L’exposition Pas sommeil. La fête dans tous ses états signe le retour d’Exporama à Rennes. Rendez-vous de l’art contemporain en Bretagne en passe de devenir incontournable, cette seconde édition a pour thème la fête. Une trentaine d’artistes sont invités dans trois lieux : Les Champs Libres, le Musée des beaux-arts et le Frac Bretagne. A destination des 7 à 97 ans, les diverses propositions qui explorent la fête dans tous ses états sont à découvrir jusqu’au 18 septembre 2022. Groovy baby !

Etes-vous bien réveillés ? En pleine forme ou non, rien ne vous oblige à commencer votre visite de Pas sommeil. La fête dans tous ses états par Les Champs Libres. Pour autant, le travail de Julie Hascoët qui y est exposé constitue une introduction à un voyage girovague, une entrée sur la piste de danse façon maelström festif ! Sa série photographique “Murs de l’Atlantique” se concentre sur le phénomène des free parties, fulgurantes utopies illicites comme l’explique l’artiste dans l’entretien qu’elle a réservé à Unidivers :

La deuxième proposition des Champs libres est un extrait (trop court ?) de la série du photographe anglais Mark Neville intitulée « Parade ».

mark neville guingamp

Elle a été réalisée lors de la résidence de l’artiste au centre d’art GwinZegal de Guingamp. Dans cette petite ville de 7000 âmes, le sport occupe une place particulière puisque son club de football professionnel, En Avant Guingamp, se retrouve bien souvent en ligue 1 ! Avec un regard distancié et amusé, Mark Neville suit les supporters du club et les fêtes sportives qui les accompagnent. Fierté et délice, humain et photographique !

Pas sommeil
Aucun préparatif de fête n’échappe à l’objectif de Mark Neville.

Vient, at last but not least, la salle Anita Conti qui accueille la pièce-maîtresse de Pas sommeil. La fête dans tous ses états : More sweetly play the dance par William Kentridge. Prenez un théâtre d’objets, une danse macabre médiévale et une fanfare festive qui défile. Mélangez-les à l’intérieur de panneaux qui forment les miroirs d’une grotte psychique comme la caverne de Platon, ça paraît un peu abstrait, certes, et pourtant, le résultat est bluffant ! 20 minutes à observer défiler différents types et générations de citoyens noirs d’Afriques du Sud qui charrient dans leur pas et dans une danse fatalement joyeuse les différents icônes et boulets qui nourrissent leur imaginaire collectif après un demi-siècle d’apartheid. Une création artistique qui contribue à libérer une société de ses pesanteurs afin de se réconcilier avec les autres mais aussi avec soi-même et son identité. Captivant, bouleversant, magnifique !

William Kentridge
William Kentridge, More sweetly play the dance

Quant au Musée des beaux-arts de Rennes, sa palette d’œuvres colorées et lumineuses nous en met plein les mirettes et les oreilles. C’est la fête !

Si l’artiste polonais Piotr Uklański fait surgir la lumière du patio du musée en y installant un dancefloor, Tony Regazzoni plonge sa coursive dans un show au laser bleuté.

Pas sommeil
Pieds de journalistes égarés sur le dancefloor d’« Untitled (dancing nazis) » de Piotr Uklański.

Claire Lignereux, la pimpante coordinatrice de l’exposition Pas sommeil. La fête dans tous ses états convainc avec son choix de débuter l’exposition par la mise en regard de photos glamour de stars déguisé(e)s en officiers nazis et la variation de couleurs du dance-floor comme autant de bariolages du déguisement et du travestissement. Avant le halo bleuté…

Avec “On achève bien les discos”, Tony Regazzoni met en scène des images de discothèques italiennes abandonnées, sérigraphiées sur des morceaux de leur propre plancher. Bâties dans les années 80, en imitant le style des temples antiques, elles finissent à l’état de ruines comme leurs modèles… de quoi rendre la copie conforme !

Pas sommeil
Une horde de Mickey et de Minnie envahissant les rues de Limassol, ville natal de Christodoulos Panayiotou.

Au-delà de ces installations immersives souvent fort plaisantes, on remarquera l’œuvre de l’artiste chypriote Christodoulos Panayiotou. Intitulée Wonderland, celle-ci peut paraître assez simple au premier abord : un modeste projecteur de diapositives des années 60. Chaque photographie constitue un fragment d’archives recueilli par l’artiste lors de fêtes dans son village natal. L’univers Disney et ses personnages y ont complètement subverti les histoires d’antan aux motifs et héros traditionnels. Déambulent des foules anonymes de clones de Mickey, Minnie, Donald, Dingo et tutti quanti… Comme autant de fantômes grimés qui évoquent vaguement les originaux. La ronde des diapositives répétant en boucle la série documentaire comme un défilé de carnaval sans fin. Subjuguant, effarant. Das Unheimliche

Mais vous n’avez pas fini de vous divertir : un pas par ici…

…un pas de mambo karaoké par là (en compagnie de l’incandescente performeuse Marina Abramovic) ou bien un tour dans la plus petite boite de nuit du monde (l’air de rien, l’air du vide…).

À quelques minutes du centre-ville, mais accessible par les lignes de bus C4, 14 et 12, le Frac Bretagne accueille également Pas sommeil. Avec une proposition différemment festive, et sans doute un peu moins pertinente que les précédentes, le visiteur appréciera l’épatant cliché d’Andreas Gursky, “Madonna 1” pris au moment d’un concert de la star en 2011 en Allemagne de l’Est.

Andreas Gursky
Le concert de Madonna par Andreas Gursky ou une star dans sa constellation…

Perchée en hauteur, la foule ressemble à une voie lactée de visages humains dont les traits, bien distincts, permettent d’apprécier la personnalité de chaque spectateur. Le rassemblement n’a jamais été une masse anonyme, mais bien une multitude organique de milliers de subjectivités…

Pas sommeil
“Celebration ? Realife Revisited” de Marc Camille Chaimowicz nous plonge dans un lendemain de fête éternel.

L’œuvre de Marc Camille Chaimowicz termine en beauté au relief nostalgique la visite de l’exposition. Dans une débauche de boules discos, de paillettes, de fleurs et d’effets personnels, son installation Celebration ? Realife Revisited met en place un environnement qui étire le moment de la fête au son des tubes des années 70-80. Un protocole pour prolonger la liesse, voire la figer dans une espèce de stase, comme un refus de terminer la fête. Ainsi soit-il.

Pas sommeil
Décor de fête éternel, les boules discos brillent de mille feux pour l’installation « Celebration ? Realife Revisited » de Marc Camille Chaimowicz.

INFORMATIONS PRATIQUES

L’exposition Pas sommeil. La fête dans tous ses états. est visible jusqu’au 18 septembre 2022 

– aux Champs Libres, 10 cours des alliés, Rennes. Ouvert du mardi au vendredi de 12h à 19h (vacances d’été, de 13h à 19h), le samedi et dimanche de 14h à 19h. Tél : 02 23 40 66 00

– au Musée des beaux-arts, 20 Quai Emile Zola, Rennes. Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 17h, le samedi et le dimanche de 10h à 18h. Tél : 02 23 62 17 45

– au Frac Bretagne, 19 Avenue André Mussat, Rennes. Ouvert du mardi au dimanche de 12h à 19h. Tél : 02 99 37 37 93

Billet d’entrée pour les trois lieux : Tarif plein à 9€. Tarif réduit à 4€. Gratuit pour les moins de 26 ans et les titulaires du dispositif Sortir !

Un article de Nicolas Roberti et Benjamin Julienne

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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