Le Signal de l’océan, une longue urgence est la nouvelle exposition à découvrir aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine jusqu’au 29 avril 2022. Prenant appui sur la bande dessinée du même nom, les archives dressent le tableau de l’évolution, ou de la dégradation, du littoral atlantique qui borde le département…

Depuis l’apparition de la consommation de masse dans nos sociétés, l’impact de l’être humain se fait de plus en plus pesant. Les conséquences de la surexploitation générée par l’économie mondiale ne cessent de se manifester, révélatrices du dérèglement climatique et de la dégradation de la planète : les glaciers fondent 31 % plus vite qu’il y a quinze ans, la déforestation en Amazonie brésilienne a atteint un record en 2020, plus de 11.000 km2 de forêt ont été détruits entre août 2019 et août 2020, selon l’Institut National de Recherches spatiales (INPE) brésilien. Sans compter les inondations, canicules, ouragans, et autres catastrophes naturelles à répétition…

Après l’exposition Bleu Pétrole, le scandale Amoco en 2020, les archives départementales d’Ille-et-Vilaine poursuivent leur cycle autour de l’environnement et s’intéressent cette fois au littoral atlantique. Ce que l’on appelle le trait de côte, la ligne entre la terre et la mer, n’en finit pas de gagner de l’espace sur les parcelles occupées par l’Homme. En cause ? Le réchauffement climatique et l’érosion des dunes et falaises. C’est à cette catastrophe que la nouvelle exposition des archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Le Signal de l’océan, une longue urgence, s’intéresse.

signal de l'océan rennes

Dans le cadre de la 15e édition de BD Histoire, les archives prennent appui sur la bande dessinée Le Signal de l’océan, scénarisée par Pierre-Roland Saint-Dizier, et découpée, coloriée et dessinée par Joub et Nicoby, pour en faire le fil rouge d’une exposition qui dresse le tableau de l’évolution, ou plutôt la dégradation, du littoral atlantique au fil des années.

Contrairement à la bande-dessinée de Gwénola Morizur (scénario) et Fanny Montgermont (dessin) qui retraçait le scandale Amoco, celle de Pierre-Roland Saint-Dizier, Joub et Nicoby est une fiction qui prend place dans le petit village balnéaire imaginaire de Malderosse. L’histoire commence en 1976 et se termine en 2025. Bien que fictive, l’histoire est inspirée d’un fait réel, celui de la construction du bâtiment Le Signal à Soulac-sur-Mer. « On est sur une problématique d’aménagement du territoire, et ce qui a pu se faire pendant plusieurs années sur la conquête des terres par l’homme sur son environnement et notamment auprès de la mer », déclare Élodie Petton, chargée de mission aux archives départementales et co-commissaire de l’exposition.

expo archives départementales rennes

L’exposition s’ouvre sur l’affaire du Signal, bâtiment construit à Soulac-sur-Mer en 1967. Dans les années 60, un promoteur lance un projet de résidence dans le but de construire un véritable complexe, mais fait faillite. De ce projet, il ne restera qu’un bâtiment, le Signal. Bien en amont de toute autre construction, la résidence est érigée à 250 mètres de la mer. « La dune était tellement haute que les personnes du premier étage ne pouvait pas voir la mer. » Ce projet d’apparence idyllique, en bord de mer, se transforme finalement en un véritable enfer juridique…

Aujourd’hui, on ne distingue qu’une dizaine de mètres entre lui et le trait de côte. Le Signal n’est qu’une coquille vide faite de béton et de poutres. « En 2014, les résidents ont dû évacuer le bâtiment », renseigne Élodie Petton. Et de poursuivre, « Sur tout un pan du littoral, notamment la tranche atlantique, entre la Charente et le Pays basque, se constate un phénomène de grignotage du sable, d’érosion côtière où le trait de côte recule énormément. » Une maquette, réalisée par Jean-Pierre Garnier, illustre parfaitement le phénomène et l’avancée de la mer sur la dune entre 1976 et 2021.

