L’artiste Pascal Pinaud a bifurqué vers le Frac Bretagne afin de faire le point sur son œuvre. La rétrospective Sur la route qui lui est consacrée se déroule en ligne droite du 14 mai au 23 août 2015. En question : la perception de l’espace de l’image. De fait, ce n’est pas une ligne droite que le visiteur est invité à parcourir au Frac. La route est semée de bifurcations, de croisements, d’accidents, voire d’embûches. Bifurquer, un mouvement essentiel et structurant de l’œuvre de Pascal Pinaud.

Le choix du lieu pour cette monographie n’est pas anodin. C’est en 1990 que le Frac Bretagne acquiert l’une des toutes premières œuvres de Pascal Pinaud. En partenariat avec le Frac Provence-Alpes-Côtes d’Azur et le concours de la Galerie Nathalie Obadia, l’exposition est orchestrée par deux commissaires : Pascal Pinaud et Dominique Abensour.

Pascal Pinaud
Sans-titre Série Laine-Crochet (2004-2005) et PPP (2006)

Dans cette veine, cette rétrospective invite les visiteurs à participer consciemment ou non à une réflexion d’ensemble : comment l’œuvre d’art est-elle appréhendée seul ou collectivement ? Lever la tête, la baisser, toucher une œuvre, être happé par une lumière, être frustré par une visibilité contrariée… Héritier de l’esprit de recherche du groupe Supports/Surfaces, qui perce durant les années 60-70, Pascal Pinaud confronte le public à la création contemporaine à travers une manière d’exposer peu conventionnelle qui fait mouche.

Pascal Pinaud
Pascal Pinaud

Dans une scénographie orchestrée, voire dialoguée, par les deux commissaires, les trois salles qu’occupe Sur la route n’abordent pas les œuvres d’une manière chronologique. L’exposition est conçue comme un scénario qui se découpe en trois actes, mais où tout est gouverné par une mise en relief de l’approche des œuvres. Comment produit-on de la peinture ? Un tableau ? Quels sont les principes qui génèrent, qui dirigent, qui accompagnent, qui dépassent ses œuvres ? Une problématique d’ensemble qui innerve le travail de Pascal Pinaud depuis ses études à la Villa Arson de Nice.

« Pascal Pinaud est capable de se saisir d’un endroit à l’espace très vaste », explique Dominique Abensour. Tout au long de leur visite, ses mots raisonneront dans l’esprit des visiteurs. À travers trente-quatre séries d’œuvres qu’il ne cesse de nousur la route frac bretagnerrir, cette rétrospective donne un puissant aperçu du travail de Pascal Pinaud.

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Évidente manière de s’approprier l’espace, l’artiste a coloré la première salle du Frac afin d’y accueillir son œuvre Le point étiré (2015). La photographie du pourtour d’un rond-point s’étend et envahit toute la longueur d’un mur. Variation autour d’une vision décalée et déplacée. Sur des panneaux de bois accrochés sur le mur, peintures et tissus se lient dans une composition abstraite ; les panneaux sortent du cadre et des sentiers battus de l’accrochage conventionnel – ils sont hors cadre. La vision est parasitée par tant de motifs.

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Le point étiré (2015), On this way (2013)

La multiplication tendanciellement hétéroclite d’œuvres rappelle que Pascal Pinaud fait régulièrement appel à différents corps de métiers. Elles deviennent « le produit d’une petite entreprise », mais la peinture y reste présente, indiciblement envahissante. Ainsi, avec une œuvre de sa série Laine/Crochet, il revisite le tableau traditionnel et les éléments qui constituent la peinture, mais sans utilise ni pinceaux, ni peintures. Si la composition est picturale, canevas, tricot et crochet font l’œuvre.

