L’automne commence tôt pour Facebook. Après l’échec retentissant de son entrée en bourse, les attaques répétées contre son utilisation des données privées, la remise en cause de son modèle économique et l’ennui grandissant qui saisit ses utilisateurs, le nouveau géant de l’internet vient peut-être de connaître le bug le plus grave de son histoire en faisant apparaître publiquement des messages privés anciens dans le journal de certains membres le lundi 24 septembre. Facebook à beau démentir, nombre d’usagers en ont fait la malheureuse expérience. Alors, info ou intox ?

 

Le lien qui unit un réseau social à ces utilisateurs est simple et repose, comme pour beaucoup d’autres industries, sur une promesse contractuelle.

Dans le cas de Facebook, cette dernière peut-être formulée ainsi : l’entreprise offre un moyen efficace et gratuit de garder le contact avec des centaines ou des milliers de personnes – des amis proches aux anciens camarades de promo en passant par les rencontres d’un soir et les collègues de bureau – et utilise en échange les données fournies par ses utilisateurs pour vendre des espaces publicitaires ciblés.

Dans le cas des promesses comme dans celui des contrats, il existe une composante matricielle dont l’importance ne doit pas être sous-estimée: la confiance.

C’est particulièrement vrai dans le cas qui nous intéresse. Plus qu’à l’immense majorité des entreprises, on confie à Facebook son identité, ses centres d’intérêt, son cercle d’amis et, avant tout, sa parole.

Et c’est ce dernier élément, le plus simple et le plus évident, que l’entreprise vient sans doute de trahir.

Parler est un acte de langage adressé à un interlocuteur (qu’il soit un individu, un groupe, une foule ou un support) dans un contexte (un espace-temps donné). Ces derniers peuvent être larges, mais doivent être spécifiques.

Une conversation privée n’existe que dans le cadre spatial et temporel d’un échange d’un individu à un autre. Au-delà, elle est dénaturée.

Un livre n’existe que dans le cadre spatial (local, mais potentiellement mondial) et temporel (contemporain, mais potentiellement millénaire) du discours d’un auteur à ses lecteurs. Au-delà, il est dénaturé.

La parole est aussi ce qui « crée l’Autre » et par là ce qui fonde l’homme comme animal social. On comprendra l’importance de ce principe pour le premier des réseaux sociaux. On ne s’attardera pas sur l’ironie qui découle de cette situation.

Si le bug est confirmé, cela signifie que les conditions du langage incarné ne sont plus réunies par Facebook.  Cela signifie que son utilité – déjà remise en cause par ceux qui le faisaient vivre, aux premiers rangs desquels ses clients (les entreprises d’achat médias) et ses actionnaires – a pour prix sa raison d’être.

Facebook comme monde ou comme réceptacle des transferts d’une partie du monde, semble avoir oublié qu’au commencement était la parole.

Cela n’entrainera sans doute pas immédiatement un exil massif de ses utilisateurs et son effondrement. Mais on a connu bases plus saines pour porter une entreprise qui pensait valoir 100 milliards…

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