Avec articles de journaux et citations à l’appui, l’exposition retrace une bataille judiciaire de plusieurs années, l’érosion n’étant pas considérée comme une catastrophe naturelle en France…

En réponse aux planches de la bande dessinée, des documents d’archive donnent à voir la proximité entre l’historique du littoral atlantique et l’histoire du Signal de l’océan. La commune de Malderosse se révèle l’archétype des communes du littoral français dans les années 70. L’augmentation du tourisme sur la façade atlantique, et l’arrivée massive de touristes, créa une dynamique d’aménagement du territoire de laquelle naquit une volonté de rendre les espaces urbanisés. La deuxième partie de l’exposition ramène ainsi le public sur la côte d’Émeraude qui borde le département d’Ille-et-Vilaine.

signal de l'océan rennes

Sont abordés, entre autres, la modification de notre environnement pour le tourisme et les effets du tourisme côtier sur la côte d’Émeraude (Saint-Malo, Cancale) à partir des années 70. Une liste de vacanciers de la saison estivale de Cherrueix datant des années 1960, révèle notamment que le tourisme dans la baie du Mont-Michel, moins convoitée, était essentiellement celui d’une population habitant la région ou venant de Paris. « Permettre des aménagements c’est aussi augmenter la capacité d’accueillir des gens pour raisons économiques et donner des emplois aux locaux », précise Elodie Petton.

signal de l'océan rennes

Le débat de la bande-dessinée s’étale sur les murs de la salle d’exposition et entre en résonance avec les faits réels constatés sur nos côtes. Bien qu’elle se soit révélée un échec, la construction d’un bâtiment tel Le Signal n’est non plus à voir comme la pulsion irréfléchie d’un promoteur. L’exposition interroge les décisions prises à une époque et la manière dont aujourd’hui, il est nécessaire de revenir en arrière. « L’érosion des dunes et des falaises, malgré les mesures mises en place n’a pas fini d’être un sujet d’actualité. »

Au-delà de l’attractivité touristique, il est également question d’industrialisation avec notamment l’usine marémotrice de la Rance, mise en service en 1995. À l’allocution du général Charles de Gaulle pour l’inauguration s’ajoutent des articles de journaux qui mettent notamment en lumière les volumes considérables de sables extraits dans les communes voisines et le désaccord des riverains aux alentours.

« Le réchauffement climatique amène avec lui des événements de plus en plus violents qui mettent en péril, toujours un peu plus, la place de l’Homme sur le littoral. »

S’ensuit une dernière partie sur les notions de préservation et des actions du département du conservatoire du littoral. Devant l’évidence d’une montée des eaux inévitable, l’Ille-et-Vilaine, comme les autres départements, tente de s’adapter pour mieux se conformer aux besoins environnementaux tout en préservant la sécurité des personnes et une qualité de services touristiques, essentielle pour la survie économique de la région.

expo archives départementales rennes

Le Signal de l’océan, une longue urgence dresse au final le constat d’une mer qui reprend ses droit sur le terre, et de l’impact du dérèglement climatique sur nos côtes. Elle amène à découvrir tous les aspects de l’aménagement du territoire (tourisme, industrialisation, agriculture), mais aussi tout ce qui peut-être lié aux phénomènes d’érosions naturelles, accentuées par les changements climatiques, ou les catastrophes dues à des tempêtes.

Si tout se déroule bien, le bâtiment du Signal devrait être détruit au printemps 2022. À la fin de l’exposition, le 29 avril 2022, le bâtiment n’existera peut-être plus, mais son histoire restera néanmoins gravée dans le marbre, les propriétaires pouvant être considérés, selon l’avocate Corinne Lepage en charge de l’affaire, comme les premiers réfugiés climatiques français…

Du 4 janvier au 29 avril 2022, exposition Le Signal de l’océan, une longue urgence, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, Rennes.

Archives départementales d’Ille-et-Vilaine

1 rue Jacques-Léonard
35000 RENNES

Tel : 02.99.02.40.00
Courriel : archives@ille-et-vilaine.fr

Horaires et fermeture :

Le bâtiment est ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 17h30

Fermeture mensuelle :  le premier lundi de chaque mois.
Prochaine fermeture au public : lundi 7 février 2022
Fermeture annuelle : du 1er au 15 août inclus.
Fermeture les jours fériés.

A voir également la visite de l’immeuble de Soulac sur Mer « abandonné » par ses propriétaires (Urbex).

Article connexe :

Article précédentNANTES. ZAHO DE SAGAZAN AUX INOUÏS DU PRINTEMPS DE BOURGES
Article suivantRENNES. LOWDY WILLIAMS AUX INOUÏS DU PRINTEMPS DE BOURGES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici