Du 18 septembre au 29 novembre 2015, l’une des salles du FRAC Bretagne accueille l’exposition Mémoire croisées, Dérives archivistiques conçue par les Archives de la critique d’art. Un parcours de lecture où les formes et les signes de la critique d’art s’organisent autour de gestations ouvertes.

« L’idée était de saluer la création d’une institution unique qui a la particularité d’être née à Rennes » explique Catherine Elkar, la directrice du Frac Bretagneexpo frac bretagne. De fait, créées en 1989, les Archives de la critique d’art sont à la fois un centre d’archives, une bibliothèque, une lieu de recherche et de débat sur la critique d’art et l’art contemporain. En guise d’anecdote, on rappellera que le Frac Bretagne fut d’ailleurs le premier hébergeur des Archives. C’était en 1992, à Châteaugiron. Depuis, les Archives de la critique d’art ont grandi, mais leur propre structure est restée près du Frac Bretagne. En face, de l’autre côté de la rue.

expo fracL’exposition Mémoires croisées, Dérives archivistiques invite les visiteurs à une traversée dans le temps : de la seconde moitié du XXe au début du XXIe siècle. Si une infime partie des ressources des Archives est mise en lumière, il y a déjà là matière à apprendre sur l’art, la critique, les institutions et autres débats depuis 1945. Qui plus est, la France n’est pas le seul témoin de ces mémoires du passé, des archives du Brésil et de la Corée, notamment, sont également mises en lumière. Il en ressort une forme de panorama des temps de gestation de la critique d’art contemporaine. Dans cette salle de la galerie Est du Frac, les archives sont alors organisées en sept périodes au service de différents versants de la critique d’art.

archives critique artOn commence avec L’AICA (Association internationnale des critiques d’art) créée en 1948 dans la mouvance de l’UNESCO. Des archives d’universitaires, comme Herbert Read, de conservateurs ou de critiques sont exposées. Le commissaire d’exposition, Jean-Marc Poinsot, expose pêle-mêle une matière importante que le visiteur a pour tâche de réfléchir. Il s’agit de restructurer le passé en élaborant des constructions aux logiques variables et variantes.

La Biennale de Paris (1949-1985) – réservée exclusivement aux jeunes artistes – est ici représentée par un panneau à son effigie. À quelques pas, les débuts du Néoconcrétisme au Brésil sont mis en valeurs alors qu’ils sont peu connus en France. Que dire de 1964 ? L’année où « New York vola l’idée de l’art contemporain à archives critique artParis ». Cette confrontation entre Europe et Amérique marqua l’évolution de l’Art. Le point de départ ? La victoire de l’artiste américain Robert Rauschenberg à la Biennale de Venise, fondée en 1895. Des dates clés s’enchainent et agissent comme repères temporels dans la structuration d’une matière fuyante comme le sable dans un sablier.

Architecture rime avec critique. Devant les yeux des visiteurs, la naissance de la critique d’architecture se lit à travers des archives telles que la lettre de Claude Parent à Michel Ragon, ce critique d’art atypique qui n’eut de ce de rappeler la double valeur spirituelle et contestataire de tout art bien compris. Ce tandem Architecture et Critique marque un tournant dans l’exercice de la critique d’art dans la seconde moitié du XXe siècle.

Quant à la contestation des artistes, elle est revendiquée à l’aide de panneaux placés au centre de la salle. Le mouvement Support/surfaces, né en 1970, frac bretagney trouve sa place et envahit quatre… surfaces. Des archives de l’affaire Cane/Templon constellent la totalité d’un panneau. Dorénavant, l’artiste revendique son travail plastique et ses engagements.

« Elles ont choisi… » de faire entendre leur voix. Une exposition dédiée à la critique d’art sans elles n’aurait pas été complète. Les artistes et critiques femmes sont représentées : de Gina Pane à Annette Messager en passant par Léa Lublin ; toutes sont aujourd’hui reconnues à leur juste valeur par la scène artistique française. Citons également, les critiques Aline Dallier, Dany Bloch, sans oublier Anne Tronche et Catherine Francblin.

Une unique salle est dédiée à Mémoires croisés, dérives archivistiques ; pourtant, deux temps de visite se profilent.

frac bretagne rennesD’abord, la lecture, l’interrogation et la compréhension du passé. Des panneaux en bois clair et leurs vitrines servent de support aux archives des différentes périodes abordées. Courrier personnel, catalogue d’exposition, photographies, archives audiovisuelles… Les archives de la critique ont privilégié une monstration de l’histoire laissant à chacun « l’idée de trouver la construction qu’il a envie de trouver », explique Jean-Marc Poinsot, co-fondateur des Archives de la critique d’art et enseignant à l’Université Rennes 2.

archives critique artEnsuite vient la contemplation en miroir et parallèle entre textes et images. Cette foison d’archives et autres informations est ponctuée par des œuvres de la collection du Frac Bretagne. L’occasion opportune de découvrir l’oeuvre d’artistes cités dans telle ou telle archive. L’Affiche Brazil, l’Affiche British Pavilion et l’Affiche Japon de Raymond Hains côtoient ainsi La lentille (1950) de Gina Pane. Ses trois agrandissements de lentille de loups complètent le panneau « Elles ont choisi ».

L’objectif de cette exposition vise à montrer un aperçu des archives de la critique d’art et de rendre ces documents accessibles à tout public. C’est assez réussi bien que l’exposition scripturaire et mémoriel reste assez complexe et hésite entre plusieurs orientations. Montez les marches, ouvrez votre guide de visite et plongez-vous dans la lecture du passé. À une époque où, précisément, les gestations et points de vue étaient foisonnants et audacieux,archives critique art quels que puissent être incertains leurs devenirs – une vitalité moins étriquée que celle qui anime le monde contemporain.

Dans son Journal intime, Kafka écrit : “Nous creusons la fosse de Babel.” Pourquoi “la fosse” ? En vérité, nous ne cessons pas d’élever en même temps la tour de ce même Babel. Mais tout est double. Nos mains fouillent la terre pendant que notre esprit monte vers le soleil. Nous pétrissons des corps et nous inventons des formes. Nous nous enfonçons dans la multiplicité des signes et des êtres et nous crions vers l’unité d’un Dieu inaccessible, et il en sera ainsi jusqu’à la fin des siècles, dans l’invisible simultanéité des exaltations et des écroulements. Babel, c’est l’écartèlement sans fin des sens et de l’esprit, c’est la prostitution du corps accueillant toutes les âmes et la constitution de l’âme unique absolvant tous les corps. (Abellio, La Fosse de Babel, Gallimard)

 

Mémoires croisées / dérives archivistiques – Frac Bretagne – du 18 septembre au 29 novembre 2015

Commissariat  : Jean-Marc Poinsot avec l’aide de Laurence Le Poupon et Charlotte Brice. Si vous êtes désireux d’en savoir plus, le Frac Bretagne vous invite le 9 octobre de 14h30 à 17h30, à un après-midi rempli de rencontres sur le thème « Le commissariat d’exposition comme modalité de la critique d’art . ».

 

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