La Confluence de Betton accueille durant 5 mois l’exposition « Un monde imparfait » du photoreporter Gilles Caron. Rendez-vous donc du 22 octobre 2022 au 5 mars 2023 pour découvrir son travail. Produite en partenariat avec la Fondation Gilles Caron, l’exposition est organisée en neuf sections et réunit plus de 150 photos produites pour cette exposition. En complément sont reproduits sur la façade de la Médiathèque de Betton 8 impressions grands formats.

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« Un monde imparfait »,  c’est le constat amer fait par le jeune Gilles Caron dans une lettre à sa mère en 1960, après quelques mois de service militaire pendant la guerre d’Algérie. Ce monde le déçoit, le révolte, l’ennuie. Il n’aura de cesse, au cours de sa courte carrière, de le photographier, d’en montrer les limites mais aussi les moments de grâce. En quelques cinq années d’une œuvre interrompue par sa mort prématurée au Cambodge, il impose sa signature de reporter et couvre les sujets les plus variés, du monde du spectacle à Mai 68 en passant par l’Irlande et le Vietnam. Il est l’auteur d’images incontournables et largement diffusées dans la presse.

1. Gilles Caron, photographe « people »

Gilles Caron est d’abord au contact des stars de cinéma lorsqu’il travaille comme paparazzo au début de sa carrière. Chasseur d’images à la sortie des théâtres, des fêtes mondaines ou dans les halls d’aéroports, il est à la recherche de scoops et de portraits pris à la dérobée qu’il pourra vendre à des magazines.
Gagnant en notoriété, il est sollicité pour réaliser des portraits de vedettes en studio et des reportages sur les plateaux de cinéma.

2. Panorama journalistique : Israël, 1967 / 1969

Gilles Caron couvre en juin 1967 la guerre des Six Jours, photographiant l’arrivée des soldats israéliens au canal de Suez et à Jérusalem. L’une de ses images les plus connues les montre en train d’embrasser le mur des Lamentations, lieu sacré du judaïsme. Ses photographies, publiées dans les magazines illustrés, assoient sa stature de reporter. Deux années plus tard, en 1969, il retourne sur place et effectue plusieurs reportages sur des sujets comme une usine d’armement, la police israélienne ou une prison.

3. Stratégies du photo-reportage d’auteur. Vietnam, automne 1967

En novembre 1967, la guerre qui oppose le nord et le sud du Vietnam dure depuis plus de douze ans. Gilles Caron arrive sur place au début des combats sur les Hauts Plateaux centraux, dans la région de Dak To. Son reportage montre plusieurs facettes de la guerre : les soldats sur le front, au repos, les enfants et la prostitution, transformée en véritable industrie. En deux mois, il réalise environ cent-trente films. Son image la plus relayée dans la presse est celle d’un soldat en train d’allumer une cigarette devant une cabane en feu. Ici, Gilles Caron produit une image lisible pour la presse, qui exprime visuellement et de manière synthétique les méthodes employées qui contribue à la fois à la construction de sa propre renommée et à celle de son agence, la coopérative Gamma.

4. Aux limites du reportage photographique. Biafra, Afrique de l’Ouest 1968

En 1967, le Biafra déclare son indépendance et fait sécession avec
le Nigéria, enclenchant un conflit de trois ans. Le blocus terrestre et maritime de la région entraîne une famine de masse et cause la mort de plus d’un million de personnes. La presse internationale couvre l’événement, marquant la naissance d’une médiatisation croissante des crises humanitaires et du rôle central joué par les organisations non-gouvernementales venant en aide aux civils.
Gilles Caron se rend à trois reprises au Biafra en 1968 et témoigne
lors d’une interview télévisée de la détresse des populations. Il photographie les corps décharnés d’enfants squelettiques. Il saisit également son collègue Raymond Depardon filmant l’agonie d’un enfant, posant frontalement le problème déontologique de la validité du témoignage journalistique face à la souffrance et à la violence.