Posée à même le sol, On the way (2013) représente un chemin de terre. Des pieds nus ont travaillé la matière et les empreintes sont désormais bien visibles. Beaucoup de références dans cette installation : les chemins de Courbet, les sculptures de Giacometti, voire une scène du film Django Unchained de Quentin Tarantino : des esclaves noirs épuisés qui piétinent dans la boue. Encore une fois, il utilise un matériau, en l’occurrence la céramique, pour le détourner. Non sans humour. « Il mène dans un endroit qui n’a pas encore été labouré », remarque l’artiste d’un air malicieux.

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147 dessins, techniques mixtes (1989-2015)

La visite se poursuit dans la deuxième salle où s’affiche la thématique du dessin et du motif. Dès l’entrée, une inattendue farandole de cadres orne la totalité du mur. Plus d’une centaine de dessins (147 précisément) sont encadrés et accrochés les uns à la suite des autres à la manière des salons du XVIIIe siècle. « J’essaie d’être multiple, plusieurs », explique Pascal PInaud. Les dessins se répondent, conjuguent des points communs mais aussi des marges. À travers cet accrochage, l’ensemble s’emploie à modifier la manière même de percevoir l’image.

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Philippe Gronon, Tableau noir (1997) – Chocs 1 et Chocs 2 (2001) – Installation de tapis Avenir (2007) La vie Auchan (1996)

Faisant face à « ce mur de résidus de séries », un meuble à dessins sert cet objectif par un biais plus intimiste. Le visiteur a l’impression d’entrer dans l’atelier de l’artiste. Les deux murs se confrontent et se complètent. Sans hiérarchie. « Je traite mes dessins de la même manière que je traite mes tableaux et mes sculptures. »

Le reflet est un parti pris également. La lumière des néons qui se reflètent sur les cadres ou le reflet que le visiteur renvoie sur un monochrome usé, réalisée à partir d’un toit de camion trouvé, dans la première salle. Cette idée ponctuera plusieurs œuvres de l’exposition, comme la série Pathères où un miroir de salle de bains est incrusté dans l’un de ses travaux. (image 5) A l’image du Point étiré, la deuxième partie de la salle abrite un mur rempli de tapis qui servent de fond à Avenir (2007) et La Vie Auchan (1996). En insérant un débat entre le décoratif et la peinture, l’artiste interroge la manière d’apprivoiser le dessin.

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Pascal Pinaud
Série Tôles (depuis 1994) et Silo (2005)

Au bout de la route, la troisième salle donne sur la série Semences. Les résidus de cette série pollinisent les dessins de la seconde salle. Au milieu de la salle, plusieurs tableaux sont enfermés dans un caisson fait de grillages. Cette installation contrarie la vision et renvoie au meuble à dessins. Le visiteur se trouve devant l’impossibilité d’accéder à une vision complète des tableaux. Il ne lui reste plus qu’à tourner autour.

Présente aussi la série Tôles que Pascal Pinaud nourrit depuis 1994. La peinture est réalisée chez un carrossier avec de la laque automobile. Un nouveau corps de métier est intégré dans sa démarche. Avec ses monochromes revisités, il compare les accidents de peintures aux accidents de voiture. Accidents, vandalismes, principes de réalité, les techniques utilisées sont nombreuses, mais c’est une composition picturale qui se donne au final. Dans la même lignée, la série Ecrans aborde également le thème du vandalisme. Photographies en noir et blanc de vols de tableaux ou de dégradations, il contribue à l’exploration sémantique de « l’image ».

Pascal Pinaud
Série Ecrans (depuis 2000), Mat (2007) Moulin à prières (1997)

Pour terminer cette exposition et avant de repartir sur la route, le visiteur longe un mur d’œuvres présentes dans la collection du Frac Bretagne et sélectionnées par Pascal Pinaud. Des artistes qu’il apprécie, des œuvres qui lui parlent. Elles ponctuent l’exposition comme une bifurcation de plus.

 

Rétrospective Pascal Pinaud Frac Bretagne, 14 mai 2015 – 23 août 2015 (toutes les infos pratiques ici)

Tarif : 4 € / Gratuit pour les moins de 26 ans
Ouvert du mardi au dimanche, de 12h à 19h
Fermé le lundi

 

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