temps, présenté à Rennes, Nantes et Saint-Malo, se veut une exposition « mouvante, s’adaptant dans chaque ville aux espaces qui l’accueillent ». Toutes les œuvres présentées au Vieux Saint-Etienne et au Praticable convergent vers l’idée d’une exploration du geste « dans le processus créatif ». Pendant l’inauguration, le commissaire d’exposition intervient : « Est-ce le geste qui compte ? Qu’en est-il de l’œuvre ? Est-ce une trace ? » Les artistes exposés, en mettant en valeur ce geste, appréhendent aussi l’écoulement du temps créatif et les états de la matière en mouvement.

Festival Oodaaq RennesÀ Rennes, deux endroits se partageaient cette exposition. Dans l’antre du théâtre du Vieux Saint-Étienne, sous les arcades et dans une ambiance quasiment religieuse, sept pièces étaient présentées, de la vidéo, des installations en bois, en agar-agar ou en verre. Toutes capturaient un instant de création, mais au-delà, confrontaient le spectateur à une sorte d’arrêt sur image. Slapen (Dormir), une vidéo d’Oscar van der Kruis, capte le visage d’un homme en train de basculer dans le sommeil, dans un travail proche de l’œuvre du vidéaste Douglas Gordon. Rodrigo Cass, avec Arma Branca, saisit le moment de rupture en filmant des couteaux amassés dans un sac jusqu’à ce que celui ne craque. Letizia Romanini, avec Acculturation, joue elle aussi sur la temporalité en laissant flotter dans un contenant un verre des morceaux de carton imbibés peu à peu par de l’encre noire. Splendide et monumentale, l’installation d’Elvia Teotski, Spleen microbien, opère un zoom sur des blocs d’agar-agar, pareils à de la cire en train de fondre ou des bactéries observées depuis un microscope. Au Praticable, l’exposition se poursuivait, notamment par le travail de Julien Nédélec sur le livre de Julien Gracq, Les Formes d’une ville. L’artiste « transpose les pages d’un livre Festival Oodaaq Rennesde Julien Gracq en blocs de bois à la découpe minimaliste ». Pour ensuite les imprimer et donc revenir à la page. On retrouvait dans la galerie des Portes Mordelaises une autre œuvre d’Elvia Teotski, des dessins où l’encre se mêle à l’éclatement de bulles de savon. Nikolas Fouré proposait quant à lui un travail sur le feu : les allumettes accumulées sur le sol suggèrent le dessin formé par un dépôt de suie. Faustine Beuve, avec Abrasion contrôlée, s’attache à ouvrager une matière spéciale : le charbon. Dans l’œil d’Oodaaq, ce qui compte au final, n’est-ce pas la beauté du geste ?

Festival Oodaaq, Rennes, Nantes et Saint-Malo du 18 mai au 5 juin 2016Praticable

L’Œil d’OOdaaq, association de création et diffusion d’images nomades et poétiques
maison des associations, 6 cours des alliés, 35000 Rennes
contact@loeildoodaaq.fr

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La programmation du Festival Oodaaq est basée sur un appel à projets diffusé nationalement et internationalement. Cette année le festival a reçu près de 300 candidatures avec plus de 400 œuvres venant de 40 nationalités différentes.
Cette démarche, associée à l’invitation de personnalités de l’art vidéo et de l’art contemporain, permet de mettre en regard la jeune création avec des artistes ou des critiques reconnus.

Les Artistes

178° (FR), Gianluca Abbate (IT), Anna & Michal Baranscy (PL), Pascal Ancel Bartholdi (UK), Aube (FR), Lindsay Benedict (USA), Sébastien Beranger & Célia Eid (FR/BR), Faustine Beuve (FR), Camille Bondon (FR), Stan Brakhage (USA), Arno Bruil (FR), Franck Bubenzer (DE), Rodrigo Cass (BR), Jérôme Cavalière & Stéphane Deplan (FR), Julie Chaffort (FR), Carla Chan Ho-Choi (HK), Anupong Charoenmitr (TH), Nikolas Chasser Skilbeck (USA), Myriam Crampes (FR), Morgan Daguenet (FR), Jérôme Dokic (FR), Das Synthetische Mischgewebe (FR/DE), Silvia De Gennaro (IT), Sirin Bahar Demirel (TU), Julien Duporté (FR), Clint Enns (CA), Julie C. Fortier (FR), Nikolas Fouré (FR), Froh Faire (FR), Siegfried A. Fruhauf (AT), Cyril Galmiche (FR), Kosmas Giannoutakis (GR), Max Hattler (UK),Paul Heintz (FR), Miguel Jara (COL), Thibault Jehanne (FR), Jonathan Johnson (US), Laurie Joly & Parya Vatankhah (FR/IRA), Sissi Kaplan (DE), Marie Lancelin (FR), François Lejault (FR), Jeanne Liotta (USA), Rose Lower (FR), Vincent Malassis, Damien Le Dévédec Da Mien (FR) , Mael Le Golvan (FR), Alex Mira (FR), Eden Mitsenmacher Tordjman (ISR), Fabiano Mixo (BRE), MorG (FR), Yiorgos Nalpantidis (GR), Julien Nédélec (FR), Ailbhe Ni Bhriain (IE), Christian Niccoli (IT), Johan Parent (FR),Damien Petitot (FR), Robin Poligné (FR), Vincent Pouplard (FR), Letizia Romanini (LU), Ben Russell (USA), Rimas Sakalauskas (LI), Kevin Senant Pezcorp (FR), Guli Silberstein (UK), T (FR), Elvia Teotski (FR), Florent Texier (FR), Oscar Van der Kruis (NL), Vespre (FR), Mélanie Villemot (FR), Sylvia Winkler & Stephan Koeperl (DE)

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L’association est membre de la Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens (FRAAP) et milite pour la rémunération des artistes. Dans un souci de responsabilisation du public et de sensibilisation à la précarisation du travail des artistes plasticiens et vidéastes, le prix libre est instauré depuis l’édition 2014 du Festival Oodaaq.
ACCESSIBILITÉ
Tous les sites du Festival Oodaaq sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.
(Seule exception : Le Praticable)
ADRESSES
À Rennes : 
Théâtre du Vieux Saint-Étienne : 14 Rue d’Échange, M et bus Sainte Anne et Anatole France
Le Praticable : 2 rue des Portes Mordelaises, M et bus Sainte Anne et République
Portes Mordelaises : Rue des portes mordelaises, M et bus Sainte Anne et République
Musée des beaux-arts : 20 Quai Emile Zola, Bus C4, 6 Musée beaux-arts, M République
Hôtel Pasteur : 2 place Pasteur, Bus C4, 6 Musée beaux-arts, M République
À Nantes : 
Les Ateliers de la Ville en bois : 21 Rue de la ville en Bois, C1, C3 Canclaux bus 23, 11 Mellinet
Café sur Cour : 9 Place Louis Daubenton, T1 Gare Maritime
Le Grigri : 12 rue Ampère, La Chapelle sur Erdre (44240), T2 Recteur Schmitt, bus 66, 86 Ampère
À Saint-Malo :
Pôle culturel La Grande Passerelle : 2 rue Nicolas Bouvier, bus arrêt Gare
Place du Marché aux Légumes (intra-muros)

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