5. Dynamique de l’événement, mécanique de la presse. Paris, mai-juin 1968

Le sourire narquois de Daniel Cohn-Bendit à un CRS le dépassant d’une tête : c’est bien souvent à cette image que l’on résume la contribution de Gilles Caron à la couverture des événements de mai et juin 1968. Voilà une icône qui semble tout devoir à la spontanéité d’une situation, à la présence « au bon endroit et au bon moment » du photoreporter. La planche-contact dont est tirée l’image montre cependant qu’elle procède d’une construction travaillée, le résultat d’un jeu de regards où le leader de la fronde estudiantine comme le photographe trouvent leur compte. Au fil des jours, Gilles Caron accumule les images d’étudiants lançant des pavés, s’affaissant derrière les écrans de fumée lacrymogène ou des CRS leur répondant avec virulence, et propose un répertoire chorégraphique de la lutte.

6. Derry, le soulèvement. Irlande du Nord, 1969

Gilles Caron photographie en 1969 le conflit nord-irlandais opposant protestants et catholiques. Son travail témoigne de
la violence des affrontements : les policiers de la couronne apparaissent casqués et armés devant les barricades, les cocktails molotov et les lanceurs de pierre. La gestuelle vulnérable et téméraire des manifestants forme une chorégraphie du combat urbain, rappelant les scènes de mai 68. Ses images largement publiées appartiennent aujourd’hui à la mémoire des « Troubles », expression euphémique employée à l’époque pour désigner la guerre civile.

7. Un événement empêché. Prague, 21 août 1969

À son retour d’Irlande, Gilles Caron se rend directement à Prague. Du 21 au 23 août 1969, le peuple pragois manifeste pour marquer son opposition au régime, à l’occasion de l’anniversaire de l’invasion des troupes du pacte de Varsovie. L’événement soulève de nouvelles vagues de contestation, dans le sillage des revendications déjà exprimées lors du Printemps de Prague. Gilles Caron photographie les sit-in, les blindés tchécoslovaques, la fulgurance des courses dans la vieille ville pour échapper aux gaz et les mouvements de résistance improvisés où des jeunes gens lancent des poubelles et des planches de bois. Caron revient de Prague avec seulement dix-sept films. Moins connu que d’autres séries, ce travail revêt néanmoins un caractère inédit dans sa carrière : en seulement trois jours sur place, il obtient une quinzaine de parutions et fait la Une du Nouvel Observateur et du Sunday Times.

8. Au bout du désert, la guerre. Tchad, 1970

En 1970, Gilles Caron rejoint et suit les rebelles armés du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) créé en juin 1966, en opposition au gouvernement sudiste officiel de François Tombalbaye. À ce moment-là, alors que Tombalbaye durcit son régime pour en faire une véritable dictature, le Frolinat a été rejoint par les nomades Toubous de la région du Tibesti. Gilles Caron vit son avant-dernier grand reportage avec une intensité inouïe.

9. Les coulisses du travail de Gilles Caron

L’œuvre de Gilles Caron ne s’arrête pas aux images. Ses archives regroupent des matériaux inédits : des lettres à son entourage, des carnets de cours, des notes personnelles. Ces documents témoignent de son engagement politique et participent de la formation de son regard. Sa vocation de photoreporter s’épanouit aussi dans les prises de vue du quotidien, dans le métro ou dans les mises en scène de sa femme Marianne. Ses clichés de l’intime participent à ce qui forme le cœur de son travail : l’art du portrait.

La dernière planche-contact de Gilles Caron, envoyée à son agence de presse avant sa disparition au Cambodge, cristallise à la fois sa carrière de photographe et ses derniers instants de vie.

Les commissaires de l’exposition

Guillaume Blanc prépare une thèse à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur le champ photographique français d’après-guerre et ses implications idéologiques. Ses publications récentes incluent une contribution au catalogue de l’exposition “Icônes de Mai 68. Les images ont une histoire” (BnF, Paris) et un article pour la revue Transbordeur. Photographie, histoire, société.

Clara Bouveresse est maîtresse de conférences à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne. Elle est notamment l’autrice de Femmes à l’œuvre, femmes à l’épreuve. Eve Arnold, Abigail Heyman, Susan Meiselas (Actes Sud), catalogue d’une exposition présentée aux Rencontres d’Arles en 2019, et de Histoire de l’agence Magnum. L’art d’être photographe (Flammarion, 2017).

Isabella Seniuta est l’autrice d’une thèse sur l’histoire du « Eye Club », un réseau d’acteurs actifs dans les années 1960-1980 qui façonnèrent le marché naissant de la photographie entre Paris et New York. Elle enseigne actuellement l’art contemporain à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Photos : Fondation Gilles Caron / Clermes

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